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[Portraits de personnalités inspirantes : Thérèse Clerc]

Thérèse Clerc naît le 9 décembre 1927 dans une famille bourgeoise catholique très conservatrice de Bagnolet. Petite, elle voit ses voisins ouvriers adopter des orphelins de la guerre d’Espagne. Elle les voit aussi, quelques années plus tard, cacher des Juifs. 

Thérèse a grandi en suivant scrupuleusement les valeurs de ses parents, autrement dit : être la parfaite épouse et femme au foyer. Elle a fait des études, pour apprendre le métier de modiste et s’est mariée en 1941 à Claude, petit entrepreneur en nettoyage industriel. Ils aménagèrent ensemble dans un grand appartement, payé par ses parents. A ce moment de sa vie, Thérèse avait quatre enfants, et ne travaillait pas. Elle trouvait encore ça normal et elle ne se posait pas de question. 

Cependant, à l’église, elle fréquentait des prêtres-ouvriers, qui lui racontaient les horreurs de la guerre d’Algérie, le marxisme et la lutte de classes. Dans un discours où l’émancipation de l’homme est prééminente, Thérèse ne se reconnaissait pas : et la femme, dans tout ça ? Lorsque ces questions émergèrent dans son esprit, nous étions en Mai 1968. Alors, en cachette de son mari, elle participa à des réunions et des manifestations, où elle découvrit l’anticapitalisme, le féminisme, les notions de patriarcat, d’émancipation et même de plaisir sexuel. En fait, elle s’est rendue compte que les femmes n’étaient absolument pas libres. D’ailleurs, apprenant que la première cause de mortalité chez les françaises était l’avortement clandestin, elle s’engagea dans le mouvement pour la libération de l’avortement et la contraception. A 40 ans, Thérèse aimait ses enfants, mais son mari, lui, la désespérait. Elle passa alors son permis, trouva un emploi de vendeuse et demanda aussitôt le divorce. 

Dans son nouvel appartement à Montreuil, Thérèse pratiqua des avortements clandestins gratuitement et, plus au courant que n’importe qui sur les dangers de l’avortement, elle s’engagea pour la dépénalisation de ce dernier. En fait, Thérèse n’est jamais allée à l’Université. Mais, cela ne l’a pas empêchée de développer une importante culture civique et militante. A défaut d’apprendre dans les livres, elle a appris sur le terrain.

Quelques années plus tard, grand-mère célibataire ne roulant pas sur l’or, Thérèse a dû s’occuper de sa mère, malade. Cela la mena à une observation fondamentale : les femmes âgées étaient statistiquement plus isolées et plus pauvres que les hommes. Lui vint alors une idée : pourquoi ne pas créer une maison de retraite non médicalisée pour les femmes (et uniquement pour les femmes), où elles pourraient vivre et vieillir ensemble jusqu’au moment tant redouté de l’admission en maison de retraite médicalisée. Ainsi, la Maison de Babayagas naquit. C’était une résidence autogérée pour les femmes âgées, à faibles revenus, où chacune habite chez elle. Il n’y avait pas de personnel, pas de chambre médicalisée, mais une vingtaine d’appartements indépendants à faible loyer et des lieux de vie collectifs. Chacune devait donner dix heures de son temps hebdomadaire, les dépenses étaient mutualisées, et les conditions d’admission étaient uniquement l’âge (+ de 65 ans), le faible revenu et une expérience dans le domaine du militantisme et de l’associatif. Les Babayagas organisaient des déjeuners avec les riverains, des conférences, des débats, des sorties culturelles, l’Université du savoir des Vieux, et partaient même en colonie de vacances ensemble.

En 2003, Thérèse refusa qu’on lui remette la Légion d’Honneur, mais finit par l’accepter en 2008, en présence de Simone Veil. Elle a passé ses dernières années à se battre pour se faire entendre par les pouvoirs publics sur la précarité des femmes, à parler aux jeunes filles dans les lycées en les incitant à faire des études et en leur expliquant que leur corps leur appartient et qu’il n’est pas la propriété ni des hommes, ni de la société. Elle décéda le 16 février 2016, dans son appartement de Montreuil, entourée de ses enfants, pour qui elle a toujours voué un amour sans faille. 

Article de Tifenn Genestier.

Cet article n’engage que son auteure !

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L’éducation dans la lutte contre l’homo-, bi-, inter- et transphobie : « en progrès, mais peut mieux faire »

Au lendemain de la journée internationale contre l’homo-, bi-, inter- et transphobie, la question de la place décisive que joue l’éducation dans la lutte pour l’acceptation identitaire et sexuelle se pose plus que jamais. L’Organisation Mondiale de la Santé a peut-être rayé l’homophobie des maladies mentales il y a 31 ans, 69 pays dans le monde continuent toujours à l’interdire. L’éducation étant vecteur de construction identitaire et sociale, elle joue un rôle des plus importants dans la compréhension et l’acceptation de l’autre. Mais le milieu éducatif et les programmes scolaires peuvent également s’avérer être stigmatisants voire destructeurs. Entre conservatisme et progrès, l’éducation est-elle aujourd’hui adaptée à la lutte contre l’homo-, bi-, inter- et transphobie ? 

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L’École encore mauvaise élève :

Selon le rapport UNESCO, 54 % des élèves LGBTQIA+ ont connu des situations de harcèlement scolaire dues à leur orientation sexuelle ou à leur identité de genre. Il a aussi été reconnu que presque la moitié des 47 pays membres du Conseil de l’Europe ignorent ou ne représentent pas suffisamment la diversité des identités de genre et des identités sexuelles. 

