[Portraits de personnalités inspirantes : Colette]

Femme libérée, battante et figure incontournable de la littérature française, Colette fascine toujours aujourd’hui. Celle qui est née en janvier 1873 sous le nom de Sidonie-Gabrielle Colette aurait pourtant pu ne jamais connaître un tel succès, puisque pendant les premières années de sa carrière, elle a servi de prête-plume pour son mari, Willy.

    Si Colette s’illustre dans le monde parisien, elle naît et grandit dans un village de Bourgogne : Saint-Sauveur-en-Puisaye. Choyée par sa mère (dite « Sido »), elle s’épanouit dans une campagne natale qui deviendra le décor de son premier roman : Claudine à l’école (1900). Cette mère, plus qu’aimante, fait grandir sa fille dans un univers laïque et féministe. Gabrielle apprend l’art de l’observation en vadrouillant dans le jardin qui jouxte sa maison, tout en se passionnant très vite pour la lecture des classiques, et le travail de son style littéraire.

    Elle n’est encore qu’adolescente quand elle rencontre Henry Gauthier-Villars, dit « Willy », un écrivain séducteur bien plus âgé qu’elle, avec lequel elle se marie l’année de ses 20 ans, en 1893. Après cela, les deux époux emménagent à Paris, où Willy introduit sa femme à la vie mondaine, dont il est un fervent adepte. C’est dans ce milieu que Gabrielle-Sidonie Colette devient celle qu’on appelle désormais seulement « Colette ». 

    Or, si l’œuvre littéraire de Willy semble prolifique, ce qui fait une partie de sa renommée, c’est qu’il utilise en fait des « nègres littéraires » (aussi appelés « prête-plumes » ou « écrivains fantômes »). Colette, elle, nostalgique de sa région d’origine, couche dans des cahiers ses souvenirs d’enfance. Willy ne fait au début que l’encourager, puis il commence très vite à y voir une manne littéraire, et pousse sa femme à développer ses récits, tout en les rendant plus sulfureux. D’un commun accord, le premier roman de la future série des Claudine, sort sous le signature unique de « Willy ». Comme voulu, Claudine à l’école fait naître un scandale qui fait aussi son succès. C’est le début d’une série d’écrits qui seront tous publiés sous le même pseudonyme, et pour laquelle la pression de Willy sera croissante sur les épaules de Colette. On peut vraiment parler d’exploitation, car Colette n’aura jamais touché aucun profit direct de la série puisque le propriétaire exclusif des droits était son mari, et qu’il les a finalement vendus en 1907. 

    Les aventures de Claudine deviennent encore davantage sulfureuses au fur et à mesure que la relation entre Willy et Colette commence à battre de l’aile. Cette dernière devient libertine et vit une bisexualité qui n’est qu’un secret de polichinelle, et qui est un élément très important de son œuvre et de sa vie. Si Willy est un mari adultère depuis des années, et qu’il exige de sa femme de ne pas le tromper avec des hommes, il ne voit aucun problème pour qu’elle le fasse avec d’autres femmes.

    C’est en 1906 que Colette entame une relation avec « Missy » (Mathilde de Morny), qui si elle n’est pas entièrement publique, prête à scandale sur les planches, où l’écrivaine se concentre désormais. Une de leurs représentations au Moulin-Rouge se conclut par un baiser entre les deux femmes, qui provoque une très vive agitation dans la salle.

    Car depuis 1903, Colette a conclu sa célèbre série par Claudine s’en va. Sans doute de plus en plus consciente de son propre talent, elle se lance dans une carrière d’écrivaine à part entière (avec des œuvres comme L’ingénue libertine (1904) ou encore La vagabonde (1910)), mais aussi dans le music-hall. Si le succès de la série des Claudine s’est essoufflé vers la fin, il aura tout de même été phénoménal, lançant même la mode de ce qui sera ensuite appelé « col Claudine ».  C’est officiellement en 1936 avec Mes apprentissages que Colette accable Willy de tout le malheur qu’il lui a fait subir. Mais même dans les Claudine elle se livre déjà à une caricature de son mari à travers le personnage du « gros Maugis ».

