Effractions, le festival de littérature de la Bibliothèque d’information Publique de Pompidou, revient en 2022 pour sa 3ème édition. Inaugurée en 2020 par la BPI, ce projet littéraire consiste au regroupement de nouveaux écrivains dont le récit se plongerait entre réel et fiction.
Ce festival de littérature contemporaine offre au public une nouvelle perspective du réel : de manière abrupte ou légère, la réalité est abordée de multiples manières. Elle permet à ses lecteurs de découvrir un aspect original et authentique du réel d’un auteur.
Comment le réel s’exprime-t-il à travers la fiction ?
L’objectif n’est pas d’interdire la « non fiction » mais de réfléchir au réel sous différents angles avec l’accueil de tous les genres littéraires . La BPI propose donc un large panel d’activités, de performances et de rencontres autour de cette littérature contemporaine, star du festival.
On s’interroge sur les questions de notre société actuelles et aux débats qui se développe à notre époque mais pas seulement. Le parallèle entre réel et fiction reste le coeur du festival : qu’importe le genre, la question est de savoir comment interpréter ce récit avec nos thématiques contemporaines.
Cette année, le public pourra découvrir ou redécouvrir de nombreux auteurs comme Antoine Wauters, Joseph Wrinkler, Leila Guerrero, Nicolas Mathieu, Laura Vazquez et beaucoup d’autres.
Le Jeudi 24 février 2022, rendez vous avec le premier événement avec la soirée d’ouverture, inaugurée par Antoine Wauters et son nouveau roman : Mahmoud ou la montée des eaux (2021). Venez découvrir la lecture de son récit accompagnée de deux musiciens, le Damast Duo, autour de la culture musicale syrienne.
Le festival commencera le 24 février et se conclurera le lundi 28 février 2022 !
Vous pourrez par ailleurs retrouver une future interview entre Sorbonne UNECSO et Blandine Faure, organisatrice du festival.
Pour plus d’information, retrouvez tous le programme sur le site de la BPI.
Euny Hong, The Birth of Korean Cool. How one nation is conquering the world through Pop culture, Picador original, 2014, 267p.
Aujourd’hui, revenons sur un ouvrage qui nous explique comment – en l’espace de cinquante ans – la Corée du Sud est devenue la onzième puissance mondiale en partie grâce à son industrie culturelle. Exploit d’autant plus impressionnant qu’en 1953, à la fin de la Guerre de Corée, le Sud appartenait encore au « Tiers Monde ».
Ici, notre prétention n’est pas de faire un résumé exhaustif de la thèse d’Euny Hong. Mais, revenir sur certains de ses arguments semble être un bon moyen de comprendre les motivations de la Corée du Sud à développer son industrie dans le domaine de la pop-culture.
Euny Hong est une auteure et journaliste américano-coréenne, née en 1973 aux États Unis. A 12 ans en 1985, elle déménagea à Seoul avec ses parents. Son père était économiste et était parti aux États Unis pour terminer sa thèse. Elle explique d’ailleurs dans son ouvrage que son aménagement à Séoul s’est fait dans un immeuble d’élites construit par l’État coréen (avec la participation de Hyundai) spécialement pour inciter les « brains » à revenir en Corée du Sud. Jeune adolescente ayant connu le racisme ordinaire anti-asiatiques aux États Unis, Euny s’est retrouvée dans une école publique à Séoul où là aussi, elle ne se sentait pas réellement chez elle. Le fossé culturel entre les deux pays était très important, sans parler de la différence de développement (du point de vue des mœurs comme du point de vue économique).
Durant son adolescence, Euny a donc été éduquée à l’école publique, mais également dans un établissement international. Une fois l’équivalent du bac en poche, elle fit ses études aux États Unis, à Yale, où elle fut diplômée d’un Bachelor en Philosophie.