Encore en France, le climat scolaire est défavorable aux élèves LGBTQIA+. 72 % d’entre eux affirment avoir subi une expérience scolaire mauvaise ou très mauvaise d’après une étude sur la santé des mineur.e.s LGBT scolarisé.e.s. Les cas de harcèlement scolaire liés à l’identité sexuelle ou de genre ne cessent de croître, passant de plus en plus par des voies de cyberharcèlement. Les réseaux sociaux, un outil certes très utile dans la vie quotidienne, peuvent en effet s’avérer profondément destructeurs pour de nombreux jeunes. Mais également la violence physique au sein des établissements scolaires se fait de plus en plus courante, les tabous et préjugés continuant d’exister dans les salles et cours d’école. 

L’engagement éducatif français : 

C’est avant tout pour lutter contre les violences physique, sexuelle et psychologique que le Gouvernement français a lancé le programme « Collèges et lycées engagés contre l’homophobie et la transphobie : tous égaux, tous alliés » en janvier 2019. Le Ministre de l’Education nationale a aussi mis en place divers numéros et sites, de manière à ce que les élèves souffrant d’homo-, bi-, inter-, et transphobie puissent obtenir une aide (ecoute.contrelhomophobie.org ou encore un numéro vert gratuit « Non au harcèlement » 30 20). 

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Image de la campagne « Lutter contre l’homophobie et la transphobie à l’École ».

L’engagement de l’UNESCO :

L’UNESCO affirme qu’il est impossible de « garantir une éducation de qualité inclusive et équitable et de promouvoir des opportunités d’apprentissage tout au long de la vie », comme le précise son Objectif de développement durable 4, si le système éducatif ne permet pas de lutter contre l’homo-, bi-, inter- et transphobie. 

Ces dernières années, l’UNESCO a mené diverses actions. En 2011, l’organisation avait instauré une première consultation de l’ONU sur le harcèlement homophobe au sein de l’École. En mai 2016 a été organisée la « Réunion ministérielle internationale sur les réponses du secteur de l’éducation à la violence homophobe et transphobe #OutInTheOpen ». Depuis, un appel ministériel à l’action a été lancé afin de remédier aux violences liées à l’expression identitaire et sexuelle, regroupant plus de 56 pays dans le monde. L’UNESCO a aussi publié un rapport en 2019 sur le suivi de la violence scolaire basée sur l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre. Ce rapport vise surtout à lutter contre toutes les formes de harcèlement mais permet aussi d’illustrer les techniques de suivi les plus adaptées pour répondre aux besoins des jeunes harcelés. 

Au-delà de la lutte, l’École se doit également de devenir un facteur d’émancipation et d’acceptation de soi, un terrain sur lequel de nombreux progrès sont encore à faire. Cela passe notamment par l’adaptation des programmes scolaires et des comportements des divers acteurs du milieu éducatif. L’UNESCO a en ce point soumis des propositions pédagogiques aux enseignantes, afin qu’ils puissent mieux agir et réagir lors de situations de conflit ou de questions posées par des élèves concernant le genre et la sexualité. Aussi bien la posture de l’enseignant que des éléments de définition de termes clés comme « homosexualité », « transgenre », ou encore « genre » y sont proposés, afin d’assurer une réponse à la fois adaptée, véridique et respectueuse des différents acteurs dans le milieu scolaire. Pour lutter dès le plus jeune âge contre l’homo-, trans-, inter- et la biphobie, l’UNESCO propose également des activités scolaires afin de mieux comprendre ce qu’est le genre et quelles sont les normes de genre existantes. C’est le cas par exemple de l’activité « réservé à » prévue pour les écoles primaires, durant laquelle les élèves doivent décrire quelles activités il pense être réservées à l’un ou l’autre genre tout en en expliquant les raisons. Cette activité vise avant tout à casser les préjugés et éviter tout tabou, afin de faire comprendre à chaque enfant qu’il est libre de pratiquer les activités qu’il souhaite. Le but est aussi de lancer une discussion, surtout avec les élèves plus âgés, sur leur compréhension des questions identitaires, dans l’optique de favoriser l’échange sur des questionnements personnels encore très tabous aujourd’hui. Cela permet parallèlement d’éviter des situations de harcèlement et d’éduquer au respect et à la compréhension de l’autre. 

L’École a-t-elle encore des progrès à faire ?

De nombreuses propositions ont été faites afin de permettre un véritable progrès du système éducatif en matière d’intégration et de compréhension des problématiques liées à l’identité de genre et à l’identité sexuelle. Il a par exemple été proposé de ne pas aborder les personnes LGBTQIA+ uniquement sous l’angle de la sensibilisation face aux discriminations, mais plus largement au sein des programmes, afin de véritablement intégrer toutes les formes d’identité sur un même plan. De plus, les cours d’éducation sexuelle au collège ne prennent que très peu voire pas du tout en compte la sexualité homosexuelle, un domaine dans lequel de nombreux progrès sont encore à faire.

En bref, le système éducatif est « en progrès, mais peut mieux faire ».

Auteure : Marianne Condette

http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/HIV-AIDS/pdf/IDAHOLessonPlanFrench.pdf
https://en.unesco.org/news/over-half-lgbtqi-students-europe-bullied-school-says-unesco-report
https://fr.unesco.org/news/lutte-contre-homophobie-ecole-au-coeur-reunion-ministerielle-unesco
https://www.lexpress.fr/actualite/societe/l-homophobie-s-enracine-des-la-petite-enfance_2059228.html
https://www.education.gouv.fr/lutter-contre-l-homophobie-et-la-transphobie-l-ecole-11858
https://www.education.gouv.fr/contre-l-homophobie-et-la-transphobie-l-ecole-40706

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[Pop culture detective : pour en finir avec un cinéma sexiste]

Pop culture detective 👀

Bien souvent, les adolescents et les enfants prennent exemple sur leurs héros d’Indiana Jones à Luke Skywalker en passant par The Big Bang theory 🔬. Or sans le savoir ces films et séries qui nous fascinent ou nous font rire véhiculent de nombreux schèmes sociaux, y compris les plus sexistes. 

