Féministe engagée, artiste accomplie, symbole à part entière de la communauté LGBTQ+, Frida Kahlo de son vrai nom Magdalena Carmen Frida Kahlo y Calderon possède une vie bien remplie. Figure d’émancipation féminine, Frida Kahlo a marqué l’Histoire de l’Art :  Ses autorretratos nous plongent dans son univers, ses engagements ainsi que ses plaies béantes, que chaque coup de pinceau exacerbe. Est-t-elle d’abord une femme ou une artiste ? Certains journalistes bien pensants ont la plume assez aiguisée pour affirmer que l’Homme et l’art peuvent être séparés. N’en déplaise à leur écrit de bois, Frida Kahlo n’est ni une femme ni une artiste, elle est une femme artiste.

Todo sobre la « ballerina »

Rebelle avant l’heure , Carmen devient Frida. Et ce ne fut pas chose aisée…Son prénom elle le tient de son père allemand qui immigre au Mexique, terre des aztèques en 1890. Friede signifie paix en allemand. Ironie du sort , la vie de sa fille est loin d’être de tout repos. D’ailleurs dès sa naissance en 1907, le choix de ce prénom engendre des querelles au sein de la famille. Le prêtre outré que ce prénom ne figure pas sur le calendrier des saints,  menace de refuser le baptême ! Outrage pour la mère, Frida devient Carmen.

Frida détonne , Frida étonne ! Si son certificat de naissance atteste qu’elle est née le 06 juillet 1907, l’artiste affirme qu’elle est née le 07 juillet 1910. Force et raison est de constater que le drapeau rouge enveloppe déjà son berceau. Elle ne choisit pas cette date par hasard, elle coïncide avec la révolution mexicaine qui dure une décennie et qui vient mettre fin au règne du général Porfirio Diaz . Attachée à son pays, patriote, elle représente la voix des opprimés. Bien avant sa carrière toute tracée vers la peinture, l’artiste vise une autre toile de fond et souhaite devenir médecin. Cependant celle-ci s’assombrit le 17 septembre 1925, date fatidique qui trace sa route d’artistes. Accompagné de son ami Alejandro à bord d’un bus, celui-ci entre en collision avec un tramway. Le bus ne survit pas et les passagers jonchent le sol. Parmi eux Frida, la colonne brisée est empalée sur une barre de fer. Un ouvrier laisse tomber par mégarde au moment de l’accident une poudre d’or, elle recouvre la jeune femme de son corps brisé. La vision est si enchanteresse qu’un passant pensant apercevoir une danseuse agonisante sur le sol s’écrie “la ballerina !”.La médecine est aux oubliettes, la ballerina est désormais non plus uniquement malade mais brisée.

Pintarse a sí misma, el arte del autorretrato 

Frida survit mais à quel prix ? Prisonnière de sa chambre et d’un corset qui l’empêche de bouger, les années défilent. Coincée entre quatre murs, la lecture devient sa salvatrice compagne. Proust, Bergson, Botticelli tout y passe ! Un miroir est fixé à son lit, et munis d’une boîte de couleur offerte par son paternel , elle peint. L’autoportrait surgit : Frida devient son propre sujet d’expérimentation :« Si je me peins, c’est que c’est le sujet que je connais le mieux ! ». Évolution de conscience et d’inconscience, les autoportraits sont de véritables œuvres d’introspection. L’une de ses œuvres les plus célèbres relate son calvaire. « La colonne brisée », peinte en 1944 . Cet autoportrait vient illustrer son état après une opération de la colonne vertébrale. Prisonnière, elle s’y représente dans une cage, liée à jamais à un corset. 

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La Bella y el sapo

L’amour naît dans son calvaire. Diego Rivera devient pour Frida ce que Sartre est pour Simone de Beauvoir, son unique âme sœur. La rencontre se passe au domicile de Tina Modotti, photographe italienne et communiste. De vingt-deux ans son aîné, le peintre mexicain la séduit, tous deux finissent par se marier le 21 août en 1929. Diego Rivera est un homme grand aux yeux globuleux, Frida lui attribue le surnom de sapo, de crapaud. Connu pour son engagement, il peint l’histoire du Mexique pour informer ceux qui ne savent pas lire. Communistes, l’espoir d’une renaissance de l’art, ensemble ils partagent tout. La Bella adopte un style bien à elle. Son monosourcil vient s’opposer aux carcans de la beauté féminine. Vastes jupes colorées, boucles d’oreilles lourdes et pendantes, des fleurs parsèment sa longue chevelure. C’est une femme de Tehuantepec désormais, Frida impose son style, qui continue de traverser les siècles. 