    Par la suite, déjà enceinte, Colette épouse Henry de Jouvenel puis donne naissance à sa fille, Colette de Jouvenel. À cela succède une liaison avec le jeune fils de 16 ans d’Henry, puis un troisième mariage avec Maurice Goudeket en 1935. Comme elle a pu dénoncer Willy en 1936, en 1941, avec Julie de Carneilhan, un de ses derniers romans, Colette fustige Henry de Jouvenel.

    La carrière de Colette est reconnue en France dans le milieu littéraire puisqu’elle est élue à l’unanimité à l’académie Goncourt en 1945, dont elle devient la présidente en 1949. Quand elle s’éteint en 1954, elle devient la deuxième femme à laquelle la République ait accordé des obsèques nationales. Elle repose aujourd’hui au cimetière du Père Lachaise à Paris.

    Finalement, si Colette refuse elle-même d’être mise dans le même panier que les féministes d’hier (elle déclare notamment « Les suffragettes me dégoûtent (…) Savez-vous ce qu’elles méritent, les suffragettes? Le fouet et le harem… » ), la liberté de ses relations, de son œuvre et plus généralement de sa vie n’en est pas moins une inspiration pour les féministes d’aujourd’hui. Elle aura aussi été très importante pour le milieu LGBTQI+, et notamment la communauté lesbienne et bisexuelle dont elle est une des premières icônes. 

    Chéri (1920) et Le blé en herbe (1923), sont deux de ses romans les plus loués, mais Claudine à l’école reste indémodable quand on parle de Colette. Le film Colette (2018) de Wash Westmoreland, avec Keira Knightley est par ailleurs très intéressant et permet de bien découvrir et comprendre l’univers et la vie de l’écrivaine.

Article de Cléa Brunaux

Cet article n’engage que son auteure !

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[La Cancel Culture]

Donald Trump a très souvent été “canceled” par ses opposants politiques, notamment pour ses propos douteux sous bien des aspects en tant que PDG, candidat, et Président des États Unis d’Amérique. Alors qu’il dénonçait ces pratiques – les définissant de mesures totalitaires – il a lui aussi appelé au boycott de personnalités à de nombreuses reprises : opposants, célébrités, médias et parfois même inconnus. Tout cela la majorité du temps sur Twitter. A titre d’exemple, même son émission The Apprentice consistait à “virer” des candidats à l’embauche. Lors de son mandat présidentiel, malgré des appels au boycott répétés et une tentative de destitution, Donald Trump a gardé sa fonction jusqu’au dernier jour, lors de la passation avec Joe Biden. 

L’exemple de Donald Trump rentre plus largement dans le phénomène de Cancel Culture. Cette culture de l’effacement, venue des États Unis, vise à boycotter des œuvres, évincer des personnalités suspectées de racisme ou encore d’homophobie en les discréditant publiquement. Cela touche tous les domaines de la culture : des médias, mais aussi des grands classiques comme Les Dix Petits Nègres d’Agatha Christie (renommé Ils étaient Dix en France) ou plusieurs films Disney, comme Pocahontas, Peter Pan, ou encore Dumbo

Cette notion de Cancel Culture se retrouve aussi bien dans le domaine politique que dans le domaine culturel. Fervents défenseurs des cultures, convaincus que leur diffusion est un pas de plus vers la paix dans le monde, nous pouvons alors nous demander s’il faut expurger les œuvres des clichés racistes, sexistes et homophobes ? La Cancel Culture est-elle une avancée, ou au contraire une nouvelle censure ? Alors : pour ou contre la Cancel culture ?

Selon un sondage de l’Ifop pour l’Express, seuls 11% des français et françaises connaissent et comprennent la notion de Cancel Culture. Certains pensent que c’est “ridicule”, qu’il ne faut pas couper les œuvres d’art ou les romans de leur contexte. D’autres, pensent que c’est une grande avancée dans la reconnaissance de l’oppression des minorités. 

Pour certains, la Cancel Culture n’existe pas. Ce terme viendrait plutôt des milieux réactionnaires qui n’acceptent pas le monde qui serait en train de changer, et ils utiliseraient cette notion pour discréditer les voix qui critiquent la société. 