En 2014, elle publia The Birth of Korean Cool. How one nation is conquering the world through Pop culture, dans lequel elle mêle le regard subjectif de sa propre expérience en Corée du Sud lors de son remarquable développement, et des données et remarques scientifiques et sociologiques pour étoffer son argumentation.
Aujourd’hui, Euny vit à Paris. Elle y a d’abord passé six ans en tant que journaliste pour France 24. Elle compte trois ouvrages à son actif, et a collaboré avec de grands journaux reconnus à l’international comme Le New York Times, Le Wall Street Journal ou encore Le Washington Post.
L’auteure recontextualise très bien les évènements pour voir leur impact sur les mœurs de la société sud-coréenne, ou encore sur l’économie. On apprend alors pourquoi les coréens ont cette volonté si féroce de réussir. Pour elle, cela vient du fait que la Corée n’a jamais colonisé, mais s’est toujours faite attaquer. Que ce soit par les Japonais, les Chinois, ou encore les Nord-coréens, elle s’est souvent retrouvée en position de faiblesse. Elle l’est encore aujourd’hui d’un point de vue militaire puisqu’elle dépend des États Unis. La population coréenne a alors développé, notamment pendant l’occupation japonaise du 20e siècle, ce que l’on appelle le Han. Aucune traduction littérale de ne peut se faire, en anglais comme en français, mais cela représente la colère et le besoin de vengeance que l’on ressent quand le destin s’acharne sur nous. Et, comme le dit Euny Hong, « les coréens ne sont pas connus pour être des gens qui pardonnent facilement ».
Une fois expliquée l’origine de cette volonté de réussite, Euny Hong nous explique comment les coréens ont fait pour développer leur économie. La question se posant alors était : Comment se développer différemment des pays du Tiers Monde ? Ils avaient la réponse : par l’hygiène, et par l’école. Alors qu’il y a 50 ans, les sud-coréens vivaient dans une société ultra-patriarcale où les hommes allaient travailler et les femmes restaient à la maison, comment cela se fait-il que dans la décennie 2010, une femme ait pu devenir présidente ? Et changer toute la société n’est pas gage de réussite sociale puisque l’on voit des pays riches régresser socialement. Cela s’explique par le fait que les coréens ont voulu développer leur société, mais qu’ils l’ont aussi fait en essayant de changer radicalement leurs mentalités.
Mais comment la Corée du Sud a-t-elle réussi à mettre en place une stratégie qui fonctionne ? Pour l’auteure, la Corée du Sud arrive à exporter ses produits culturels dans des pays pauvres, ce que les pays occidentaux peinent à faire. Selon elle, cela est dû au fait que la Corée du Sud a fait partie, un jour, de ces derniers. Ainsi, elle sait sur quels thèmes et sur quels contenus il faut s’appuyer pour toucher les publics, et elle a compris que pour que les gens consomment des produits des marques coréennes, il faut d’abord qu’ils aiment la marque Corée.
Elle tente également d’expliquer la création de l’industrie ultra lucrative de la K-pop. Dans les années 60, à l’époque du Rock en Angleterre, les Beatles faisaient partie de ces groupes qui se sont fondés spontanément, influencés par toutes les ouvertures culturelles autour d’eux. Alors, pourquoi est-ce qu’en Corée du Sud, les groupes formés étaient et sont encore purement artificiels ? En fait, les jeunes adultes n’avaient pas le temps de monter des groupes de musique, puisqu’ils étaient trop occupés à travailler à l’école ou à aider leurs parents pour redresser l’économie (sur fond de peur de l’envahisseur communiste du Nord). Euny Hong explique alors que le contexte de formation du groupe est important. Dans les sociétés occidentales, puisque les groupes ne partaient de rien, ils n’avaient rien à perdre, ils pouvaient donc tout tenter. D’autant plus que la politique de la seconde chance s’appliquait largement en Europe et aux États Unis. En Corée, c’était différent : l’économie très pauvre du pays impliquait le besoin de réussite immédiate ; et les préceptes confucéens, dont la société sud-coréenne est encore imprégnée, ne valorisaient pas les secondes chances. Pour résumer : la Corée du Sud n’avait tout simplement pas le temps d’attendre que des artistes se trouvent et décident de s’assembler par eux-mêmes pour lancer son industrie musicale. C’est d’ailleurs de cet état d’esprit que viennent les fameux contrats imposés aux idols qui s’étalent sur sept, voire treize ans : pour créer un bon groupe, il faut environ 10 000 heures de préparation. Alors, un contrat sur sept ans, d’un point de vue de rentabilité, n’est pas aberrant. Le but étant de former les groupes quand les idols sont jeunes, afin qu’ils puissent grandir ensemble et n’agir plus que comme un seul individu. Les groupes sont donc préfabriqués, et traités comme des produits dès le début de leur carrière.