Depuis 2016, l’américain Jonathan McIntosh a lancé la Pop Culture Detective Agency, une série Web sur youtube qui traite de la masculinité et du sexisme dans les films de la culture pop. En une trentaine de minutes, il décrypte réplique par réplique, scène par scène, une variété de films et de thèmes autour de la masculinité toxique. 

➥ La masculinité toxique 💪 ? Ce concept désigne les normes du comportement masculin ayant un impact négatif sur les hommes eux-mêmes et leurs relations. Selon ces normes, un homme ne pleure pas, n’a pas peur, ne craque pas. Tout au contraire, il montre qu’il est fort et protecteur. 

Dans chaque épisode, on retrouve un trope particulier traité comme Born Sexy Yesterday, celui de la jeune femme naïve mais sexy qui a besoin d’être guidée par un personnage charismatique. Dès lors que cette femme est trop expérimentée, elle fait peur aux hommes. C’est notamment le cas de Leeloo dans Le cinquième élément, le célèbre film de science-fiction réalisé en 1997 par Luc Besson. 

Sexual Assault of Men Played for Laughs (agression sexuelle masculine tournée à la comédie), stalking for love (espionnage par amour), predatory romance in Harrison Ford movies (la prédation sexuelle romancée dans les films d’Harrisson Ford), voici un extrait des thématiques traitées dans quelques unes de ses vidéos. Il apporte un angle de vue nouveau qui éclaire l’intégration lors de la socialisation primaire d’une hétéronormativité sexistee qui nous paraît naturelle. La prédation sexuelle ayant lieu, par exemple, dans des films dont ce n’est absolument pas le propos comme Star Wars entre Luke Skywalker et princesse Leia, comment s’en méfier… 

chaîne youtube : Pop culture detective (capture d’écran)

➥ Lien de la chaîne youtube : https://www.youtube.com/c/PopCultureDetectiveAgency/videos 

  • Jonathan McIntosh : un producteur engagé 📹

Le réalisateur de cette série est Jonathan McIntosh, un producteur, écrivain et critique culturel américain. Avant de réaliser cette série de vidéos, il a produit et coécrit la série de vidéos Tropes vs. Women in Video Games. Il est partisan de ce que l’on appelle la Culture remix, autrement dit la création d’œuvres à partir d’œuvres déjà existantes. 

En 2012, McIntosh s’engage en faveur de dérogations à la Digital Millennium Copyright Act devant le United States Copyright Office. Cette loi ayant pour objectif de criminaliser la production et la diffusion non autorisées de technologies, de dispositifs ou services relatifs aux œuvres protégées par les droits d’auteur. Finalement, et sa chaine en est le résultat, la réglementation finale permet l’utilisation de courts extraits cinématographiques à des fins de critique.

  • Culture mainstream et sexisme 🎬 

Après le mouvement #Metoo, l’oppression patriarcale à Hollywood, ayant lieu dans les coulisses comme sur scène, paraît au grand jour. Néanmoins il reste à déconstruire les vieux carcans d’un cinéma fait par des hommes pour des hommes — le male gaze — et qui véhiculent ce sexisme dans la culture populaire. Selon la doctorante Héloïse Michaud dans Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui : « Pour les féministes, la tâche est double : il faut lutter à la fois contre le patriarcat et réfuter les représentations négatives sur le féminisme, produites par l’hétéronormativité et retransmises par les médias et la culture populaire. » Une culture populaire qui a marqué les masses et les générations, autrement dit une culture mainstream contre laquelle s’élève la voix de nouveaux médias comme youtube.

L’UNESCO défend une position claire : la culture est un puissant allié pour réaliser l’égalité des genres et édifier des sociétés plus durables et inclusives. McIntosh passe donc par la culture et les nouveaux médias pour penser l’égalité des genres et déconstruire la culture mainstream imprégnée de sexisme. Il donne aussi des conseils aux hommes pour agir contre le sexisme et le harcèlement sexuel. Un combat féministe qu’il mène de front et dont on a besoin !

Si vous ne le connaissez pas encore n’hésitez pas à regarder de nouveau les plus grands classiques cinématographiques de votre enfance et adolescence grâce à l’œil vif du critique Jonathan McIntosh. À vous ensuite avec toutes ces clés de vous faire votre propre avis !

Cet article n’engage que son auteure !

Article de Mariette Boudgourd

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[Le Patrimoine naturel de l’UNESCO : le parc national des Virunga]

Premier parc national créé en Afrique et inscrit sur la Liste du patrimoine mondial depuis 1979, le parc national des Virunga subit aujourd’hui de nombreuses attaques armées qui menacent son intégrité.

Le parc national des Virunga, qui se situe en République démocratique du Congo, à la frontière avec l’Ouganda et le Rwanda, s’étend sur plus de 790 000 ha. Créé en 1925 afin de protéger les gorilles de montagne, le parc a rejoint la liste du patrimoine mondial en péril en 1994 et a été désigné site Ramsar (appellation regroupant les zones humides d’importance internationale) en 1996. A l’origine instauré sous le nom de parc Albert, il a progressivement été agrandi jusqu’à atteindre sa superficie actuelle.

Le parc est aujourd’hui partagé en trois secteurs principaux : les Montagnes des Virunga au Sud, le lac Édouard et les plaines au centre, et le bassin de la Semliki ainsi que les Rwenzori au Nord. On y trouve ainsi une grande diversité d’habitats, qui vont des rivières fréquentées par les hippopotames aux neiges éternelles du Rwenzori à plus 5 000 mètres d’altitude, en passant par les marécages, les steppes, les plaines de lave et les savanes. Dans ces dernières vivent des gorilles de montagne, espèce emblématique du parc, mais également des gorilles de Grauer et des chimpanzés de l’est.

Critères de sélection :

Pour figurer sur la Liste du patrimoine mondial, un site doit satisfaire à au moins un des dix critères de sélection. Le parc national des Virunga en satisfait trois.