Mais finalement, comment faire pour être “pour”, puisque ce terme est fait pour discréditer ceux qui aspirent à lever le voile sur la complexité de l’Histoire, sur la complexité de nos rapport avec la responsabilité que nous portons sur nos actes. Pour les pro-Cancel Culture, ce sont ceux qui portent cette vision du récit totalement idéalisé de notre Histoire – où en France pendant les Lumières, tout le monde pouvait débattre, alors que finalement ça n’était que les hommes blancs – qui sont les vrais porteurs d’une culture de l’effacement. Ils y effacent les femmes, les personnes racisées, les personnes homosexuelles, transgenres et plus largement issues de minorités en les incluant de facto dans des histoires qui ne sont pas les leurs. 

En rattachant ce débat politique au monde de la culture, leur point de vue est compréhensible : les études de genre et de race – et la sociologie en général – montrent l’importance de l’intériorisation des pratiques lors des différents stades de notre socialisation. Alors, en retirant les contenus racistes ou homophobes (pour ne citer qu’eux) des oeuvres avec lesquelles nous avons l’habitude d’être en contact – du livre que les enfants lisent en cours à la statue à la gloire d’un homme politique pro-esclavage – cela permettrait aux nouvelles générations de grandir et d’évoluer dans des espaces dépourvus d’animosité envers les minorités, et par conséquent d’atténuer (voir de faire disparaitre) les oppressions. 

Au même titre que les pro-Cancel Culture, les “contre” considèrent que l’utilisation de ce terme se retrouve largement dans le domaine politique et que cette notion est utilisée comme une arme pour se débarrasser de ses adversaires. Ils considèrent que la dénonciation de pratiques engendrerait le doute sur les idées et les carrières des acteurs du débat pour le restant de leur vie. Alors, ça serait une arme politique avant d’être une arme de défense de qui que ce soit. 

Alors que les pro-Cancel Culture voudraient réviser les œuvres, voire les interdire, les réfractaires ont la conviction qu’interdire des œuvres stéréotypées ou racistes reviendrait à du négationnisme. Il faudrait plutôt les matérialiser pour que l’Histoire ne se répète plus ainsi. Car si toutes ces parties de l’Histoire et de la Culture venaient à être supprimées, il n’y aurait plus aucun moyen de s’aider des erreurs du passé pour construire un monde meilleur pour demain. La solution passerait alors par l’éducation, et non pas par la négation ou la suppression. La Cancel Culture est un danger si elle conduit à la censure, car effacer une partie du débat revient à le supprimer, ce qui est impensable dans nos sociétés que l’on veut pluralistes et démocratiques. 

    Il existe aussi des avis moins tranchés, considérant que les débats menés par ce terme un peu fourre-tout de Cancel Culture se rapprochent des débats que l’on peut avoir sur l’islamo-gauchisme par exemple : catégoriser des personnes, des chercheurs, des activistes, dans des cases qui pourtant ne sont pas représentatives des recherches et des combats qu’ils mènent. En effet, lorsque l’on entend parler de Cancel Culture, le terme est souvent relié à la négation et l’effacement pur et simple de certains faits historiques, de certaines œuvres, de certaines paroles. 

Alors, il faudrait renverser la tendance, utiliser de nouveaux termes, plus précis, moins stéréotypés, qui permettraient d’expliquer en détails les enjeux du débat. Il faut alors se poser la question de la différence entre la censure de contenus, qui relèvent de la liberté d’opinion ou qui contreviennent à la loi ; et les mécanismes qui permettent aux “accusés” de dire ou de faire des choses répréhensibles, sans être inquiétés de ce qu’il pourrait leur advenir. Par exemple, Christophe Girard, adjoint à la mairie de Paris et accusé d’abus sexuels, a démissionné. Lors de sa conférence de presse, il a dénoncé l’inquisition dont il était victime, sans jamais parler de sa responsabilité politique et personnelle dans cette affaire. 