Au même titre que l’industrie de la K-pop, Euny Hong se focalise sur l’industrie cinématographique et télévisuelle, expliquant les clichés véhiculés, les enjeux politiques et sociaux au niveau international mais aussi au niveau régional, notamment avec la Corée du Nord. Elle met également l’accent sur les différentes politiques publiques mises en place par l’État sud-coréen et son ministère de la culture pour développer cette industrie, sur fond de protectionnisme. Vous raconter dans les moindres détails son argumentation ne vous ferait que manquer un livre que vous devez absolument lire si vous comprenez plus ou moins l’anglais. En effet, le récit d’expériences personnelles au milieu de données scientifiques nous permet de mieux comprendre l’évolution des pratiques et des mentalités, et les plaisanteries de l’auteure nous permettent de commencer à avoir un regard éclairé sur ce que peut représenter dans le monde l’Industrie de la Culture. Je ne peux que vous conseiller de le lire si vous aimez apprendre tout en vous amusant !
“Ghibli est un nom que j’ai choisi au hasard après l’avoir lu sur un avion. C’est juste un nom.” Tels furent les mots d’Hayao Miyazaki à Mami Sunada en 2013 lorsqu’elle lui demanda s’il était inquiet pour l’avenir du studio qu’il a lui-même créé.
Si ce nom a été trouvé au hasard, les films issus de ce fameux studio, ont eux tout, sauf un caractère anodin. Hymnes à la jeunesse, à l’amour, à la famille, à l’environnement, et à la femme, ils ont bercé toute une génération d’enfants grandissant à l’ère de la culture de masse, dont le soft power japonais ne fait pas exeption. Pourtant, n’en déplaise aux altermondialistes, ce ne sont pas des idées nationalistes que le studio Ghibli prône, mais bien des valeurs universelles, empreintes de tolérance et de respect pour son prochain.
Expliquer les métaphores de ces films, tel est le pari que s’est lancé le journaliste Alexandre Mathis en faisant la sociologie des personnages inventés par les réalisateurs des studios. LES réalisateurs ? Oui, car si Hayao Miyazaki est sûrement le plus célèbre d’entre eux, il n’est pourtant pas seul à traverser les locaux de Ghibli. Mentionnons alors Toshio Suzuki et Isao Takahata. On peut donc parler d’un trio de cofondateurs des studios. Nombre d’autres réalisateurs sont présents, cependant la prégnance de Miyazaki et Takahata s’explique par les succès qu’ont rencontré leurs œuvres.
Loin d’être alors un ouvrage sur la beauté des images des films, Un monde parfait selon Ghibli plonge alors en profondeur dans le sens caché des actions que les auteurs prêtent à leurs personnages. On peut alors parler d’écologie, d’égalité, d’amour ! De guerre aussi.
Retour sur trois des valeurs clefs, vous laissant le plaisir de découvrir les autres lors de la lecture de cet ouvrage qui est, dans la pratique, accessible à toutes et tous.
