Idée de sortie: exposition Fela Anikulapo Kuti, rébellion afrobeat

Entre musique afrobeat et militantisme panafricain, découvrez jusqu’au 11 juin à la Philharmonie de Paris l’exposition sur la vie d’une superstar africaine assez peu connue en France aujourd’hui. 

L’exposition permet de retracer les différentes étapes majeures de sa carrière en tant qu’artiste et activiste politique. Elle commence notamment par le début de sa carrière entre Lagos, sa ville de naissance, aussi capitale économique du Nigéria, et les Etats-Unis, qui ont influencé la création d’un style musical bien particulier, l’Afrobeat. Ce style musical né à la fin des années 1960 au Nigéria, mélange jazz, soul, funk (des Etats-Unis), musique traditionnelle yoruba (ethnie de Fela Kuti) et d’autres sonorités ouest-africaines, un style que Fela a créé et qui a révolutionné la musique en Afrique.

Par ailleurs, l’espace de l’exposition permet d’apprécier les différentes prestations scéniques marquantes de l’artiste ainsi que ses costumes de scène, qui nous donnent une idée de la ferveur musicale des années 1970 et 1980 à Lagos. Des prestations faites aussi bien à Lagos au Afrika Shrine, à la fois club et quartier général de l’artiste), qu’à Londres ou à Paris qui témoignent de l’impact musical et de la renommée de Fela à cette époque. 

Cet impact musical est particulièrement lié à l’engagement politique de Fela qu’on retrouve dans les textes de ses chansons. En effet, l’exposition regorge d’affiches, de photographies et d’archives qui mettent en avant les valeurs panafricaine et anticolonialiste de l’artiste. L’exposition permet aussi de mieux comprendre le contexte politique du Nigéria et du continent à l’époque, puisque l’artiste critiquait vivement les gouvernements successifs nigérians corrompus, ce qui lui aura valu d’être emprisonné et attaqué plusieurs fois, ainsi que les attitudes néocoloniales de l’Europe en Afrique, d’où l’importance pour lui d’un panafricanisme qui fédère les Africains. 

Enfin, la place importante des femmes dans cette exposition est un choix intéressant fait par les curateurs. En effet, Fela n’était pas connu pour son engagement féministe ou pour un réel intérêt dans le respect des droits de la femme mais l’exposition montre le lien évident entre son engagement politique et l’influence de sa mère, Funmilayo Ransome-Kuti, une pionnière dans le combat féministe et anticolonialiste au Nigéria pendant la période coloniale britannique. De plus, les femmes de sa troupe, les ‘Kalakuta Queens’, qui l’accompagnaient dans ses tournées en tant que chanteuses et danseuses sont aussi mises en valeur et sortent de l’anonymat. 

Il est donc évident que cette exposition pourra attirer les amateurs de musique et/ou de cultures africaines, par la mise en valeur qu’elle fait d’un artiste aux multiples facettes qui a considérablement influencé les artistes africains et en particulier les artistes nigérians actuels. 

William Marthet

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[Interview Johnny Alaniz – Artiste Peintre Nicaraguayen]

Qui est Jonnhy Alaniz Rayo ? 

Johnny Alaniz Rayo est un peintre né à Matagalpa au Nicaragua en 1984. Ses parents étaient principalement commerçants, et en parallèle, son père sculptait le bois. C’est à l’âge de 5 ans qu’il entame son voyage dans la peinture porté par son frère Byron Alaniz Rayo qui avait étudié la peinture à l’Ecole Nationale de Beaux Arts à Managua (Capitale). Bayron a ensuite créé une école de peinture dans la ville de Saint Ramon dans le nord du pays où Johnny a étudié puis est assistant du professeur. 

Après avoir obtenu l’équivalent du bac au Nicaragua, le bachillerato, il a étudié la peinture à l’Ecole Nationale de Beaux Arts. Il s’est spécialisé dans l’étude de la figure humaine et le portrait avec le professeur Fernando Salgado de nationalité espagnole et Rafael Patorollo, d’origine colombienne, tous deux issus de l’Ecole de Beaux Arts de Séville en Espagne.

En parallèle de ses études, il crée sa propre école de peinture normée “ El Renacimiento ” à Matagalpa et développe une extension à Estelí en 2006, avec l’objectif de transmettre sa passion pour l’art. 

Influences majeures : 

Johnny se qualifie comme un artiste versatil, une personne passionnée par l’art dans son entièreté. Cette qualité lui a permis de naviguer dans ses oeuvres à travers les styles et sujets, sans jamais s’établir dans un unique courant.  Cela lui a permis d’explorer diverses techniques. 

Son travail a d’abord été inspiré par son environnement, ses oeuvres majeures s’inscrivent dans le courant régionaliste où il dépeint des scènes de la vie de tous les jours, la nature, les fincas (les fermes), le travail de la terre (tabac, café), les maisons coloniales et les rues des pueblos du nord du pays. Nous retrouvons dans ses oeuvres les paysages tropicaux, des jungles, des animaux exotiques faisant par la même la promotion de la richesse naturelle du pays. 

Au cours de sa vie, Johnny à continué à explorer divers univers, inspiré par la littérature et poésie latino-américaine, il souhaitait apporter son interprétation de poèmes du poète Nicaragua Ruben Dario, aussi appelé le Prince des lettres hispaniques, fondateur du mouvement littéraire moderniste dans la langue hispano-américaine. Ainsi, il interprète en peinture le poème “ Margarita esta linda la mar…” ou encore “Sonatia”  dudit auteur. Il interprète également dans son œuvre “6 bohemios alegres” le poème de Guillermo Aguirre y Fierro “El Brindis del bohemio”. Dans ces peintures créées après son voyage en Europe on peut voir représentée la mairie de la ville de Tours et de Séville. Un doux mélange entre la culture latio-américaine et l’architecture française. 