Alors, répondre par l’affirmative ou la négative strictes à la question “Pour ou contre la Cancel Culture ?” n’est finalement pas si simple. Cela touche toutes les strats de notre société, de la Politique à la Culture, en passant par les lieux de débat tels que les plateaux télé et les réseaux sociaux. Chercher à répondre d’une manière tranchée serait en réalité une accentuation d’un phénomène que nous retrouvons bien trop souvent de nos jours : la polarisation de l’espace public, où non seulement seules deux visions du monde sont visibles, mais aussi où le débat est constitué de personnes qui ne s’écoutent pas. Ici, il soulève deux valeurs fondamentales : la Liberté, soutenue par la Liberté d’Expression, et l’Égalité, soutenue par l’idée que le point de vue de chaque personne, peut importe son origine, peut-être entendu. Le Progressisme, c’est être capable d’allier la lutte pour la Liberté à celle pour l’Égalité. Oui car finalement, comment être libre si nous ne sommes pas égaux ? 

Article de Tifenn Genestier

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[Portraits de personnalités inspirantes : Thérèse Clerc]

Thérèse Clerc naît le 9 décembre 1927 dans une famille bourgeoise catholique très conservatrice de Bagnolet. Petite, elle voit ses voisins ouvriers adopter des orphelins de la guerre d’Espagne. Elle les voit aussi, quelques années plus tard, cacher des Juifs. 

Thérèse a grandi en suivant scrupuleusement les valeurs de ses parents, autrement dit : être la parfaite épouse et femme au foyer. Elle a fait des études, pour apprendre le métier de modiste et s’est mariée en 1941 à Claude, petit entrepreneur en nettoyage industriel. Ils aménagèrent ensemble dans un grand appartement, payé par ses parents. A ce moment de sa vie, Thérèse avait quatre enfants, et ne travaillait pas. Elle trouvait encore ça normal et elle ne se posait pas de question. 

Cependant, à l’église, elle fréquentait des prêtres-ouvriers, qui lui racontaient les horreurs de la guerre d’Algérie, le marxisme et la lutte de classes. Dans un discours où l’émancipation de l’homme est prééminente, Thérèse ne se reconnaissait pas : et la femme, dans tout ça ? Lorsque ces questions émergèrent dans son esprit, nous étions en Mai 1968. Alors, en cachette de son mari, elle participa à des réunions et des manifestations, où elle découvrit l’anticapitalisme, le féminisme, les notions de patriarcat, d’émancipation et même de plaisir sexuel. En fait, elle s’est rendue compte que les femmes n’étaient absolument pas libres. D’ailleurs, apprenant que la première cause de mortalité chez les françaises était l’avortement clandestin, elle s’engagea dans le mouvement pour la libération de l’avortement et la contraception. A 40 ans, Thérèse aimait ses enfants, mais son mari, lui, la désespérait. Elle passa alors son permis, trouva un emploi de vendeuse et demanda aussitôt le divorce. 

Dans son nouvel appartement à Montreuil, Thérèse pratiqua des avortements clandestins gratuitement et, plus au courant que n’importe qui sur les dangers de l’avortement, elle s’engagea pour la dépénalisation de ce dernier. En fait, Thérèse n’est jamais allée à l’Université. Mais, cela ne l’a pas empêchée de développer une importante culture civique et militante. A défaut d’apprendre dans les livres, elle a appris sur le terrain.

Quelques années plus tard, grand-mère célibataire ne roulant pas sur l’or, Thérèse a dû s’occuper de sa mère, malade. Cela la mena à une observation fondamentale : les femmes âgées étaient statistiquement plus isolées et plus pauvres que les hommes. Lui vint alors une idée : pourquoi ne pas créer une maison de retraite non médicalisée pour les femmes (et uniquement pour les femmes), où elles pourraient vivre et vieillir ensemble jusqu’au moment tant redouté de l’admission en maison de retraite médicalisée. Ainsi, la Maison de Babayagas naquit. C’était une résidence autogérée pour les femmes âgées, à faibles revenus, où chacune habite chez elle. Il n’y avait pas de personnel, pas de chambre médicalisée, mais une vingtaine d’appartements indépendants à faible loyer et des lieux de vie collectifs. Chacune devait donner dix heures de son temps hebdomadaire, les dépenses étaient mutualisées, et les conditions d’admission étaient uniquement l’âge (+ de 65 ans), le faible revenu et une expérience dans le domaine du militantisme et de l’associatif. Les Babayagas organisaient des déjeuners avec les riverains, des conférences, des débats, des sorties culturelles, l’Université du savoir des Vieux, et partaient même en colonie de vacances ensemble.