“Porter sur le monde un regard sans haine”
Si nous ne devions revenir ici que sur un exemple, un seul. La Princesse Mononoké, film au titre éponyme, raconte l’histoire d’Ashitaka, prince d’un village du Japon médiéval, dont le corps se fait peu à peu dévorer par une malédiction, après avoir tué un dieu sanglier possédé. Le seul remède : s’exiler dans la forêt, où vivent les esprits, pour trouver la cause de son malheur. Son périple lui apprend une chose tout au moins : les hommes et les animaux de la forêt ne cohabitent pas, ils se battent, ils résistent, ils se vouent une haine sans pareil. Chacun d’eux ont des raisons louables à leur attitude : d’un côté Dame Eboshi, qui tente de subvenir aux besoins de la ville sous son commandement. De l’autre, la forêt, les esprits, attaqués, ne sachant se défendre, haineux envers ces humains qui les attaquent. Mais, dans ce monde manichéen de prime abord, Ashitaka fait la rencontre de San, la princesse Mononoké, humaine élevée par une louve, contre les humains et leur manque de conscience écologique. Le rôle d’Ashitaka dans ce film : apprendre aux éléments à cohabiter ensemble. Montrer que la paix est possible. Et la paix est possible, quand on en arrive à la fin du film.
Ghibli et le féminisme
Parler de féminisme pour qualifier les studios Ghibli a été souvent considéré par nombre de journalistes comme une déformation interculturelle. L’auteur, mettant ces critiques à part, montre le rôle fondamental des femmes dans toutes les œuvres des auteurs de Ghibli. Loin de considérer que la femme est plus débrouillarde que l’homme, les auteurs tentent plutôt de montrer des femmes maitresses de leurs destins, et qui sont capables d’obtenir de l’aide d’hommes. En fait, c’est un discours d’égalité. Chihiro mène son aventure seule, et se fait un ami, Haku. Yubaba elle-même est la directrice des bains, et ne dépend d’aucun homme. Naausica, elle, est belle, forte, combattante, débrouillarde. Elle finit d’ailleurs par triompher, et sans l’aide du prince charmant. Dernier exemple, qui me tient particulièrement à cœur je dois bien vous l’avouer, est celui de Kiki, du film Kiki la Petite Sorcière, qui, du haut de ses treize ans, quitte la maison familiale sur son balai pour accomplir son apprentissage de sorcière loin de ses parents. Accompagné de Gigi son chat noir, elle s’établit seule : service de livraison, aventures dans la forêt, secours auprès d’une vieille dame ou de son ami suspendu à un dirigeable, elle est la maitresse de la situation à tout point de vue. Et, lorsqu’elle défaille, elle trouve seule la solution à sa perte de pouvoir.
“Quand l’homme rompt l’équilibre du monde, la forêt fait d’énormes sacrifices pour rétablir cet équilibre.”
Comment parler des films Ghibli sans s’arrêter quelques instants sur le poids des messages écologiques ? Impossible. Pourquoi ? Car dans tous les films, on y retrouve une morale environnementale. Tous. Nausicaa, c’est l’histoire d’une jeune fille qui tente par tous les moyens de restaurer la paix entre les hommes et la nature, devenue – pense-t-on – meurtrière après une guerre mondiale qui a mis fin à l’ère industrielle et moderne telle que nous la connaissons aujourd’hui. La Princesse Mononoké délivre le même message : la paix et la cohabitation entre les hommes et les éléments de la Terre. Et que dire de Ponyo sur la falaise, où Fujimoto, sorcier du fond des océans, essaie de rendre à la mer sa prééminence sur les hommes, qui l’ont mal-traitée jusqu’à présent. Dans Le Voyage de Chihiro, alors que les thèmes principaux pourraient être le passage de l’enfance à l’adolescence et l’amitié, on retrouve ce discours écologique, lors de l’arrivée d’un esprit putride dans les bains, métaphore de la pollution des rivières. Enfin – pour ne donner qu’un exemple de plus et vous laisser le plaisir de la découverte lors de la lecture de l’ouvrage – nous pouvons évidemment nous arrêter sur Mon Voisin Totoro, qui laisse une place prééminente encore une fois à la forêt, mettant à l’honneur une sorte de gros ours inoffensif qui fait pousser des arbres devant les yeux émerveillés de deux fillettes.