Par ailleurs le culture Nicaraguayen continue d’’inspirer le peintre, en effet, récemment contacté par la mairie de Sabaco au Nicaragua afin créer une oeuvre muraliste qui fasse référence, il a créé une oeuvre retraçant les éléments principaux de la culture nicaraguayenne à savoir : 

  •  Le Güegüense, danse théâtrale traditionnelle inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2008.  Il s’agit d’une expression virulente de protestation contre le colonialisme, El Güegüense est un drame satirique connu dans tout le pays. Il est représenté pendant la fête de Saint-Sébastien, patron de la ville de Diriamba, dans la province nicaraguayenne de Carazo. Synthèse des cultures indigène et espagnole, El Güegüense mêle le théâtre, la danse et la musique. Il est considéré comme l’une des formes d’expressions latino-américaines les plus remarquables de l’époque coloniale
  • Les légendes locales notamment celle de “La Mocuana” qui raconte, dans la version de la vallée de Sébaco (Matagalpa), la plus répandue, que la Mocuana ‘elle était la belle fille d’un cacique tombé amoureux d’un conquistador espagnol. Le conquistador la convainc alors de lui montrer l’endroit où son père conserve tous ses trésors. Elle l’a emmené dans une grotte, et une fois là, l’Espagnol a pris tout ce qu’il pouvait et l’a enfermée. Bien qu’elle connaisse bien l’endroit et qu’elle ait pu en sortir, à cause de la trahison qu’elle a subie et parce qu’elle a eu honte devant sa famille, elle a perdu la tête et depuis, elle cherche l’homme pour se venger. C’est pourquoi, dans les nuits sombres, elle attaque les hommes qui se promènent seuls, surtout les jeunes et les hommes blancs (ou métis). Elle est décrite comme ayant des cheveux noirs longs et raides qui couvrent tout son visage. Il est dit qu’ils n’ont jamais pu voir son visage, seulement sa silhouette svelte et balancée et ses beaux cheveux ».

Expositions 

Johnny a participé à plusieurs expositions collectives tant au niveau régional que national. Il a exposé dans des galeries d’art de la capitale, Managua : Codice, Pleyades, Josefina, Genesis et Manolo Baca. Au niveau régional, il a exposé dans le “ Multicentro Estéli et la Galerie Schewarts”.  On peut retrouver ses œuvres dans  les collections privées de Banque Centrale du Nicaragua dont certaines peuvent être aperçues dans les plus grandes banques du pays ainsi que dans  les sièges des industries de tabac. 

Certaines de ses peintures ayant été achetées par des collectionneurs États-Uniens, elles peuvent être aperçues à Miami dans le Lincoln Road, Cafetín Galeria, Book and Book, Abel Gallery et Winwood Gallery. 

En 2011 Johnny expose en Espagne lors d’une exposition collective à la casa cultural de la Isla Cristina. Par la suite, lors d’un passage en France de plusieurs mois, il va exposer ses œuvres à la mairie de Tours ainsi qu’à la mairie de Gizeux en plus de donner des cours de peinture avant de retourner au Nicaragua. 

Récompenses et prix 

En 2001 Johnny reçoit son premier prix du “Meilleur muralisme scolaire” par le Collège Simón Bolivar à Matagalpa, 

En 2004, il gagne le premier prix du concours national de peinture avec son œuvre Matagalpa y su Café” ( Matagalpa et son café ) avec une mention spéciale pour son oeuvre nomée “ Ambiente Matagalpino”  ( Ambiance de Matagalpa ). 

La place de l’art au Nicaragua 

L’artiste peintre souhaite mettre en valeur l’art Nicaraguayen et exprime qu’il y a un vrai mouvement positif dans la promotion de l’art et de la culture dans le pays particulièrement dans les grandes villes ( Managua, Matagalpa, Granada, Leon, Esteli ). Bien qu’il existe une réelle nécessité de continuer à développer ce secteur, plusieurs peintres Nicaraguayens ont réussi à se faire une place sur la scène internationale tel que Mauricio Ruiz, Efren Médina en autres. Au niveau régional il est important de noter le travail effectué par les “Casas culturales” ( maisons culturelles ) qui continuent de promouvoir la culture et promouvoir de nouveaux talents. 

Article de Thaïs Mathuz

Cet article n’engage que son auteure

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[Portraits de personnalités inspirantes : Frida Kahlo]

Féministe engagée, artiste accomplie, symbole à part entière de la communauté LGBTQ+, Frida Kahlo de son vrai nom Magdalena Carmen Frida Kahlo y Calderon possède une vie bien remplie. Figure d’émancipation féminine, Frida Kahlo a marqué l’Histoire de l’Art :  Ses autorretratos nous plongent dans son univers, ses engagements ainsi que ses plaies béantes, que chaque coup de pinceau exacerbe. Est-t-elle d’abord une femme ou une artiste ? Certains journalistes bien pensants ont la plume assez aiguisée pour affirmer que l’Homme et l’art peuvent être séparés. N’en déplaise à leur écrit de bois, Frida Kahlo n’est ni une femme ni une artiste, elle est une femme artiste.

Todo sobre la « ballerina »

Rebelle avant l’heure , Carmen devient Frida. Et ce ne fut pas chose aisée…Son prénom elle le tient de son père allemand qui immigre au Mexique, terre des aztèques en 1890. Friede signifie paix en allemand. Ironie du sort , la vie de sa fille est loin d’être de tout repos. D’ailleurs dès sa naissance en 1907, le choix de ce prénom engendre des querelles au sein de la famille. Le prêtre outré que ce prénom ne figure pas sur le calendrier des saints,  menace de refuser le baptême ! Outrage pour la mère, Frida devient Carmen.

Frida détonne , Frida étonne ! Si son certificat de naissance atteste qu’elle est née le 06 juillet 1907, l’artiste affirme qu’elle est née le 07 juillet 1910. Force et raison est de constater que le drapeau rouge enveloppe déjà son berceau. Elle ne choisit pas cette date par hasard, elle coïncide avec la révolution mexicaine qui dure une décennie et qui vient mettre fin au règne du général Porfirio Diaz . Attachée à son pays, patriote, elle représente la voix des opprimés. Bien avant sa carrière toute tracée vers la peinture, l’artiste vise une autre toile de fond et souhaite devenir médecin. Cependant celle-ci s’assombrit le 17 septembre 1925, date fatidique qui trace sa route d’artistes. Accompagné de son ami Alejandro à bord d’un bus, celui-ci entre en collision avec un tramway. Le bus ne survit pas et les passagers jonchent le sol. Parmi eux Frida, la colonne brisée est empalée sur une barre de fer. Un ouvrier laisse tomber par mégarde au moment de l’accident une poudre d’or, elle recouvre la jeune femme de son corps brisé. La vision est si enchanteresse qu’un passant pensant apercevoir une danseuse agonisante sur le sol s’écrie “la ballerina !”.La médecine est aux oubliettes, la ballerina est désormais non plus uniquement malade mais brisée.