En 2003, Thérèse refusa qu’on lui remette la Légion d’Honneur, mais finit par l’accepter en 2008, en présence de Simone Veil. Elle a passé ses dernières années à se battre pour se faire entendre par les pouvoirs publics sur la précarité des femmes, à parler aux jeunes filles dans les lycées en les incitant à faire des études et en leur expliquant que leur corps leur appartient et qu’il n’est pas la propriété ni des hommes, ni de la société. Elle décéda le 16 février 2016, dans son appartement de Montreuil, entourée de ses enfants, pour qui elle a toujours voué un amour sans faille. 

Article de Tifenn Genestier.

Cet article n’engage que son auteure !

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[Pop culture detective : pour en finir avec un cinéma sexiste]

Pop culture detective 👀

Bien souvent, les adolescents et les enfants prennent exemple sur leurs héros d’Indiana Jones à Luke Skywalker en passant par The Big Bang theory 🔬. Or sans le savoir ces films et séries qui nous fascinent ou nous font rire véhiculent de nombreux schèmes sociaux, y compris les plus sexistes. 

Depuis 2016, l’américain Jonathan McIntosh a lancé la Pop Culture Detective Agency, une série Web sur youtube qui traite de la masculinité et du sexisme dans les films de la culture pop. En une trentaine de minutes, il décrypte réplique par réplique, scène par scène, une variété de films et de thèmes autour de la masculinité toxique. 

➥ La masculinité toxique 💪 ? Ce concept désigne les normes du comportement masculin ayant un impact négatif sur les hommes eux-mêmes et leurs relations. Selon ces normes, un homme ne pleure pas, n’a pas peur, ne craque pas. Tout au contraire, il montre qu’il est fort et protecteur. 

Dans chaque épisode, on retrouve un trope particulier traité comme Born Sexy Yesterday, celui de la jeune femme naïve mais sexy qui a besoin d’être guidée par un personnage charismatique. Dès lors que cette femme est trop expérimentée, elle fait peur aux hommes. C’est notamment le cas de Leeloo dans Le cinquième élément, le célèbre film de science-fiction réalisé en 1997 par Luc Besson. 

Sexual Assault of Men Played for Laughs (agression sexuelle masculine tournée à la comédie), stalking for love (espionnage par amour), predatory romance in Harrison Ford movies (la prédation sexuelle romancée dans les films d’Harrisson Ford), voici un extrait des thématiques traitées dans quelques unes de ses vidéos. Il apporte un angle de vue nouveau qui éclaire l’intégration lors de la socialisation primaire d’une hétéronormativité sexistee qui nous paraît naturelle. La prédation sexuelle ayant lieu, par exemple, dans des films dont ce n’est absolument pas le propos comme Star Wars entre Luke Skywalker et princesse Leia, comment s’en méfier… 

chaîne youtube : Pop culture detective (capture d’écran)

➥ Lien de la chaîne youtube : https://www.youtube.com/c/PopCultureDetectiveAgency/videos 

  • Jonathan McIntosh : un producteur engagé 📹

Le réalisateur de cette série est Jonathan McIntosh, un producteur, écrivain et critique culturel américain. Avant de réaliser cette série de vidéos, il a produit et coécrit la série de vidéos Tropes vs. Women in Video Games. Il est partisan de ce que l’on appelle la Culture remix, autrement dit la création d’œuvres à partir d’œuvres déjà existantes. 

En 2012, McIntosh s’engage en faveur de dérogations à la Digital Millennium Copyright Act devant le United States Copyright Office. Cette loi ayant pour objectif de criminaliser la production et la diffusion non autorisées de technologies, de dispositifs ou services relatifs aux œuvres protégées par les droits d’auteur. Finalement, et sa chaine en est le résultat, la réglementation finale permet l’utilisation de courts extraits cinématographiques à des fins de critique.