Alors, dans ces temps où la culture a tant de difficultés à nous parvenir, profitons du temps qui nous est laissé pour nous échapper et rêver à un monde meilleur, ou du moins à un meilleur lendemain. Un monde parfait selon Ghibli, en faisant le portrait des œuvres des studios Ghibli, trouve finalement la note d’espoir commune à tous ces films : les idées qui nous divisent ne sont en rien irrémédiables, et le meilleur est – le souhaite-t-on – à venir.
Si cet article vous a fait découvrir l’univers Ghibli mais que vous ne savez pas par où commencer, je vous invite évidemment à lire l’ouvrage d’Alexandre Mathis qui est compréhensible même pour les personnes n’ayant pas vu les films. Voici d’ailleurs la liste des films des studios depuis leur création. Un bon moyen aussi de passer le temps, seul, entre amis, ou avec des enfants, et pour se sensibiliser à des thèmes dont on parle beaucoup, mais finalement avec si peu d’humanité.
📚 À l’occasion de la journée mondiale de l’éducation, ce 24 janvier, l’antenne UNESCO et l’antenne UNwomen s’associent pour une semaine thématique qui traite des enjeux liés à l’éducation des femmes. Pour bien commencer la semaine, nous vous proposons une revue littéraire, une sorte de mise en abîme du thème du jour : les femmes qui lisent sont dangereuses (2005), de Laure Adler et Stefan Bollmann, aux éditions Flammarion. Soyez rassuré.es, il n’y a rien de dangereux à ce que vous êtes en train de faire, si ce n’est pour le patriarcat 💪 !
« Les femmes qui lisent sont dangereuses », du moins une chose est sûre, elles suscitent désir et fascination chez les artistes en Occident. De Vermeer, Renoir à Hooper, Stefan Bollmann et Laure Adler retracent l’histoire du trope occidental de « la liseuse ». Tantôt concentrée et plongée dans la lecture, tantôt lascive et abandonnée dans les replis d’une méridienne.
Loin de représenter a priori un quelconque danger, ces femmes qui lisent au parfum de mystère, le sont bel et bien pour les hommes qui les regardent. Lire, c’est d’abord prendre du temps pour soi avant de consacrer ce dernier à la couture, aux enfants, au foyer. Au sein de la sphère domestique, la lecture féminine représente l’instant durant lequel ses femmes échappent à leur rôle d’épouse, de mère et d’ange du foyer.
Laure Adler, historienne, journaliste et auteur s’associe à Stefan Bollmann, philologue, philosophe dans le commentaire de ces tableaux. Les deux auteurs explicitent au fil des pages le male gaze, qui est retranscrit dans cette iconographie particulière. La lecture est associée pour ce regard masculin à une féminité envoûtante, échappée et rêveuse qui met en danger l’homme, et l’ordre familial. Derrière ce regard fantasmé de la femme qui lit, se cache une réalité occidentale celle de l’éducation des femmes et des filles. L’omniprésence de ce thème suscite certaines questions sociologiques et historiques : les femmes lisent-elles davantage que les hommes ?
Selon Yasmina Foehr-Janssens, professeure en Lettres et Études de genre à l’Université de Genève la socialisation primaire genrée expliquerait que les filles lisent plus que les garçons jusqu’à l’âge adulte, tel qu’elle explique dans un article de Femina (2016) : « On remarque une socialisation différenciée des garçons et des filles durant leur jeunesse. Les premiers sont encouragés à être actifs, à aller jouer en plein air. Tandis que les secondes sont plutôt orientées vers des activités tranquilles, qui favorisent l’introspection. Parmi lesquelles : la lecture. Et cette facilité de contact avec le livre engendre un plaisir accumulatif : plus on lit, plus on a envie de lire ».