Pintarse a sí misma, el arte del autorretrato 

Frida survit mais à quel prix ? Prisonnière de sa chambre et d’un corset qui l’empêche de bouger, les années défilent. Coincée entre quatre murs, la lecture devient sa salvatrice compagne. Proust, Bergson, Botticelli tout y passe ! Un miroir est fixé à son lit, et munis d’une boîte de couleur offerte par son paternel , elle peint. L’autoportrait surgit : Frida devient son propre sujet d’expérimentation :« Si je me peins, c’est que c’est le sujet que je connais le mieux ! ». Évolution de conscience et d’inconscience, les autoportraits sont de véritables œuvres d’introspection. L’une de ses œuvres les plus célèbres relate son calvaire. « La colonne brisée », peinte en 1944 . Cet autoportrait vient illustrer son état après une opération de la colonne vertébrale. Prisonnière, elle s’y représente dans une cage, liée à jamais à un corset. 

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La Bella y el sapo

L’amour naît dans son calvaire. Diego Rivera devient pour Frida ce que Sartre est pour Simone de Beauvoir, son unique âme sœur. La rencontre se passe au domicile de Tina Modotti, photographe italienne et communiste. De vingt-deux ans son aîné, le peintre mexicain la séduit, tous deux finissent par se marier le 21 août en 1929. Diego Rivera est un homme grand aux yeux globuleux, Frida lui attribue le surnom de sapo, de crapaud. Connu pour son engagement, il peint l’histoire du Mexique pour informer ceux qui ne savent pas lire. Communistes, l’espoir d’une renaissance de l’art, ensemble ils partagent tout. La Bella adopte un style bien à elle. Son monosourcil vient s’opposer aux carcans de la beauté féminine. Vastes jupes colorées, boucles d’oreilles lourdes et pendantes, des fleurs parsèment sa longue chevelure. C’est une femme de Tehuantepec désormais, Frida impose son style, qui continue de traverser les siècles. 

La desilusión del sueño americano

Dans les années 1930, un nouveau tournant commence pour le couple. Face à la situation politique pesante au Mexique, le couple bat de l’aile. Une invitation de la California School of Fine Arts de San Francisco sauve la carrière de Diego Rivera et lui commande une fresque. L’oncle Sam fait donc rentrer pour la première fois un artiste communiste dans son temple du capitalisme. La carrière du crapaud décolle, en décembre 1931, le MoMA de New York l’invite à exposer cent cinquante de ses toiles. En 1931, la famille Ford le soutient dans sa candidature pour une série de peintures au Detroit Institute of Arts. Les Rockefeller enfin lui demande de réaliser une peinture murale pour le hall de de réception de la Radio Corporation of America à New York. Le communiste qui rêve d’aider les opprimés, les paysans ainsi que les illettrés, se retrouve au service des plus fortunés et de ceux qui exploitent les travailleurs, le prolétariat. La déception est grande pour le crapaud. L’oncle Sam l’a bien accueilli pendant quatre ans, mais à quel prix ? Ses convictions se sont belles et bien retrouvées noyées entre les Rockefeller et les Ford. Et pour cause, son mari croit en une Amérique encore révolutionnaire et indépendante qui se battait pour sa liberté. Autant dire que l’apparition de Lénine dans la fresque de la RCA a mis fin au rêve américain, l’œuvre est effacée. Le couple prend conscience que deux mondes s’opposent, point d’entente , la fracture est irréversible. En cela Frida l’a parfaitement intégré dans son art. Son Autoportrait à la frontière du Mexique et des Etats Unis, vient illustrer deux mondes que tout oppose. Pour le Mexique, les couleurs sont chaudes, pour les Etats-Unis, les usines Fords dénaturent la fresque. Et pourtant son autoportrait contemple le Mexique. Que n’en déplaise à Ford ou Rockefeller, Frida a choisi sa patrie loin des usines, loin des Etats Unis. 

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Un arte realisto

Face aux tromperies incessantes de son mari,  et à l’interruption de deux grossesses , elle dit un non définitif à la maternité. Le couple divorce en 1938 et se marie à nouveau à San Francisco. Un mariage d’amitié, ils ne peuvent vivre l’un sans l’autre. Entre-temps, leur engagement prend de l’ampleur. En 1937, les époux Trotski se réfugient devant la Maison bleue de Coyoacán, fuyant un Staline ivre de pouvoir qui cherche à se débarrasser de tous ses opposants. Léon Trotski entame une relation adultère avec Frida avant de partir et délaisse l’autoportrait qu’elle lui a offert. Piètre consolation pour Frida. L’art devient sa bannière. Si certains considèrent sa peinture comme une œuvre surréaliste, celle-ci s’y oppose, elle peint la réalité, sa réalité qu’elle vit.  

Frida ha muerto, Viva Frida

L’artiste passe ses dernières années au Mexique, elle peint et enseigne à ses élèves : les Fridos. Maladie, militantisme, enseignement , peinture, sa vie est bien remplie. En 1953, son amie Lola Alvarez Bravo organise ses expositions à Mexico. Son triomphe est fulgurant et dépasse l’Atlantique, sa consécration est à son apogée. Ni ses admirateurs, ni ses élèves n’ont vu ce vernissage comme un adieu. Et pourtant, Frida Kahlo s’éteint un an plus tard le 13 juillet 1954. Mexico veille désormais sur sa maison bleue , métamorphosée en musée. Frida est partie mais demeure dans les esprits . Matérialisée dans le film d’animation français-belge Josep, Frida guide le peintre immigré espagnol. Frida est une figure de proue pour la communauté LGBTQ+. Bisexuelle, à l’opposé des standards de la mode, elle entretient une relation passionée avec Joséphine Baker.  Son féminisme et son style continuent encore à ce jour de susciter l’admiration, Frida Kahlo est loin d’avoir donné son dernier coup de peinture. 

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LE STREET ART PARISIEN QUI SOUTIENT L’UKRAINE

À Paris comme ailleurs, les artistes soutiennent les Ukrainiens avec des messages de paix et de solidarité en forme d’images dans les murs. L’Ukraine est pleine de street art et plusieurs artistes français et parisiens y voyagent pour les voir.

