Euny Hong, The Birth of Korean Cool. How one nation is conquering the world through Pop culture, Picador original, 2014, 267p.

Aujourd’hui, revenons sur un ouvrage qui nous explique comment – en l’espace de cinquante ans – la Corée du Sud est devenue la onzième puissance mondiale en partie grâce à son industrie culturelle. Exploit d’autant plus impressionnant qu’en 1953, à la fin de la Guerre de Corée, le Sud appartenait encore au « Tiers Monde ».

Ici, notre prétention n’est pas de faire un résumé exhaustif de la thèse d’Euny Hong. Mais, revenir sur certains de ses arguments semble être un bon moyen de comprendre les motivations de la Corée du Sud à développer son industrie dans le domaine de la pop-culture. 

Euny Hong est une auteure et journaliste américano-coréenne, née en 1973 aux États Unis. A 12 ans en 1985, elle déménagea à Seoul avec ses parents. Son père était économiste et était parti aux États Unis pour terminer sa thèse. Elle explique d’ailleurs dans son ouvrage que son aménagement à Séoul s’est fait dans un immeuble d’élites construit par l’État coréen (avec la participation de Hyundai) spécialement pour inciter les « brains » à revenir en Corée du Sud. Jeune adolescente ayant connu le racisme ordinaire anti-asiatiques aux États Unis, Euny s’est retrouvée dans une école publique à Séoul où là aussi, elle ne se sentait pas réellement chez elle. Le fossé culturel entre les deux pays était très important, sans parler de la différence de développement (du point de vue des mœurs comme du point de vue économique). 

Durant son adolescence, Euny a donc été éduquée à l’école publique, mais également dans un établissement international. Une fois l’équivalent du bac en poche, elle fit ses études aux États Unis, à Yale, où elle fut diplômée d’un Bachelor en Philosophie. 

En 2014, elle publia The Birth of Korean Cool. How one nation is conquering the world through Pop culture, dans lequel elle mêle le regard subjectif de sa propre expérience en Corée du Sud lors de son remarquable développement, et des données et remarques scientifiques et sociologiques pour étoffer son argumentation. 

Aujourd’hui, Euny vit à Paris. Elle y a d’abord passé six ans en tant que journaliste pour France 24. Elle compte trois ouvrages à son actif, et a collaboré avec de grands journaux reconnus à l’international comme Le New York Times, Le Wall Street Journal ou encore Le Washington Post.

L’auteure recontextualise très bien les évènements pour voir leur impact sur les mœurs de la société sud-coréenne, ou encore sur l’économie. On apprend alors pourquoi les coréens ont cette volonté si féroce de réussir. Pour elle, cela vient du fait que la Corée n’a jamais colonisé, mais s’est toujours faite attaquer. Que ce soit par les Japonais, les Chinois, ou encore les Nord-coréens, elle s’est souvent retrouvée en position de faiblesse. Elle l’est encore aujourd’hui d’un point de vue militaire puisqu’elle dépend des États Unis. La population coréenne a alors développé, notamment pendant l’occupation japonaise du 20e siècle, ce que l’on appelle le Han. Aucune traduction littérale de ne peut se faire, en anglais comme en français, mais cela représente la colère et le besoin de vengeance que l’on ressent quand le destin s’acharne sur nous. Et, comme le dit Euny Hong, « les coréens ne sont pas connus pour être des gens qui pardonnent facilement ».

Une fois expliquée l’origine de cette volonté de réussite, Euny Hong nous explique comment les coréens ont fait pour développer leur économie. La question se posant alors était : Comment se développer différemment des pays du Tiers Monde ? Ils avaient la réponse : par l’hygiène, et par l’école. Alors qu’il y a 50 ans, les sud-coréens vivaient dans une société ultra-patriarcale où les hommes allaient travailler et les femmes restaient à la maison, comment cela se fait-il que dans la décennie 2010, une femme ait pu devenir présidente ? Et changer toute la société n’est pas gage de réussite sociale puisque l’on voit des pays riches régresser socialement. Cela s’explique par le fait que les coréens ont voulu développer leur société, mais qu’ils l’ont aussi fait en essayant de changer radicalement leurs mentalités. 

Mais comment la Corée du Sud a-t-elle réussi à mettre en place une stratégie qui fonctionne ? Pour l’auteure, la Corée du Sud arrive à exporter ses produits culturels dans des pays pauvres, ce que les pays occidentaux peinent à faire. Selon elle, cela est dû au fait que la Corée du Sud a fait partie, un jour, de ces derniers. Ainsi, elle sait sur quels thèmes et sur quels contenus il faut s’appuyer pour toucher les publics, et elle a compris que pour que les gens consomment des produits des marques coréennes, il faut d’abord qu’ils aiment la marque Corée. 

Elle tente également d’expliquer la création de l’industrie ultra lucrative de la K-pop. Dans les années 60, à l’époque du Rock en Angleterre, les Beatles faisaient partie de ces groupes qui se sont fondés spontanément, influencés par toutes les ouvertures culturelles autour d’eux. Alors, pourquoi est-ce qu’en Corée du Sud, les groupes formés étaient et sont encore purement artificiels ? En fait, les jeunes adultes n’avaient pas le temps de monter des groupes de musique, puisqu’ils étaient trop occupés à travailler à l’école ou à aider leurs parents pour redresser l’économie (sur fond de peur de l’envahisseur communiste du Nord). Euny Hong explique alors que le contexte de formation du groupe est important. Dans les sociétés occidentales, puisque les groupes ne partaient de rien, ils n’avaient rien à perdre, ils pouvaient donc tout tenter. D’autant plus que la politique de la seconde chance s’appliquait largement en Europe et aux États Unis. En Corée, c’était différent : l’économie très pauvre du pays impliquait le besoin de réussite immédiate ; et les préceptes confucéens, dont la société sud-coréenne est encore imprégnée, ne valorisaient pas les secondes chances. Pour résumer : la Corée du Sud n’avait tout simplement pas le temps d’attendre que des artistes se trouvent et décident de s’assembler par eux-mêmes pour lancer son industrie musicale. C’est d’ailleurs de cet état d’esprit que viennent les fameux contrats imposés aux idols qui s’étalent sur sept, voire treize ans : pour créer un bon groupe, il faut environ 10 000 heures de préparation. Alors, un contrat sur sept ans, d’un point de vue de rentabilité, n’est pas aberrant. Le but étant de former les groupes quand les idols sont jeunes, afin qu’ils puissent grandir ensemble et n’agir plus que comme un seul individu. Les groupes sont donc préfabriqués, et traités comme des produits dès le début de leur carrière. 

Au même titre que l’industrie de la K-pop, Euny Hong se focalise sur l’industrie cinématographique et télévisuelle, expliquant les clichés véhiculés, les enjeux politiques et sociaux au niveau international mais aussi au niveau régional, notamment avec la Corée du Nord. Elle met également l’accent sur les différentes politiques publiques mises en place par l’État sud-coréen et son ministère de la culture pour développer cette industrie, sur fond de protectionnisme. Vous raconter dans les moindres détails son argumentation ne vous ferait que manquer un livre que vous devez absolument lire si vous comprenez plus ou moins l’anglais. En effet, le récit d’expériences personnelles au milieu de données scientifiques nous permet de mieux comprendre l’évolution des pratiques et des mentalités, et les plaisanteries de l’auteure nous permettent de commencer à avoir un regard éclairé sur ce que peut représenter dans le monde l’Industrie de la Culture. Je ne peux que vous conseiller de le lire si vous aimez apprendre tout en vous amusant !

Article de Tifenn Genestier

Cet article n’engage que son auteure.

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