  • Culture mainstream et sexisme 🎬 

Après le mouvement #Metoo, l’oppression patriarcale à Hollywood, ayant lieu dans les coulisses comme sur scène, paraît au grand jour. Néanmoins il reste à déconstruire les vieux carcans d’un cinéma fait par des hommes pour des hommes — le male gaze — et qui véhiculent ce sexisme dans la culture populaire. Selon la doctorante Héloïse Michaud dans Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui : « Pour les féministes, la tâche est double : il faut lutter à la fois contre le patriarcat et réfuter les représentations négatives sur le féminisme, produites par l’hétéronormativité et retransmises par les médias et la culture populaire. » Une culture populaire qui a marqué les masses et les générations, autrement dit une culture mainstream contre laquelle s’élève la voix de nouveaux médias comme youtube.

L’UNESCO défend une position claire : la culture est un puissant allié pour réaliser l’égalité des genres et édifier des sociétés plus durables et inclusives. McIntosh passe donc par la culture et les nouveaux médias pour penser l’égalité des genres et déconstruire la culture mainstream imprégnée de sexisme. Il donne aussi des conseils aux hommes pour agir contre le sexisme et le harcèlement sexuel. Un combat féministe qu’il mène de front et dont on a besoin !

Si vous ne le connaissez pas encore n’hésitez pas à regarder de nouveau les plus grands classiques cinématographiques de votre enfance et adolescence grâce à l’œil vif du critique Jonathan McIntosh. À vous ensuite avec toutes ces clés de vous faire votre propre avis !

Cet article n’engage que son auteure !

Article de Mariette Boudgourd

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[Rubrique culturelle : à la découverte du Jardin des Tuileries et de ses statues]

Ce vendredi, la rubrique culturelle vous invite à redécouvrir le Jardin des Tuileries, un lieu historique et emblématique de la capitale. 

Le Jardin se situe dans le premier arrondissement de Paris, au cœur d’un quartier riche en histoire, puisqu’il est entouré du palais du Louvre (sud-est), de la rue de Rivoli (nord-est) et de la place de la Concorde (nord-ouest). Il s’étend sur 25,5 hectares, faisant de lui le plus important jardin à la française de la capitale. 

Le Jardin des Tuileries tient son nom d’anciennes tuileries  (fabriques de tuiles) qui se tenaient à l’endroit où fut édifié le palais des Tuileries en 1564. Catherine de Médicis commanda cette ancienne résidence royale et impériale, aujourd’hui disparue suite à un incendie durant la Commune de Paris en 1871. Actuellement, le jardin du Carrousel se situe en partie à l’emplacement de l’ancien palais des Tuileries. 

Le Jardin des Tuileries était ainsi à l’origine un jardin à l’italienne commandé par Catherine de Médicis en même temps que le palais. Un siècle plus tard, en 1664, Louis XIV et Jean-Baptiste Colbert souhaitent repenser le parc pour en faire un jardin à la française. La mission est confiée à André Le Nôtre, jardinier de Louis XIV, qui s’occupe de réaménager le lieu. 

Le Jardin a été témoin de nombreux événements historiques comme la prise des Tuileries du 10 août 1792 ou encore la Commune de Paris en 1871. Ce lieu de promenade et de culture accueille du public depuis plusieurs siècles. Celui-ci peut admirer les bassins et les nombreuses statues de maîtres dont le parc regorge. 

Depuis 1914, le Jardin des Tuileries est classé au titre des Monuments Historiques.

Partez à la découverte des richesses de ce jardin emblématique de Paris et de son histoire ! Le visiteur peut notamment découvrir des  statues, copies ou originales, de différentes époques. 

Des animaux, des personnages célèbres comme César, Périclès ou Spartacus, mythologiques comme Diane ou Hercule, ou encore des allégories telles « La Seine et la Marne » ou « L’Automne » : ce sont des dizaines de sculptures que vous pourrez découvrir ! 

Quelques exemples de statues à observer : 

La statue « L’Automne ou Vertumne », faite de marbre, se trouve près du bassin octogonal du parc. François Barois (1656-1726), sculpteur sous Louis XIV, l’a sculptée en 1696. Il s’agit aujourd’hui d’une copie de l’œuvre originale installée dans le Musée du Louvre depuis 1993.

La statue de marbre « Thésée combattant le Minotaure », sculptée entre 1821 et 1827, se situe à proximité du bassin rond. Elle est l’œuvre du sculpteur français Etienne-Jules Ramey (1796-1852). 