Dans le 13e arrondissement, au boulevard Vincent Auriol, on apprécie l’oeuvre de Djoulay Papaye. L’artiste signe ici une fresque pour la Paix, pour l’Ukraine, pour la Vie, pour l’Avenir, pour les Femmes, pour les Innocents.

À Rue Barrault, 11 femmes street artistes sont intervenues en live painting à l’occasion de la Journée des Droits de la Femme. La street artiste Carole B Collage a décidé de changer son oeuvre initiale pour soutenir les Ukrainiens et Ukrainiennes : Wonder Woman couronnée de fleurs aux couleurs du drapeau ukrainien, du violet pour la couleur symbolique de la lutte pour le droit des femmes et de l’égalité, mais aussi car la couleur de Marianne à l’international. Ensuite, on lit « Liberté, Égalité, Solidarité » avec les dates de déclaration d’indépendance, proclamée à Kiev en 1917 et le 24 août 1991. Sur son compte Instagram elle a déclaré “Non à la guerre, non à l’injustice”. 

À la Butte aux Cailles, terrain des street artistes, on découvre de nombreuses oeuvres en soutien pour l’Ukraine. « Fight for your rights« , de l’artiste Kelu Abstract, juste en face de l’oeuvre de son ami Jeff Aérosol.

Dans la rue Domrémy et Patay, on voit l’œuvre de Christian Guémy, ou C215, qui rend hommage aux anonymes, victimes et héros de la guerre. Pour l’artiste, cette œuvre, de la taille de 4 étages, représente un enfant universel, avec une couronne de fleurs sur la tête, « symbole des pays slaves ». Il s’est inspiré d’une citation du résistant Ukrainien Volodymyr Zelensky: « Je ne veux vraiment pas de mes photos dans vos bureaux, car je ne suis ni un dieu, ni une icône, mais un serviteur de la Nation. Accrochez plutôt les photos de vos enfants et regardez-les à chaque fois que vous prendrez une décision ».

L’artiste Bebar a décrit son œuvre sur Instagram: « Fresque peinte en soutien au peuple Ukrainien. Il m’a été très difficile de trouver les mots justes lors de l’inauguration. En tant qu’artiste, je me devais de participer bénévolement à cette cause, mais aussi comme citoyen pour prôner la Paix et la Liberté et dénoncer cette guerre fratricide !»

À la rue Buot, on voit la petite fille de Julien Mallan, plus connue comme Seth Globepainter qui représente les enfants qu’il a rencontré en Donbass, l’une des régions ukrainiennes au cœur du conflit.  Au HuffPost US, il a déclaré: “Ce dessin symbolise le courage des Ukrainiens face à l’invasion russe (…) je sais à quel point il est important pour les personnes qui vivent cette situation dramatique de savoir que nous pensons à elles”.

On suggère alors la sensibilisation des habitants de Paris et des touristes dans un détour au 13 ème arrondissement pour voir les dénonciations des artistes à Paris contre la guerre et leur compassion, sensibilisation et soutien aux victimes et à la paix en Ukraine.

SOURCE : https://www.sortiraparis.com/arts-culture/exposition/articles/272465-quand-le-street-art-soutient-l-ukraine-a-paris

LUISA MARUJO IBRAHIM

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Portrait : Niki de Saint Phalle

source image : www.3e-art.fr

Connue pour ses monumentales Nanas, Nikki de Saint Phalle, pseudonyme de son patronyme Catherine de Saint-Phalle est une artiste plasticienne, sculptrice et réalisatrice de films franco américaine appartenant au mouvement des néo-réalistes. 

Elle naît en France en 1931 et grandit dans la période post seconde guerre mondiale, durant les trente glorieuses. Elle grandit à Greenwich aux États-Unis, élevée par une nourrice qu’elle surnomme « Nana ». Ne suivant pas d’enseignement particulier, elle exercera d’abord la profession de mannequin. Puis, elle fera la rencontre du poète Harry Mathews qu’elle épousera à l’âge de 18 ans dont elle aura une fille, Laura et avec qui elle décide de s’installer à Paris. Pourtant issue d’une famille aristocratique, elle s’oppose aux dogmes de la vie religieuse et maritale. Suite à ce premier mariage, elle est victime d’une forme de dépression nerveuse qui lui vaut une hospitalisation particulièrement lourde, durant lequel elle subira des électrochocs. C’est là-bas qu’elle commence à peindre et à dessiner « J’ai commencé à peindre chez les fous » ; pour l’artiste, l’art à un effet thérapeutique. 

Après son rétablissement, elle voyage en Espagne à Madrid et Barcelone et y découvre les œuvres de Gaudì qui constituera une révélation artistique pour elle. L’année suivante, elle fait la rencontre de Jean Tinguely, par l’intermédiaire de qui elle rejoindra le mouvement des Nouveaux Réalistes, fondé par le peintre Yves Klein et le critique d’art Pierre Restany dans les années 60. Ce mouvement prend position pour une forme de retour à la réalité, en opposition avec le lyrisme et la peinture abstraite de cette époque, en préconisant l’utilisation d’objets prélevées dans la réalité de leurs temps qui s’incarnent notamment dans des œuvres composites, dans un art de l’assemblage. 

C’est à cette période qu’elle quitte son premier mari pour s’installer avec Jean Tinguely avec qui elle créera notamment la fontaine Stravinsky, commandé par le ministère de la Culture et le Centre Pompidou en en 1983. La fontaine évoque l’œuvre musicale du compositeur Igor Stravinsky et se compose de 16 sculpture mouvante, situé sur la place éponyme à Beaubourg. 

Politiquement engagée, féministe, Nikki de Saint Phalle compose ses œuvres dans l’optique d’exprimer ses révoltes ; la Mariée, de 1963 est une sculpture de plus de deux mètres de haut : l’éducation des femmes dans les années 60 repose sur deux choses, la maternité et le mariage. C’est pour cette raison qu’elle créer la mariée : cette sculpture traite du constat de l’enfermement de la femme, prisonnières des stéréotypes masculins. L’artiste a de facto expliqué « avoir été élevée pour le marché du mariage ». 