  • Critère (vii) : représenter des phénomènes naturels ou des aires d’une beauté naturelle et d’une importance esthétique exceptionnelles.

Les paysages de montagne du parc sont les plus spectaculaires d’Afrique. Tandis que les monts enneigés Rwenzori présentent des reliefs tourmentés, les volcans du massif des Virunga sont couverts d’une végétation afro-alpine de fougères arborescentes. D’autres panoramas spectaculaires sont présents, comme les vallées érodées des régions de Sinda et d’Ishango.

  • Critère (viii) : être des exemples éminemment représentatifs des grands stades de l’histoire de la terre, y compris le témoignage de la vie, de processus géologiques en cours dans le développement des formes terrestres ou d’éléments géomorphiques ou physiographiques ayant une grande signification.

Le Parc national des Virunga est situé au centre du Rift Albertin, dans la Vallée du Grand Rift. L’activité tectonique a fait émerger le massif des Virunga : sept de ses volcans sont situés dans le Parc, dont les deux plus actifs d’Afrique, à savoir le Nyamuragira et le Nyiragongo. Le secteur nord du Parc inclut environ 20 % des monts Rwenzori, qui forment la plus vaste région glaciaire d’Afrique.

  • Critère (x) : contenir les habitats naturels les plus représentatifs et les plus importants pour la conservation in situ de la diversité biologique, y compris ceux où survivent des espèces menacées ayant une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation.

Le Parc national des Virunga possède une très grande diversité de plantes et d’habitats grâce à ses variations d’altitude, ce qui en fait le premier parc national africain en termes de diversité biologique. On y retrouve par exemple plus de 2 000 plantes supérieures, dont 10% sont endémiques au Rift Albertin. Mais le parc comptabilise également plus de 200 espèces de mammifères, 700 espèces d’oiseaux et 100 espèces de reptiles. Enfin, divers ongulés rares tels que l’okapi vivent dans le parc.

Gestion du site :

Divers problèmes de gestion subsistent, notamment au niveau la délimitation des différentes zones ou de la surveillance renforcée du parc, qui permettrait de réduire le braconnage, la déforestation et les activités des groupes armés. Le parc national des Virunga est géré par l’Institut congolais pour la conservation de la nature, dont de nombreux agents sont morts en service. Comme le rapporte le site de l’UNESCO, plus de 200 rangers ont perdu la vie en protégeant ce site : en avril 2020 par exemple, une attaque armée a fait 17 morts et trois blessés graves.

L’intégrité du parc se retrouve en outre menacée par la présence de plusieurs gisements de pétrole. Un documentaire produit par Leonardo DiCaprio, Virunga, est d’ailleurs sorti en 2014 sur Netflix afin de dénoncer la compagnie pétrolière Soco International, qui avait entrepris des forages sous le Lac Edouard et tenté de corrompre des gardiens du parc.

Enfin, les infrastructures du parc doivent être renforcées afin de protéger les espèces rares et menacées de manière plus efficace et l’établissement de zones tampons devient nécessaire à cause de la croissance démographique humaine. L’idée de promouvoir le tourisme dans le parc gagne ainsi de l’importance ces dernières années, car celui-ci pourrait contribuer au financement régulier du site et lui garantir des ressources suffisantes pour le protéger à long terme.

Sources : Parc national des Virunga, L’UNESCO apporte un soutien crucial à la biodiversité dans les situations d’urgence, L’UNESCO condamne la nouvelle attaque meurtrière au Parc national des Virunga, en République démocratique du Congo, Netflix.

Cet article n’engage que son auteure.

Mathilde VARBOKI

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[Actualité de l’UNESCO: Irak : Début de la reconstruction de la mosquée Al-Nouri et des églises Al-Tahera et Al-Saa’a à Mossoul]

 Endommagés par la guerre en Irak, la reconstruction de plusieurs édifices religieux à Mossoul va commencer. Cette opération se fera sous l’égide de l’UNESCO, qui a accès aux sites depuis 2018 (un an après la libération de la ville). Elle concernera un des monuments emblématiques de la ville : la mosquée Al-Nouri et son minaret incliné surnommée Al-Hadba (“la bossue”), qui avaient été dynamités par les partisans de Daech en juillet 2017, mais pas complètement détruits (par exemple, les colonnes en marbre de la salle de prière sont tombées, mais pourront être sauvées). À ce projet est associé celui des églises Al-Tahera et Al-Saa’a (dite “Notre-Dame de l’horloge”), et cela dans le but de préserver une diversité culturelle dans le centre-ville de Mossoul. L’idée est de promouvoir la réconciliation sociale à travers la culture, car la valeur de ces bâtiments n’est pas qu’historique, elle est aussi symbolique pour la paix entre les différentes religions.

Durant la guerre, la ville de Mossoul a été entièrement dévastée, avec plus de 12 000 bâtiments détruits. Il est donc primordial pour l’UNESCO de ne pas se contenter d’uniquement reconstruire, mais aussi d’agir sur le long terme. Ces initiatives sont regroupées sous le nom de « Faire revivre l’esprit de Mossoul”, et le projet est en grande partie financé par les Emirats Arabes Unis. Il comprend notamment la formation des jeunes sur le terrain, mais aussi la création d’emplois.

Pour cette reconstruction, un concours entre cabinets d’architecture a été mis en place par l’UNESCO, et cela a été accompagné par une consultation à grande échelle des habitants pour choisir certaines options concernant la rénovation. Le concours s’est terminé le 15 avril 2021, les travaux vont donc commencer très prochainement.

Ce projet est essentiel pour remettre le pays sur pieds car, comme le fait comprendre Audrey Azoulay, directrice générale de l’UNESCO : “C’est par l’éducation et la culture que les Irakiens, hommes et femmes à égalité, pourront reprendre leur destin en main et devenir les acteurs du renouveau de leur pays.”