La statue en marbre, « Le serment de Spartacus » se trouve près du grand bassin rond. Elle a été sculptée par Louis-Ernest Barrias (1841-1905) en 1869-1871. Spartacus était un gladiateur thrace qui fut à l’origine de la plus importante rébellion d’esclaves contre la République romaine, entre 73 et 71 av. J.-C, appelée la troisième guerre servile. 

La statue d’Eve a été réalisée en 1881 par Auguste Rodin, l’un des plus importants sculpteurs français de la seconde moitié du XIXe siècle. Elle se trouve le long de l’Orangerie du Jardin des Tuileries, du côté nord. La statue « Le Baiser », du même artiste est également visible sur le côté droit du Jardin des Tuileries, face à l’Orangerie. Vous pouvez découvrir d’autres sculptures de Rodin au musée éponyme. Pour en savoir plus : http://unesco.sorbonneonu.fr/idee-sortie-le-musee-rodin/ .

( Les photographies sont issues du site Paristoric, où vous pouvez retrouver l’ensemble des statues du Jardin.)

Où : Jardin des Tuileries, 75001.

Accès libre. 

Comment s’y rendre

Métro : Tuileries (ligne 1)

Bus : 72, arrêt Tuileries

Cet article n’engage que son auteure. 

Article rédigé par Agathe Passerat de La Chapelle. 

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[Portraits de personnalités inspirantes : Malala Yousafzai]

Peut-être avez-vous déjà entendu son nom lié à un record mondial : Malala est la plus jeune personne à avoir jamais obtenu un prix Nobel de la paix. Elle avait alors 17 ans, et aujourd’hui elle lutte toujours pour la cause qui lui a permis d’obtenir cette haute distinction : l’éducation des filles.

    Quand Malala Yousafzai voit le jour, le 12 juillet 1997, sa naissance est perçue pour beaucoup de Pachtounes autour d’elle comme une mauvaise chose. Pour ce peuple dont elle fait partie, et qui habite dans la vallée du Swat au Pakistan, naître fille provoque une déception chez les parents. Mais pas pour ceux de Malala, qui tacheront toujours de l’élever comme égale aux hommes. C’est d’ailleurs au sein de la Kushal Public School  qu’elle va grandir. Cette école fondée par son père est un univers où apprendre est la norme, pour les filles comme pour les garçons, et sur un pied d’égalité. Malala est première de la classe, même si elle est en compétition avec sa meilleure amie pour avoir les meilleures notes, et elle prend aussi le temps d’aider les élèves qui ont le plus de difficultés.

    Alors, quand en 2007 le Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP), c’est-à-dire ceux qu’on appelle les talibans, envahissent la vallée du Swat et déclarent que les femmes ne doivent pas recevoir d’éducation, le message ne passe pas. Les écoles pour filles prennent feu une à une, sous les regards indignés de Malala et de sa famille. En acte de rébellion, pour lutter contre ces fermetures d’école, et sous l’impulsion de son père, Malala ouvre un blog pour la BBC. À 11 ans, sous le pseudonyme  “Gul Makai”, elle raconte donc sa vie de fille pakistanaise sous l’occupation talibane dans le  Journal d’une écolière pakistanaise

    Mais la pression des talibans se fait trop forte, et Malala et sa famille sont contraints de fuir leur région. Ils reviennent à Mingora, leur ville d’origine, quelques mois plus tard, une fois le TTP repoussé hors de leur région par l’armée pakistanaise. Malala est perçue comme une héroïne à son retour et son école prend même son nom. Mais la menace islamiste rôde toujours, et le 9 octobre 2012, son destin bascule définitivement. Elle se fait attaquer sur le chemin de l’école et reçoit une balle dans la tête. Malala est plongée dans le coma et évacuée en Angleterre avec sa famille. Son histoire provoque une vague de soutien mondial, et elle crée la même année le Fonds Malala pour continuer son combat à une échelle internationale. À peine est-elle sortie de l’hôpital, que le 12 juillet 2013, jour de ses 16 ans,  elle prononce un discours devant l’assemblée générale de l’ONU, où elle déclare notamment « [Les talibans] pensaient qu’une balle pourrait nous réduire au silence mais ils ont échoué […] et du silence sont sorties des milliers de voix. ». et « Les extrémistes ont peur des livres et des stylos. Le pouvoir de l’éducation les effraie.»  À l’occasion, le “Malala day” est créé par les Nations Unies : tous les 12 juillet seront l’occasion de célébrer le droit à l’éducation, et en particulier celui des filles. 