À l’occasion d’une exposition retrospective au Grand Palais sur l’artiste, la critique d’art Catherine Franclin revient sur la vie de Nikki de Saint Phalle et notamment sur l’œuvre  Tirs ; œuvre composé d’un assemblage de poche de peinture recouverte de blanc, dans laquelle Nikki de Saint Phalle tirs créant ainsi des formes d’explosions colorés. Dans cette série, le tableau King Kong représente l’opposition de l’artiste à la menace nucléaire ; composée des visages des différentes personnages politiques de l’époque ainsi que d’objet représentatif de la société américaine, l’œuvre dénonce par son processus de construction centrée autour du processus de destruction, dénonce de fait une Amérique violente et la guerre nucléaire. 

Les Nanas, œuvre emblématique de Nikki de Saint Phalle, représentent quant à elles l’intervention de l’artiste au sein du mouvement féministe des années 1980 : ces sculptures représentent des sculptures féminines colorées dont les formes et les rondeurs ont été accentuées, à l’opposé des standards esthétique de l’époque. Par leur exubérance, ce sculpture montre une image libérée de la femme, qui inspire néanmoins de par leurs taille imposantes une forme d’angoisse et de violence. 

Article rédigé par Éloise Frye de Lassalle.

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[Portraits de personnalités inspirantes : Milan Kundera]

Milan Kundera est l’un des auteurs les plus lus au monde. Cependant, il a toujours été très discret, et n’a pas donné d’interview depuis 1986. À travers l’ensemble de son œuvre, il explore l’ironie de la vie dans un contexte de communisme, mais aussi toute la profondeur de l’âme humaine en intégrant à la fable romanesque, de grandes réflexions. Ce qui rend sa lecture agréable c’est la façon dont il pose des situations, des réflexions, mais sans jamais imposer une vérité.

Il est né en 1929, en Tchécoslovaquie, dans la ville de Brno, réputée notamment pour ses théâtres et opéras. Son père était pianiste et musicologue. Il a donc grandi entouré de musique, et particulièrement de musique traditionnelle.

Il est ensuite parti étudier à Prague, avant de devenir professeur d’histoire du cinéma, à l’Académie de musique et d’art dramatique, puis à l’Institut des hautes études cinématographiques à Prague.

Il écrit ses premiers textes, dans les années 1950. En 1968, des centaines de chars soviétiques arrivent dans Prague, restreignant toutes libertés. En 1975, l’auteur s’exile en France, où il est naturalisé en 1981. Il écrit d’abord en Tchèque, puis à partir de 1993, il écrit exclusivement en français.

Milan Kundera a reçu de nombreux prix, été cité plusieurs fois sur les listes du prix Nobel de la littérature et son œuvre a été traduite dans 49 langues. Aussi, il fait partie des 7 auteurs à être entré dans la pléiade de son vivant.

Son inspiration, il l’a puisée dans la Tchécoslovaquie et dans le communisme.

De sa ville de naissance, il a gardé son amour pour la musique, qu’on retrouve par exemple dans La plaisanterie, témoignant que la musique traditionnelle est porteuse de traditions très anciennes.

Ensuite, sa principale source d’inspiration est Prague. En effet, il arrive à Prague dans un contexte où le communisme apparait comme le meilleur futur possible. Cependant, le stalinisme est rapidement venu étouffer cette ville, cœur de l’histoire multiculturelle de l’Europe centrale et la spontanéité de sa vie culturelle et amoureuse. Écrivant dans les cafés de Prague, la première inspiration de Kundera est le couple. Dans ses premiers livres, des recueils de poèmes lyriques, il vient déconstruire la culture stalinienne en mélangeant l’ironie et le ludique. Ainsi, il a proposé une nouvelle image du couple, dans laquelle il oppose la pesante tragédie à la légèreté du jeu.

De la façade de l’hôtel de ville, jamais réparée après sa destruction par les allemands, associée au souvenir de sa mère, il fait une métaphore de l’exhibition des souffrances. Il transcrit cette idée dans L’insoutenable légèreté de l’être, dans le personnage de Thérésa. C’est un thème récurrent avec Kundera ; ses personnages sont souvent dans des situations ou univers où tout se développe sous eux. Ils se retrouvent dans un vide, qu’ils ne connaissent et comprennent pas.

Dans L’insoutenable légèreté de l’être il affirme aussi qu’ « il y a des idées qui sont comme un attentat ». Cette citation se rattache incontestablement au rôle intellectuel qu’il a eu contre le régime communiste en Tchécoslovaquie. Il créé des personnages témoins de la « fête de la haine », expression qu’il utilise pour parler de l’invasion russe ayant mis fin au « Printemps de Prague ». Il raconte par exemple, la résistance des pragoises armées seulement de leurs mini-jupes et du drapeau national face aux chars soviétiques ; la surveillance dont il faisait l’objet, avec sa femme Vera ; ou encore l’obligation de quitter Prague qui était « devenue laide ».

Malgré des images négatives s’inspirant d’un contexte pesant, il écrit avec légèreté et éprouve le désir constant d’incorporer des touches d’humour.

La fête de l’insignifiance est l’illustration parfaite de cette idée. Ce roman est considéré par l’éditeur Adelphi « comme une synthèse de tout son travail […] inspirée par notre époque qui est drôle parce qu’elle a perdu tout sens de l’humour ».

Déjà dans L’immortalité, il met en scène Goethe et Hemingway qui se promènent pendant plusieurs chapitres, discutant, s’amusant. Ensuite, dans La lenteur, sa femme Vera le met en garde : « Tu m’as souvent dit vouloir écrire un jour un roman où aucun mot ne serait sérieux. […] Je veux seulement te prévenir : fais attention. »

Ce roman, Milan Kundera le publie en 2013. La fête de l’insignifiance, semble en effet au premier abord à l’opposé du sérieux. Il est court, léger, se lit facilement, fait l’éloge de l’insignifiance. Mais ce roman peut en réalité être classé comme un roman philosophique. Il y dresse notamment un Staline, plus grands meurtriers du XXe siècle, sous un jour léger et un ton insignifiant, dans lequel il raconte une histoire invraisemblable, que ses camarades prennent au premier degré, sans comprendre qu’il s’agit d’une blague. Loin de vouloir rendre le personnage sympathique il pointe en réalité du doigt l’entrée dans l’ère du sérieux, du tout politique. Il écrit de façon isolante et avec une liberté sans filet sur une partie enfouie de Staline éprouvant de l’attachement pour un certain Kalinine, sur des questionnements totalement farfelus sur la futilité des droits de l’homme ou sur le nombril et les statuts des reines du jardin du Luxembourg, …

Ces épisodes anecdotiques de l’ouvrage traduisent en réalité son ensemble. Pour reprendre l’expression de l’éditeur Adelphi, il est « inspiré par notre époque qui est drôle parce qu’elle a perdu tout sens de l’humour ».