Article écrit par Cléa Brunaux

Cet article n’engage que son auteur

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[Le patrimoine mondial naturel de l’UNESCO: Les îles atlantiques brésiliennes]

La majorité des îles atlantiques brésiliennes ont été découvertes par des navigateurs durant l’exploration du Brésil au cours du XVIème siècle.  Ces îles sont restées aux mains du Portugal jusqu’à l’indépendance du Brésil en 1822. Elles faisaient donc partie intégrante du territoire et étaient utilisées dans un jeu de pouvoir et de richesse. Cependant, elles ont souvent été abandonnées car les explorateurs avaient du mal à s’y installer à cause de leur enclavement et de leur nature assez hostile. En effet, selon la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, une île est une « étendue naturelle de terre entourée d’eau qui reste découverte à marée haute »: c’est donc un espace enclavé et isolé, difficile d’accès et aux flux faibles en vue de sa localisation.

Fernando de Noronha

Cependant, si lors de leur découverte certaines îles atlantiques brésiliennes étaient hostiles, aujourd’hui elles sont classées au Patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est le cas des îles de Fernando de Noronha et de l’atol das Rocas, situées à 150km l’une de l’autre et classées depuis 2001. Ces dernières se caractérisent par leurs paysages idylliques et la richesse de leur faune et flore. Cette richesse est rendue possible grâce à leur insularité, qui permet le développement animal loin du littoral urbanisé. En effet, les eaux environnantes sont très riches et peuplées de diverses espèces aquatiques telles que le thon, le requin, le dauphin ou encore la tortue et d’autres mammifères marins. Ces îles abritent également la plus grande concentration d’oiseaux marins tropicaux de l’océan Atlantique Ouest, et sont plus peuplées par les animaux que par les humains. Ainsi, l’atol das Rocas est considéré comme le deuxième site de reproduction le plus important du Brésil.

Les îles atlantiques brésiliennes sont toutes différentes par leurs formations et leur relief, et varient entre formation volcanique et sédimentaire. En revanche, leur climat est assez similaire puisqu’elles se situent toutes dans un cadre océanique, au milieu de l’océan, et donc exposées aux vents et aux marées. Elles sont pour la majorité assez humides et venteuses une partie de l’année, puis sèches l’autre moitié. C’est le cas de Fernando de Noronha, qui possède un climat tropical d’une température variant de 18 à 31° avec une moyenne de 25° sur l’année. La pluviosité est de 1318 mètres avec deux stations pluvieuses en juillet, une période sèche en octobre et en décembre. Son climat est ressemblant à celui du Nordeste puisqu’elle se situe au large du Rio grande do Norte.

Critères de séléction:

  • Critère vii (représenter des phénomènes naturels ou des aires d’une beauté naturelle et d’une importance esthétique exceptionnelles): Située au large de Fernando de Noronha, la baie des dauphins est l’un des espaces qui regroupe le plus de dauphins au monde. De plus, les plages de ces deux îles sont également caractérisées comme les plus belles au monde et offrent des paysages spectaculaires.
  • Critère ix (être des exemples éminemment représentatifs de processus écologiques et biologiques en cours dans l’évolution et le développement des écosystèmes et communautés de plantes et d’animaux terrestres, aquatiques, côtiers et marins): Les réserves de Fernando de Noronha et de l’atol das Rocas représentent plus de la moitié des eaux côtières insulaires de l’Atlantique Sud, et regroupent une quantité importante de faune et de flore marine et terrestre. Elles sont importantes dans la reproduction et la colonisation des espèces marines dans toute l’Atlantique tropical austral.
  • Critère x (contenir les habitats naturels les plus représentatifs et les plus importants pour la conservation in situ de la diversité biologique, y compris ceux où survivent des espèces menacées ayant une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation): Les réserves de ces îles atlantiques sont essentielles dans la préservation de la biosphère et des espèces menacées, comme la tortue à écailles. Ce sont également sur ces îles que se trouve la seule mangrove océanique de l’Atlantique Sud.
Fernando de Noronha

Ainsi, les différents critères qui déterminent l’inscription de ces îles atlantiques brésiliennes au Patrimoine mondial de l’UNESCO témoignent de la nécessité de leur protection. C’est « l’Institut Chico Mendes de Conservation de la Biodiversité (ICMBio), organisme fédéral autonome rattaché au Ministère de l’environnement », qui est chargée de la gestion et de la conservation du site.

Cependant, même si ces îles sont très protégées, elles restent menacées par le tourisme de masse (principalement à Fernando de Noronha) et la surpêche (Atol das Rocas). En effet, l’île de Fernando de Noronha est très connue d’un point de vue touristique, que ce soit à niveau national et international, et voit son flux de touristes augmenter depuis une décennie. Si les touristes sont régulés, il faut toutefois continuer à y appliquer des mesures renforcées pour préserver cette biosphère. L’atol das Rocas, quant à elle, est interdite à la visite du public puisqu’elle est reservée à la protection de la faune et la flore, ainsi qu’à la recherche. Elle est surveillée par la Marine et les Forces aériennes brésiliennes, notamment par rapport aux activités de pêche.

Article écrit par Marina Deynat

Cet article n’engage que son auteur

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[Rubrique culturelle : à la découverte du Jardin des Tuileries et de ses statues]

Ce vendredi, la rubrique culturelle vous invite à redécouvrir le Jardin des Tuileries, un lieu historique et emblématique de la capitale. 

Le Jardin se situe dans le premier arrondissement de Paris, au cœur d’un quartier riche en histoire, puisqu’il est entouré du palais du Louvre (sud-est), de la rue de Rivoli (nord-est) et de la place de la Concorde (nord-ouest). Il s’étend sur 25,5 hectares, faisant de lui le plus important jardin à la française de la capitale. 

Le Jardin des Tuileries tient son nom d’anciennes tuileries  (fabriques de tuiles) qui se tenaient à l’endroit où fut édifié le palais des Tuileries en 1564. Catherine de Médicis commanda cette ancienne résidence royale et impériale, aujourd’hui disparue suite à un incendie durant la Commune de Paris en 1871. Actuellement, le jardin du Carrousel se situe en partie à l’emplacement de l’ancien palais des Tuileries. 