La lecture bien qu’elle émancipe a priori les femmes en tant qu’elle participe à leur éducation et leur permet d’échapper à un quotidien domestique peut néanmoins contraindre ses femmes dans des rôles genrées particuliers. Au-delà du fantasme masculin posé sur ses femmes qui lisent, le sexisme s’impose autrement au sein de cette activité. D’un part, dans son éducation la jeune fille dispose dans ses choix de lectures de romans qui conditionnent son imaginaire. Entre amour courtois et anti-héroïne à la Emma Bovary, la littérature est imprégnée de normes de genre sexiste. D’autant que l’activité même de lecture, réflexive et tranquille place les jeunes femmes dans la sphère de la tranquillité domestique, loin des activités masculines actives.
Antoine WIERTZ, La liseuse de romans (1853), Ixelles, Musée Wiertz
La lecture de ce beau livre d’art, de ses images comme de ses commentaires historiques ouvre ainsi la porte à de multiples réflexions sur l’éducation genrée, et les biais sexistes en peinture comme en littérature. Une iconographie séculaire qui interroge les regards contemporains portés sur ses femmes qui lisent, au-delà même sur ses femmes instruites, politiques et écrivaines qui dérangent encore. Quel paradoxe forme par exemple la liseuse de romans de Wiertz qui met en valeur la sensualité du corps d’une femme tout en désignant amèrement sa capacité à s’échapper par l’esprit de se regard perverti…
↪ Retrouvez en Story SONU une sélection d’oeuvres de femmes qui lisent 🎨
↪N’hésitez pas à aller feuilleter : Les femmes qui lisent sont dangereuses 📖:
↪ Mais aussi de la même auteure :
Dangerous Women: The Perils of Muses and Femmes Fatales (2009)
Les femmes qui aiment sont dangereuses (2009)
Les femmes artistes sont dangereuses (2018)
Les femmes qui écrivent vivent dangereusement (2007)
Le Corps des femmes: Ce que les artistes ont voulu faire de nous (2020)
Publié en 1991, Les Fourmis de Bernard Werber est le premier tome d’une trilogie plongeant le lecteur au sein d’un univers inconnu de l’homme : celui des fourmis et autres insectes se trouvant sous nos pieds.
Deux histoires pour le prix d’une
Ouvrir cet ouvrage de Bernard Werber, c’est non seulement découvrir un monde nouveau, celui des fourmis, mais c’est aussi être tenu en haleine jusqu’aux dernières pages grâce à une intrigue policière. Ce sont deux histoires aux univers bien distincts qui s’entrecroisent : l’une se déroulant dans le monde des humains et l’autre dans celui des insectes. Aux premiers abords, elles semblent n’avoir aucun lien entre elles, mais elles finiront par se rejoindre.
Les Fourmis c’est d’abord un roman policier. À la mort de son oncle biologiste, Jonathan Wells hérite de l’ancien appartement de celui-ci. S’aventurant dans la cave, il va découvrir les travaux menés par son oncle au sujet de l’univers des fourmis. Cependant, un jour, Jonathan ne remonte pas de la cave. Va s’ensuivre alors une succession de mystérieuses disparitions des personnes parties tour à tour à sa recherche.
Les Fourmis, c’est ensuite une plongée, aux allures de documentaire, au sein d’un monde qui se trouve sous nos pieds ; celui des fourmis. Bernard Werber nous conte le quotidien d’une fourmilière au travers des aventures de trois fourmis. On y apprend leur mode de fonctionnement, leurs guerres, l’histoire de leur colonie…
Ces deux histoires sont relatées à tour de rôles, mais sont également entrecoupées par des extraits de L’encyclopédie du savoir relatif et absolu. Cet ouvrage, écrit de son vivant par l’oncle de Jonathan, est composé de réflexions philosophiques, d’informations biologiques, mais également d’anecdotes farfelues, et d’énigmes logiques.