« Nous avons compris depuis longtemps qu’il n’était plus possible de renverser ce monde, ni de le remodeler, ni d’arrêter sa malheureuse course en avant. Il n’y avait qu’une seule résistance possible : ne pas le prendre au sérieux. » ?

Article de Charlotte Gutmann

Cet article n’engage que son auteure

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[Portraits de la semaine: Raymond Aron, philosophe de la paix et de la liberté]

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Dans un moment de l’histoire où la guerre frappe aux portes de l’Europe, où la paix est mise en discussion et menacée, il y a un philosophe dont la lecture pourrait nous aider à éclaircir l’actualité, à l’interpréter et l’analyser : Raymond Aron, et ses écrits tels que Paix et guerre entre les nations (1962), Essai sur les libertés (1965), Démocratie et totalitarisme (1965), et beaucoup d’autres ouvrages qui ont marqué l’histoire de la philosophie politique et de la sociologie du XXème siècle.

Ecrivain prolifique et intellectuel indépendant, Raymond Aron naît à Paris en 1905 et il intègre en 1924 l’École Normale Supérieure, la même année que Paul Nizan et Jean-Paul Sartre, avec lequel il entretiendra pour toute sa vie une relation assez compliquée : amis pendant les années de la rue d’Ulm, les deux intellectuels commencent à avoir des divergences au niveau politique, divergences qui s’accentuent quand Aron prend les distances à l’égard du maoïsme de Sartre, pour se rapprocher de la pensée libérale. 

Si – dans l’ouvrage homonyme – Aron se définit « spectateur engagé », c’est pour souligner, d’un côté, la nécessité d’une prise de position, du choix, de la décision politique qui accompagne l’intellectuel engagé et, de l’autre côté, la lucidité du spectateur, c’est-à-dire l’observation, l’analyse lucide d’une personne qui regarde les faits sans prétendre jouer un rôle moralisateur, le rôle du grand maître moralisateur qu’il faut suivre. 

         C’est aussi grâce à cette posture engagée et, en même temps, détachée que les analyses philosophiques, sociologiques et politiques de Raymond Aron présentent une lucidité qui est très souvent synonyme d’indépendance intellectuelle, de refus du dogmatisme : sans jamais adhérer aveuglément à une idéologie préconstituée, l’auteur de l’Essai sur les libertés explique les événements de son époque en gardant une liberté intellectuelle à laquelle beaucoup de ses contemporains avaient renoncé. 

         Confiant dans le progrès sans l’idolâtrer, Raymond Aron a toujours incarné une manière de penser modérée et pondérée, plus encline au dialogue et à la réflexion qu’aux solutions extrêmes. La philosophie aronienne est une philosophie de la liberté et de la paix dans la mesure où elle dénonce toute forme de totalitarisme, phénomène que l’auteur de Démocratie et totalitarisme analyse et définit en cinq points :

« 1. Le phénomène totalitaire intervient dans un régime qui accorde à un parti le monopole de l’activité politique.

2. Le parti monopolistique est animé ou armé d’une idéologie à laquelle il confère une autorité absolue et qui, par la suite, devient la vérité officielle de l’État.

3. Pour répandre cette vérité officielle, l’État se réserve à son tour un double monopole, le monopole des moyens de force et celui des moyens de persuasion. L’ensemble des moyens de communication, radio télévision, presse, est dirigé, commandé par l’État et ceux qui le représentent.

4. La plupart des activités économiques et professionnelles sont soumises à l’État et deviennent d’une certaine façon, partie de l’État lui-même. Comme l’État est inséparable de son idéologie, la plupart des activités économiques ou professionnelles sont colorées par la vérité officielle.

5. Tout en étant désormais activité d’État et toute activité étant soumise à l’idéologie, une faute commise dans une activité économique ou professionnelle est simultanément une faute idéologique. »

(Aron, Raymond, Démocratie et totalitarisme, 1965, coll. Idées, Gallimard, Paris)

Cette lucidité analytique se retrouve également chez l’Aron théoricien des relations internationales : on fait référence, entre autres, à des ouvrages comme Paix et guerre entre les nations (1962), où la réflexion sociologique se mêle à une observation attentive des actualités géopolitiques, où la théorie du philosophe s’unit à l’expérience pratique du journaliste, comme le montre la division de l’œuvre elle-même, dont les quatre parties sont, successivement, « théorie », « sociologie », « histoire » et « praxéologie ». 

Complexe et hétérogène, l’œuvre de Raymond Aron se situe au carrefour entre plusieurs disciplines, en touchant des sujets différents et variés : des relations internationales à la politique interne française, de l’histoire à la sociologie, toujours avec un esprit libre, une indépendance intellectuelle assez rare, un attachement sincère aux valeurs de paix et liberté.

Cet article n’engage que son auteur

Emilia Bezzo

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EFFRACTIONS, le festival de littérature contemporaine de la BPI

Effractions, le festival de littérature de la Bibliothèque d’information Publique de Pompidou, revient en 2022 pour sa 3ème édition. Inaugurée en 2020 par la BPI, ce projet littéraire consiste au regroupement de nouveaux écrivains dont le récit se plongerait entre réel et fiction.

Ce festival de littérature contemporaine offre au public une nouvelle perspective du réel : de manière abrupte ou légère, la réalité est abordée de multiples manières. Elle permet à ses lecteurs de découvrir un aspect original et authentique du réel d’un auteur. 

Comment le réel s’exprime-t-il à travers la fiction ?

L’objectif n’est pas d’interdire la « non fiction » mais de réfléchir au réel sous différents angles avec l’accueil de tous les genres littéraires . La BPI propose donc un large panel d’activités, de performances et de rencontres autour de cette littérature contemporaine, star du festival.

On s’interroge sur les questions de notre société actuelles et aux débats qui se développe à notre époque mais pas seulement. Le parallèle entre réel et fiction reste le coeur du festival : qu’importe le genre, la question est de savoir comment interpréter ce récit avec nos thématiques contemporaines.