Le Jardin des Tuileries était ainsi à l’origine un jardin à l’italienne commandé par Catherine de Médicis en même temps que le palais. Un siècle plus tard, en 1664, Louis XIV et Jean-Baptiste Colbert souhaitent repenser le parc pour en faire un jardin à la française. La mission est confiée à André Le Nôtre, jardinier de Louis XIV, qui s’occupe de réaménager le lieu. 

Le Jardin a été témoin de nombreux événements historiques comme la prise des Tuileries du 10 août 1792 ou encore la Commune de Paris en 1871. Ce lieu de promenade et de culture accueille du public depuis plusieurs siècles. Celui-ci peut admirer les bassins et les nombreuses statues de maîtres dont le parc regorge. 

Depuis 1914, le Jardin des Tuileries est classé au titre des Monuments Historiques.

Partez à la découverte des richesses de ce jardin emblématique de Paris et de son histoire ! Le visiteur peut notamment découvrir des  statues, copies ou originales, de différentes époques. 

Des animaux, des personnages célèbres comme César, Périclès ou Spartacus, mythologiques comme Diane ou Hercule, ou encore des allégories telles « La Seine et la Marne » ou « L’Automne » : ce sont des dizaines de sculptures que vous pourrez découvrir ! 

Quelques exemples de statues à observer : 

La statue « L’Automne ou Vertumne », faite de marbre, se trouve près du bassin octogonal du parc. François Barois (1656-1726), sculpteur sous Louis XIV, l’a sculptée en 1696. Il s’agit aujourd’hui d’une copie de l’œuvre originale installée dans le Musée du Louvre depuis 1993.

La statue de marbre « Thésée combattant le Minotaure », sculptée entre 1821 et 1827, se situe à proximité du bassin rond. Elle est l’œuvre du sculpteur français Etienne-Jules Ramey (1796-1852). 

La statue en marbre, « Le serment de Spartacus » se trouve près du grand bassin rond. Elle a été sculptée par Louis-Ernest Barrias (1841-1905) en 1869-1871. Spartacus était un gladiateur thrace qui fut à l’origine de la plus importante rébellion d’esclaves contre la République romaine, entre 73 et 71 av. J.-C, appelée la troisième guerre servile. 

La statue d’Eve a été réalisée en 1881 par Auguste Rodin, l’un des plus importants sculpteurs français de la seconde moitié du XIXe siècle. Elle se trouve le long de l’Orangerie du Jardin des Tuileries, du côté nord. La statue « Le Baiser », du même artiste est également visible sur le côté droit du Jardin des Tuileries, face à l’Orangerie. Vous pouvez découvrir d’autres sculptures de Rodin au musée éponyme. Pour en savoir plus : http://unesco.sorbonneonu.fr/idee-sortie-le-musee-rodin/ .

( Les photographies sont issues du site Paristoric, où vous pouvez retrouver l’ensemble des statues du Jardin.)

Où : Jardin des Tuileries, 75001.

Accès libre. 

Comment s’y rendre

Métro : Tuileries (ligne 1)

Bus : 72, arrêt Tuileries

Cet article n’engage que son auteure. 

Article rédigé par Agathe Passerat de La Chapelle. 

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[Portraits de personnalités inspirantes : Malala Yousafzai]

Peut-être avez-vous déjà entendu son nom lié à un record mondial : Malala est la plus jeune personne à avoir jamais obtenu un prix Nobel de la paix. Elle avait alors 17 ans, et aujourd’hui elle lutte toujours pour la cause qui lui a permis d’obtenir cette haute distinction : l’éducation des filles.

    Quand Malala Yousafzai voit le jour, le 12 juillet 1997, sa naissance est perçue pour beaucoup de Pachtounes autour d’elle comme une mauvaise chose. Pour ce peuple dont elle fait partie, et qui habite dans la vallée du Swat au Pakistan, naître fille provoque une déception chez les parents. Mais pas pour ceux de Malala, qui tacheront toujours de l’élever comme égale aux hommes. C’est d’ailleurs au sein de la Kushal Public School  qu’elle va grandir. Cette école fondée par son père est un univers où apprendre est la norme, pour les filles comme pour les garçons, et sur un pied d’égalité. Malala est première de la classe, même si elle est en compétition avec sa meilleure amie pour avoir les meilleures notes, et elle prend aussi le temps d’aider les élèves qui ont le plus de difficultés.

    Alors, quand en 2007 le Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP), c’est-à-dire ceux qu’on appelle les talibans, envahissent la vallée du Swat et déclarent que les femmes ne doivent pas recevoir d’éducation, le message ne passe pas. Les écoles pour filles prennent feu une à une, sous les regards indignés de Malala et de sa famille. En acte de rébellion, pour lutter contre ces fermetures d’école, et sous l’impulsion de son père, Malala ouvre un blog pour la BBC. À 11 ans, sous le pseudonyme  “Gul Makai”, elle raconte donc sa vie de fille pakistanaise sous l’occupation talibane dans le  Journal d’une écolière pakistanaise

    Mais la pression des talibans se fait trop forte, et Malala et sa famille sont contraints de fuir leur région. Ils reviennent à Mingora, leur ville d’origine, quelques mois plus tard, une fois le TTP repoussé hors de leur région par l’armée pakistanaise. Malala est perçue comme une héroïne à son retour et son école prend même son nom. Mais la menace islamiste rôde toujours, et le 9 octobre 2012, son destin bascule définitivement. Elle se fait attaquer sur le chemin de l’école et reçoit une balle dans la tête. Malala est plongée dans le coma et évacuée en Angleterre avec sa famille. Son histoire provoque une vague de soutien mondial, et elle crée la même année le Fonds Malala pour continuer son combat à une échelle internationale. À peine est-elle sortie de l’hôpital, que le 12 juillet 2013, jour de ses 16 ans,  elle prononce un discours devant l’assemblée générale de l’ONU, où elle déclare notamment « [Les talibans] pensaient qu’une balle pourrait nous réduire au silence mais ils ont échoué […] et du silence sont sorties des milliers de voix. ». et « Les extrémistes ont peur des livres et des stylos. Le pouvoir de l’éducation les effraie.»  À l’occasion, le “Malala day” est créé par les Nations Unies : tous les 12 juillet seront l’occasion de célébrer le droit à l’éducation, et en particulier celui des filles. 