« La nature hait l’uniformité et aime la diversité. C’est là peut-être que se reconnaît son génie »
Au sein de ce roman, l’auteur nous livre les pensées de ces insectes, il les dote même de la parole. Les fourmis sont humanisées, elles ont leur humour, leurs histoires d’amour et leurs rivalités, leurs guerres et leurs services secrets.
On ne peut alors s’empêcher d’établir des parallèles entre leur univers et celui des humains. On s’amuse à découvrir leurs différences et leurs similitudes, et on en revient presque alors à envier cette société fourmilière fondée sur la solidarité qui pourrait être un exemple d’organisation sociale pour les humains.
Les fourmis ont été là avant nous et le seront sans doute après, elles sont plus nombreuses, plus résistantes et semblent parfois plus humaines.
Ainsi, avec son premier ouvrage Bernard Werber nous surprend grâce à un sujet original reposant sur une écriture fluide et un récit intelligemment construit alternant deux intrigues.
Les extraits d’encyclopédie, aérant l’histoire, nous permettent non seulement d’en apprendre un peu plus sur le monde des insectes, et ce de manière ludique grâce à une vulgarisation scientifique évoquant leur morphologie, leur mode de reproduction ou encore la répartition des rôles au sein d’une fourmilière. Mais ces extraits invitent également à la réflexion sur nos modes de consommation, ou tout simplement notre manière d’envisager la vie.
Petit bémol cependant pour l’histoire se déroulant dans le monde des humains : parfois un peu répétitive et redondante, certaines actions auraient sans doute gagné à être écourtées. De même pour le dénouement de l’enquête qui peut sembler quelque peu absurde.
Ceci dit, si vous cherchez un roman facile à lire, capable de vous divertir autant que de vous instruire, Les Fourmis de Bernard Werber est fait pour vous. À la fin de la lecture, il ne fait aucun doute que vous ne regarderez plus jamais les insectes de la même façon.
Chaque lundi retrouvez une découverte culturelle sur notre page pour vous occuper et vous inspirer pendant le confinement : aujourd’hui nous vous faisons découvrir la bande-dessinée Habibi.
Cette bande dessinée de Craig Thompson relate l’histoire de deux esclaves en fuite dans un pays arabe imaginaire. Dodola, jeune enfant vendue à un scribe, traverse une épopée déroutante au fil d’histoires ancrées dans le réel et de contes narrés. Par un dessin rêveur et une voix poétique, Habibi décrit la misère et la solitude par l’image d’un bateau échoué dans le désert. Surtout, le livre est profondément empreint des écrits bibliques et coranique.
Tel un roman initiatique, Habibi raconte comment Dodola et Cham, les deux protagonistes, ont traversé les épreuves marquantes de la vie. C. Thompson nous montre la misère, la réalité de la vie d’esclave et de la pauvreté. L’histoire est entrecoupée de passages de livres sacrés, racontés à nouveau et réinterprétés avec l’histoire qui nous est narrée. Son récit entre deux âges nous propulse dans un monde futuriste que la pollution et la cupidité des hommes a rendu infernal.
Par le seul usage du noir et du blanc, Craig Thompson nous fait voyager, et aborde les sentiments que l’humain est amené à ressentir de son enfance à l’âge adulte, de l’abandon, à l’amour, la maternité, la destinée, il dépeint aussi le traumatisme sexuel et les discriminations. Habibi est empreint de la calligraphie arabe, son dessin est à la fois capable de porter la réalité mais aussi le rêve et l’immensité, nous ramenant implacablement à des principes moraux s’appliquant au récit conté. Cette bande dessinée nous fait voyager, vivre une aventure mais surtout elle nous pousse à regarder plus haut et à repenser à nos traditions dans le monde d’aujourd’hui.