La desilusión del sueño americano

Dans les années 1930, un nouveau tournant commence pour le couple. Face à la situation politique pesante au Mexique, le couple bat de l’aile. Une invitation de la California School of Fine Arts de San Francisco sauve la carrière de Diego Rivera et lui commande une fresque. L’oncle Sam fait donc rentrer pour la première fois un artiste communiste dans son temple du capitalisme. La carrière du crapaud décolle, en décembre 1931, le MoMA de New York l’invite à exposer cent cinquante de ses toiles. En 1931, la famille Ford le soutient dans sa candidature pour une série de peintures au Detroit Institute of Arts. Les Rockefeller enfin lui demande de réaliser une peinture murale pour le hall de de réception de la Radio Corporation of America à New York. Le communiste qui rêve d’aider les opprimés, les paysans ainsi que les illettrés, se retrouve au service des plus fortunés et de ceux qui exploitent les travailleurs, le prolétariat. La déception est grande pour le crapaud. L’oncle Sam l’a bien accueilli pendant quatre ans, mais à quel prix ? Ses convictions se sont belles et bien retrouvées noyées entre les Rockefeller et les Ford. Et pour cause, son mari croit en une Amérique encore révolutionnaire et indépendante qui se battait pour sa liberté. Autant dire que l’apparition de Lénine dans la fresque de la RCA a mis fin au rêve américain, l’œuvre est effacée. Le couple prend conscience que deux mondes s’opposent, point d’entente , la fracture est irréversible. En cela Frida l’a parfaitement intégré dans son art. Son Autoportrait à la frontière du Mexique et des Etats Unis, vient illustrer deux mondes que tout oppose. Pour le Mexique, les couleurs sont chaudes, pour les Etats-Unis, les usines Fords dénaturent la fresque. Et pourtant son autoportrait contemple le Mexique. Que n’en déplaise à Ford ou Rockefeller, Frida a choisi sa patrie loin des usines, loin des Etats Unis. 

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Un arte realisto

Face aux tromperies incessantes de son mari,  et à l’interruption de deux grossesses , elle dit un non définitif à la maternité. Le couple divorce en 1938 et se marie à nouveau à San Francisco. Un mariage d’amitié, ils ne peuvent vivre l’un sans l’autre. Entre-temps, leur engagement prend de l’ampleur. En 1937, les époux Trotski se réfugient devant la Maison bleue de Coyoacán, fuyant un Staline ivre de pouvoir qui cherche à se débarrasser de tous ses opposants. Léon Trotski entame une relation adultère avec Frida avant de partir et délaisse l’autoportrait qu’elle lui a offert. Piètre consolation pour Frida. L’art devient sa bannière. Si certains considèrent sa peinture comme une œuvre surréaliste, celle-ci s’y oppose, elle peint la réalité, sa réalité qu’elle vit.  

Frida ha muerto, Viva Frida

L’artiste passe ses dernières années au Mexique, elle peint et enseigne à ses élèves : les Fridos. Maladie, militantisme, enseignement , peinture, sa vie est bien remplie. En 1953, son amie Lola Alvarez Bravo organise ses expositions à Mexico. Son triomphe est fulgurant et dépasse l’Atlantique, sa consécration est à son apogée. Ni ses admirateurs, ni ses élèves n’ont vu ce vernissage comme un adieu. Et pourtant, Frida Kahlo s’éteint un an plus tard le 13 juillet 1954. Mexico veille désormais sur sa maison bleue , métamorphosée en musée. Frida est partie mais demeure dans les esprits . Matérialisée dans le film d’animation français-belge Josep, Frida guide le peintre immigré espagnol. Frida est une figure de proue pour la communauté LGBTQ+. Bisexuelle, à l’opposé des standards de la mode, elle entretient une relation passionée avec Joséphine Baker.  Son féminisme et son style continuent encore à ce jour de susciter l’admiration, Frida Kahlo est loin d’avoir donné son dernier coup de peinture. 

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