    Depuis ce jour, Malala Yousafzai est une icône féministe de la lutte pour l’éducation, et elle est consacrée en 2013 par le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit du Parlement européen, et par le prix Nobel de la paix en 2014.

    Malala Yousafzai écrit en 2013  le livre Moi, Malala je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans, en collaboration avec Christina Lamb, et est aujourd’hui, depuis 2020, diplômée de l’université d’Oxford. Comme sa famille, elle vit toujours en Angleterre et rêve d’un jour pouvoir retourner dans sa région natale dont elle est séparée depuis 2012 par les menaces qui planent sur sa vie.

Pour participer à son combat : https://malala.org/

Article de Cléa Brunaux.

Cet article n’engage que son auteure.

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[Chronique sur le patrimoine UNESCO en France : Bordeaux, port de la Lune]

Saviez-vous qu’après Paris, Bordeaux est la ville française qui compte le plus de bâtiments protégés par l’UNESCO ?

Et pour cause, en juin 2007, l’UNESCO décide de classer sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité les 1800 hectares de la ville de Bordeaux, un ensemble qui comprend la Garonne, la façade historique des quais et 347 bâtiments classés. Le secteur sauvegardé fait 150 hectares, il représente 40% de la superficie totale de la métropole !

Le « port de la Lune » que mentionne l’UNESCO lors de l’inscription de Bordeaux sur la liste du patrimoine mondial, est une nomination datant du Moyen-âge, qui met l’emphase sur le rôle prédominant de la ville dans les échanges commerciaux via la Garonne. Située sur un méandre de ce fleuve, Bordeaux est ouverte sur l’estuaire de la Gironde, qui amène vers l’Océan Atlantique. Ce méandre constitue un port naturel, dont la forme en croissant explique le nom de « port de la Lune ».

Bordeaux aerial panoramic view. Bordeaux is a port city on the Garonne river in Southwestern France

Depuis l’Antiquité sous l’Empire romain, la ville est active dans le commerce. Le port de la Lune est aménagé pour importer et exporter les nombreuses marchandises qui y affluent, parmi lesquelles le fameux vin qui fait la renommée de sa région. Bordeaux se développe au bord de la Garonne : des huttes romaines au Palais de l’Ombrière médiéval où nait Aliénor d’Aquitaine en 1122, la rive gauche est de plus en plus densément urbanisée. L’expansion de la ville commence réellement au XVème siècle, époque durant laquelle les échanges se font sur de plus longues distances grâce aux progrès de la navigation. De nombreux négociants affluent vers le port, ce qui aboutit logiquement à la création d’un quartier permettant de stocker les marchandises et de loger les acteurs de ce commerce : les Chartrons.

Le tournant pour le port de la Lune a lieu au XVIIème siècle, lorsque Bordeaux participe activement au commerce sucrier aux Antilles : il devient le premier port de France, et réalise deux cinquièmes du commerce national avec ces îles. C’est durant ce siècle, en 1685, que la ville envoie son premier navire négrier, lançant le processus d’un intense commerce d’esclaves jusqu’en 1826. Après avoir longtemps été accusée de passer sous silence ce passé négrier, la ville le reconnait aujourd’hui à travers des actions concrètes telles que le changement de noms de rues qui portaient les stigmates de ces crimes, ou encore la mise en place de salles consacrées à ce commerce au Musée d’Aquitaine.

C’est néanmoins durant cette période que Bordeaux se dote de ses plus beaux édifices, que nous pouvons encore contempler aujourd’hui. L’architecture actuelle est d’une homogénéité rare puisque ses monuments classiques et néoclassiques érigés durant la période des Lumières et à l’époque coloniale, sont encore nombreux. Ces bâtiments sont pour beaucoup le fait du marquis de Tourny, qui s’installe dans la ville en 1743 et qui entend exploiter son potentiel en favorisant son développement architectural, la ville étant selon ses dires « admirablement située ». Il fait détruire les remparts médiévaux, et aménage Bordeaux par la construction des places Gambetta, Victoire et de la Bourse, ou encore des portes Dijeaux et d’Aquitaine. C’est aussi le marquis de Tourny qui crée la façade des quais, uniformisant ces derniers dans un style classique. Ces travaux de grande ampleur façonnent une nouvelle ville sur le modèle versaillais, dont l’objectif est la recherche d’ordre et de symétrie.

Tourny contribue donc au rayonnement esthétique de la ville de Bordeaux, cette dernière regroupant également de multiples édifices classés. Pour citer deux des plus célèbres, situés dans le centre historique: le théâtre de Bordeaux, construit en 1780 par le maréchal de Richelieu, ou encore le Palais Rohan, actuelle mairie, construit pour le prince de Rohan en 1770, sont d’impressionnants monuments de style classique.

Si l’urbanisme et l’architecture de Bordeaux sont classés sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, c’est aussi parce-que le projet urbain de 1995 contribue nettement à l’embellissement de la métropole. Du nettoyage des façades à l’aménagement de la promenade sur les quais, en passant par la mise en place d’un tramway et les mises en lumière, Bordeaux est devenue une nouvelle ville, qui attire de plus en plus de touristes. Le fameux miroir d’eau devant la place de la Bourse sur les quais, le plus grand du monde, inauguré en 2006, ne fait que rehausser cette image positive.