Cette année, le public pourra découvrir ou redécouvrir de nombreux auteurs comme Antoine Wauters, Joseph Wrinkler, Leila Guerrero, Nicolas Mathieu, Laura Vazquez et beaucoup d’autres.

Le Jeudi 24 février 2022, rendez vous avec le premier événement avec la soirée d’ouverture, inaugurée par Antoine Wauters et son nouveau roman : Mahmoud ou la montée des eaux (2021). Venez découvrir la lecture de son récit accompagnée de deux musiciens, le Damast Duo, autour de la culture musicale syrienne.

Le festival commencera le 24 février et se conclurera le lundi 28 février 2022 !

Vous pourrez par ailleurs retrouver une future interview entre Sorbonne UNECSO et Blandine Faure, organisatrice du festival.

Pour plus d’information, retrouvez tous le programme sur le site de la BPI. 

Un article rédigé par Boulaaba Loujeine.

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[Portraits de personnalités inspirantes : Annie Ernaux – Penser le présent]

« L’habitude de vivre au milieu du monde, il y a le café et l’épicerie, deux petites chambres, mais il y a toujours le bruit des criants. » Annie Ernaux, naît Annie Duchesne en 1940 en Normandie. Ses parents d’origine ouvrière, deviennent commerçants et possèdent alors un café épicerie. Par son parcours universitaire en lettres, l’autrice rompt avec son milieu populaire d’origine ; c’est cette rupture et sa condition de transfuge de classe qui seront la véritable matrice de son œuvre. Après avoir terminé le lycée, premier contact avec des milieux sociaux plus bourgeois, elle fera ses études à l’université de Rouen puis de Bordeaux et deviendra agrégée de lettres modernes en 1971. Elle est ensuite enseignante de français au lycée avant d’intégrer le Centre national d’enseignement à distance (CNED). Elle réside aujourd’hui dans une ville nouvelle, Cergy, qu’elle décrit comme une espèce de no man’s land qui ne rappelle rien du passé. 

 « J’ai changé de monde, je le ressens toujours. »

« Tous les gens de Cergy viennent de partout, c’est une population sans racines. Une population qui n’a pas les mêmes strates de domination que dans les villes anciennes. »

Cette résidence, dans un lieu socialement neutre, est à la fois significatif et en opposition vis à vis de son œuvre qui par son caractère autobiographique et sociologique, accorde une place prédominante au passé, à la notion de souvenir et à la réflexion autour des différents milieux sociaux que l’autrice traverse au cours de sa vie. 

Annie Ernaux marquera la littérature de par son hyperréalisme, traçant un véritable récit collectif de la condition de femme transfuge. De fait, son œuvre, majoritairement autobiographique, est considérée comme étroitement liée à la sociologie. Lorsqu’Annie Ernaux fait son entrée en littérature en publiant Les Armoires vides en 1974, récit de sa déchirure sociale, le terme de transfuge de classe n’existait pas ; seuls Les héritiers et la Reproduction traitaient des différences de classes. Les héritiers (1964), est une enquête sociologique de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron qui théorise pour la première fois comment l’école peut être un lieu de reproduction des inégalités sociales en démontrant les différences en matière de compétence sociales et culturelle des étudiants que l’école méconnaît en les traitant comme égaux scolairement ; selon les sociologues, « l’absence de don » scolaire des enfants issus de milieux populaires serait le résultat en réalité d’une socialisation différenciée du fait de leurs milieux sociaux. La reproduction (1970) des mêmes auteurs vient affirmer la notion de violence symbolique, c’est-à-dire l’intériorisation des normes par des individus, dont ils n’ont pas nécessairement conscience, qui sont liées à leur milieu social et qui les conditionnent. 

Les Armoires vides traitent ainsi d’une impression, celle « d’être coupé en deux » que l’autrice ne peut nommer, à travers l’histoire de son passage du lycée à la faculté, et celle de son amour avec un garçon issu de la bourgeoisie. C’est seulement en 1985 qu’elle découvrira le terme décrivant sa condition, celle de transfuge de classe. À cette notion est alors attachée une forme de trahison ; celle de laisser derrière soi une certaine misère en étant emportée vers des milieux non seulement plus riches matériellement, mais avec des codes sociaux et des manières de faire différentes, renforçant de fait la rupture avec le milieu d’origine. « Je hasarde une explication : écrire c’est le dernier recours lorsqu’on a trahi » selon Genet. C’est sur cette trahison que porte l’écriture « auto-socio biographique » d’Annie Ernaux, qui décrit de facto cette séparation dans les premières pages de La Place en 1983, récit de la prise de conscience du gouffre qui s’est creusé entre elle et son père, fidèle à sa condition paysanne et éloigné de la lecture, pour lequel elle obtiendra le Prix Renaudot en 1984. Il y a l’époque de l’enfance heureuse, de l’adéquation ou elle n’a pas encore de regard extérieur sur ses parents, regard venu de l’école et de la bourgeoisie, elle reste « dans le même ordre du monde ». À l’adolescence, par ses professeurs, par ses camarades naît alors ce regard « venu du dehors » qu’elle décrira plus précisément dans son roman La Honte (1997). 

« Je voulais dire, écrire au sujet de mon père, sa vie, et cette distance venue à l’adolescence entre lui et moi. (…) Une distance de classe, mais particulière, qui n’a pas de nom. Comme de l’amour séparé. » 

C’est à cette difficulté de trouver « sa place », tandis que son père demeure « condamné à rester » à la sienne que le titre du récit fait référence. Cette « double condamnation » et le sentiment croissant de l’écart entre son milieu d’origine et celui du monde littéraire et bourgeois, la croissance des différences matérielles et de capitaux culturels entre elle et ses propres parents, poussent l’autrice à refuser le roman, à s’éloigner de la littérature qu’elle se destine pourtant à enseigner. Elle se décrira alors comme «immigrée de l’intérieur ».

« Ce que Bourdieu appel la misère du monde, cela restera pour moi quelque d’ineffaçable, qui fait partie de moi.  C’est important pour moi d’écrire certaines choses, d’aller vers la réalité et de ne pas inventer. Dans les engagements politiques, ce qui importe c’est ça, d’avoir vécu parmi ceux qui étaient dans une pauvreté plus générale. »

Malgré la désignation de récit « auto-socio biographique » Annie Ernaux garde une distance ambiguë avec les composantes du terme, sur la notion de l’autobiographie d’abord déclarant de fait son désir de ne pas écrire pour elle seule, dans une forme d’individualisme ; « (Le désir d’écriture) c’est un désir qui part de moi, qui n’est pas imaginaire, mais sachant très bien que je ne vais pas écrire simplement sur ce qui m’arrive, mais l’écrire de façon à le situer de manière générale. Je vis de façon individuelle, mais je veux l’écrire de manière collective. Je ne suis pas unique. Le mot auto est un peu gênant. » Et vis-à-vis de la sociologie « Je ne suis pas une écrivaine sociologique ». 