Bordeaux, Eau, Centre-Ville, Urbanisme

Bordeaux, « ensemble urbain et architectural exceptionnel » selon l’UNESCO, peut ainsi bénéficier depuis 2007 d’une attention particulière pour sa préservation de la part des acteurs patrimoniaux.

Article de Manon Etourneau

Cet article n’engage que son auteure.

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[UNESCO, Culture et Diplomatie]

Le monde de la culture est mis à l’épreuve avec la crise du coronavirus. Dans un grand nombre de pays, les musées et les cinémas sont fermés, les expositions reportées, les tournages modifiés. La pandémie mondiale nous aura montré à quel point un secteur nous paraissant mineur en 2020 est en réalité d’une importance cruciale, tant pour l’économie que pour notre bien-être psychologique. 

Mais cette crise nous a également montré la fragilité des relations que les pays du globe peuvent entretenir. Entre protectionnisme, xénophobie et course au vaccin, les États tentent de rester soudés, mais sont de moins en moins d’accord sur les procédures à suivre. La diplomatie sous toutes ses formes, étatique comme culturelle, est à l’épreuve. Pourtant, des organisations mondiales, comme l’Organisation des Nations Unies, font de cette diplomatie culturelle une priorité, notamment avec l’UNESCO.

Qu’est ce que la diplomatie culturelle ? 

La diplomatie est généralement définie comme la conduite de négociations entre les différents États, entre les différentes nations ou entre les personnes d’une manière non violente. On parle de diplomatie étatique car les acteurs majeurs ici sont les États, et plus spécifiquement les élus et diplomates des États concernés. C’est la mise en œuvre des politiques internationales des États.  

La diplomatie culturelle, elle, est une évolution de la diplomatie étatique. Elle mise sur l’influence plus que sur des actions politiques. Joseph Nye, à la fin des années 1990, a théorisé les notions de Hard et de Soft Power. Selon lui, le Soft power, s’apparentant à la diplomatie publique et culturelle, est tout aussi important que la diplomatie traditionnelle car il vise à dépasser le cadre étatique pour mettre en avant de nouveaux acteurs sur la scène internationale et diplomatique en marche vers la paix : individus, groupes, associations, collectivités, institutions, musées, théâtres contribuent aujourd’hui à l’élaboration d’une diplomatie parallèle, directe, qui se passe de l’intermédiaire des États.

L’objectif de la diplomatie culturelle est alors l’échange des points de vue, l’amélioration de la connaissance des autres cultures, la comparaison des façons de faire à travers le monde ; tout cela afin d’aplanir les différends que la diplomatie classique ne parvient pas à résoudre. Elle vise in fine à encourager une vision positive de la diversité culturelle, conçue comme une source d’innovation, de dialogue et de paix.

L’UNESCO et la diplomatie culturelle

Lorsque l’UNESCO a été constitué à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il fut noté dans son acte constitutif « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ». Comprenant que le Hard Power ne pouvait pas seul maintenir la paix, les fondateurs de l’organisation des Nations Unies et plus spécifiquement de l’UNESCO ont voulu mettre la culture au centre de leurs actions pour pacifier les esprits en promouvant le dialogue et les échanges dans des domaines tels que la culture, les sciences ou encore l’éducation. Les conventions mises en place par l’UNESCO dans le domaine culturel sont des instruments juridiques et normatifs uniques qui vont ainsi réglementer différents aspects de la culture comme la protection du patrimoine matériel et immatériel, la promotion et la diversité culturelle et l’interdiction du transfert illicite de biens culturels.  

Au-delà de la dimension bilatérale qu’un État peut avoir avec l’UNESCO, nous devons mentionner un fait important de la diplomatie culturelle, et plus généralement de la diplomatie traditionnelle : le multilatéralisme. Le fait que l’UNESCO soit une enceinte multilatérale donne la possibilité aux acteurs de coopérer avec d’autres pays du monde. Mais, ce multilatéralisme, essence même de l’Organisation, peut être critiqué : ce fut le cas par les États Unis en 1984 lorsque les politiques onusiennes paraissaient trop communistes. Ces derniers avaient d’ailleurs quitté l’Organisation. Ce fut également le cas en 2018, lorsqu’ils quittèrent l’UNESCO avec Israël, jugeant ses politiques anti-israéliennes. 

Pourtant, ce multilatéralisme – déplaisant aux Américains – a été réaffirmé le 11 novembre 2018 lors du Forum pour la Paix, par le Secrétaire général des Nations unis, Antonio Guterres. Pour l’UNESCO, ces mésententes et ruptures avec les américains ont de réelles conséquences, notamment sur le budget (la contribution américaine s’élève à 22% du budget, soit environ 70 millions de dollars). 

Nous voyons donc que l’UNESCO tout comme l’Organisation des Nations Unies, qui œuvrent pour la paix, ne sont pas à l’abri de nombreuses difficultés, qu’elles soient d’ordre politique ou financière. La diplomatie culturelle, comme l’entend l’institution onusienne, s’est largement développée durant ces 4 dernières décennies, devenant un mécanisme clé des dialogues entre les États et entre les institutions. Cependant, chaque État lui donne l’importance qu’il souhaite, et la problématique de la diplomatie publique est alors la complexité de sa mise à l’agenda politique. En effet, elle exige – à la différence de la diplomatie digitale par exemple – une action extérieure concrète, avec des politiques publiques, des partenariats coûteux et un budget conséquent. Certains pays font de la diplomatie culturelle un objectif assumé : c’est le cas de la Chine ou du Japon, qui contribuent à 26,22% du budget de l’UNESCO pour l’année 2018/2019. D’autres s’en servent également, mais pas par le prisme d’organisations internationales. C’est le cas notamment de la Corée du Sud, dont l’économie tout entière est tournée vers la diplomatie publique et culturelle. 

Article de Tifenn Genestier

Cet article n’engage que son auteure.

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