Les Années, publié en 2008, est une sorte de fresque de sa vie, allant des années 1940 à sa date de publication, parsemée de photographie de l’écrivaine. Le récit commence par « Toutes les images disparaîtront. » L’autrice raconte que cette phrase lui est venue en 1985, alors qu’elle n’avait pas encore le projet de ce livre. L’image à l’origine de cette phrase est un trajet en RER, et la vision d’un jeune garçon « moi à la même époque. j’avais un grand adolescent et un autre, des jeunes gens, et ce petit garçon était le temps, la fuite du temps, et ce qui était brusquement la sensation très forte du temps de sa propre vie. Toutes les images disparaîtront, c’est l’idée de la fuite à travers ces images ». Cette notion d’image, et donc de photographie, aura également une place importante dans son œuvre ; dans les Années, elle décrit son usage comme historique, comme une preuve du passé et d’une réalité à interroger, à déchiffrer. Dans Une femme, publié en 1987, elle justifie l’usage de la photo comme une manière de saisir l’insaisissable du plaisir amoureux avec par exemple les photos de lits ou de vêtements « les vêtements qui forment un tableau que l’on ne peut garder ». 

L’autrice posera également à travers sa réflexion sociologique la question de sa condition de femme, notamment dans La Femme gelée, son troisième roman publié en 1981 qui retrace une partie de sa vie en se concentrant sur son histoire de femme des années 1960, du combat collectif des femmes françaises de cette époque et de l’idée de domination masculine. Après son parcours de lycéenne, elle dira que « La vie de femme commencera ensuite, dans le système du genre. » « L’indignité de mes désirs n’est pas une question que je me suis posée en cet instant, pas plus que lors de l’écriture, et c’est de cette absence qu’on voit le mieux la vérité. » Elle a alors lu Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, et la décrit comme une écrivaine ayant toujours voulu regarder les choses de façon directe.  « À la fin des années 50, Le Deuxième sexe, tout son propos va à l’encontre de ce qui existe. » Tandis que La Femme gelée est déjà un ouvrage majeur du féminisme, elle publie en 2000, L’évènement, qui traite de l’avortement. Quatre ans après la légalisation de la pilule, et douze ans avant la Loi Weil qui légalisera l’interruption volontaire de grosses en 1975, Annie Ernaux confie être tombée enceinte en 1963 et décrit alors sa volonté d’avorter à tout prix. « Comme d’habitude, il était impossible de déterminer si l’avortement était interdit parce que c’était mal, ou si c’était mal parce que c’était interdit ».  Son œuvre est adaptée en 2020 au cinéma par Audrey Diwan. 

Annie Ernaux est en somme une figure de la femme transfuge, qui de par l’hyperréalisme de son écriture amène une véritable profondeur sociologique sur sa propre vie, conférant à son récit une portée collective permettant à chacun de nourrir ses propres réflexion personnels. 

Eloise Frye de Lassalle

Cet article n’engage que son auteure

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[Portraits de personnalités inspirantes: Simone Veil ]

Rescapée de la Shoah, constructrice de l’Europe et de ses valeurs, première femme présidente du Parlement européen : Simone Veil est une figure centrale dans l’histoire du XXème siècle, figure qui incarne les idéaux de liberté et de dignité humaine au nom desquels elle ne cessa jamais d’agir.

Née à Nice en 1927, Simone Veil nous a quittés en 2017, le 30 juin 2017, après une vie menée sous le signe de l’engagement et de la responsabilité publique, au sein des institutions de l’Union européenne et de la République française, qu’elle a servi, entre autres, en tant que ministre de la Santé sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing.

Finalisés non pas au conflit mais au progrès et à l’intérêt commun, les combats de Simone Veil sont avant tout les combats d’une femme qui a vécu la guerre et ses atrocités, qui a subi la déportation et son inhumanité. Le 15 avril 1944, après un trajet étouffant, Simone arrive à Auschwitz, avec sa mère et sa sœur : c’est à ce moment là que commence l’expérience barbare et cruelle du camp de concentration, où Simone voit mourir sa mère, son père et son frère, comme elle l’évoque dans un documentaire de 1976.[1] Rentrée en France le 23 mai 1945, à Paris, elle entreprend un parcours politique et institutionnel en s’inscrivant à l’Institut d’études politiques de Paris, où elle intègre la faculté de droit, qui lui permettra d’entrer dans la magistrature. Femme politique ouverte et non dogmatique, prête à dialoguer avec toutes les positions politiques, Simone Veil devient ministre de la Santé sous la présidence de Giscard d’Estaing, en 1974, en promouvant une loi qui représente un moment fondamental dans l’histoire de la société française : la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, grâce à laquelle l’avortement est dépénalisé. Forte de son ouverture politique et de son expérience, Simone Veil est candidate aux premières élections européennes au suffrage universel, celles de 1979 : c’est justement en 1979, le 17 juillet, qu’elle est élue présidente du Parlement européen, première femme à occuper cette fonction.

Personnalité charismatique mais ouverte au dialogue, Simone Veil incarne une manière de faire politique sérieuse et engagée, qui s’exprime dans une action toujours orientée vers le bien public, bien public qui rime avec liberté : d’où le sens de la construction européenne, d’un combat ayant dans la paix, dans la stabilité et dans le progrès ses propres finalités.

Du 28 mai au 21 août 2021, une exposition lui a été dédié à l’Hôtel de Ville de Paris, dans le but de reconstruire et faire découvrir l’extraordinaire parcours d’une femme qui a traversé la guerre, lutté pour la libération, contribué à l’unification européenne : une femme, en somme, qui a joué un rôle essentiel dans l’histoire du XXème siècle.

Cet article n’engage que son auteur

Emilia Bezzo

sources:

[1] https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i04341522/simone-veil-a-propos-de-la-deportation-de-sa-famille

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