    Depuis ce jour, Malala Yousafzai est une icône féministe de la lutte pour l’éducation, et elle est consacrée en 2013 par le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit du Parlement européen, et par le prix Nobel de la paix en 2014.

    Malala Yousafzai écrit en 2013  le livre Moi, Malala je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans, en collaboration avec Christina Lamb, et est aujourd’hui, depuis 2020, diplômée de l’université d’Oxford. Comme sa famille, elle vit toujours en Angleterre et rêve d’un jour pouvoir retourner dans sa région natale dont elle est séparée depuis 2012 par les menaces qui planent sur sa vie.

Pour participer à son combat : https://malala.org/

Article de Cléa Brunaux.

Cet article n’engage que son auteure.

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[Chronique sur le patrimoine UNESCO en France : Bordeaux, port de la Lune]

Saviez-vous qu’après Paris, Bordeaux est la ville française qui compte le plus de bâtiments protégés par l’UNESCO ?

Et pour cause, en juin 2007, l’UNESCO décide de classer sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité les 1800 hectares de la ville de Bordeaux, un ensemble qui comprend la Garonne, la façade historique des quais et 347 bâtiments classés. Le secteur sauvegardé fait 150 hectares, il représente 40% de la superficie totale de la métropole !

Le « port de la Lune » que mentionne l’UNESCO lors de l’inscription de Bordeaux sur la liste du patrimoine mondial, est une nomination datant du Moyen-âge, qui met l’emphase sur le rôle prédominant de la ville dans les échanges commerciaux via la Garonne. Située sur un méandre de ce fleuve, Bordeaux est ouverte sur l’estuaire de la Gironde, qui amène vers l’Océan Atlantique. Ce méandre constitue un port naturel, dont la forme en croissant explique le nom de « port de la Lune ».

Bordeaux aerial panoramic view. Bordeaux is a port city on the Garonne river in Southwestern France

Depuis l’Antiquité sous l’Empire romain, la ville est active dans le commerce. Le port de la Lune est aménagé pour importer et exporter les nombreuses marchandises qui y affluent, parmi lesquelles le fameux vin qui fait la renommée de sa région. Bordeaux se développe au bord de la Garonne : des huttes romaines au Palais de l’Ombrière médiéval où nait Aliénor d’Aquitaine en 1122, la rive gauche est de plus en plus densément urbanisée. L’expansion de la ville commence réellement au XVème siècle, époque durant laquelle les échanges se font sur de plus longues distances grâce aux progrès de la navigation. De nombreux négociants affluent vers le port, ce qui aboutit logiquement à la création d’un quartier permettant de stocker les marchandises et de loger les acteurs de ce commerce : les Chartrons.

Le tournant pour le port de la Lune a lieu au XVIIème siècle, lorsque Bordeaux participe activement au commerce sucrier aux Antilles : il devient le premier port de France, et réalise deux cinquièmes du commerce national avec ces îles. C’est durant ce siècle, en 1685, que la ville envoie son premier navire négrier, lançant le processus d’un intense commerce d’esclaves jusqu’en 1826. Après avoir longtemps été accusée de passer sous silence ce passé négrier, la ville le reconnait aujourd’hui à travers des actions concrètes telles que le changement de noms de rues qui portaient les stigmates de ces crimes, ou encore la mise en place de salles consacrées à ce commerce au Musée d’Aquitaine.

C’est néanmoins durant cette période que Bordeaux se dote de ses plus beaux édifices, que nous pouvons encore contempler aujourd’hui. L’architecture actuelle est d’une homogénéité rare puisque ses monuments classiques et néoclassiques érigés durant la période des Lumières et à l’époque coloniale, sont encore nombreux. Ces bâtiments sont pour beaucoup le fait du marquis de Tourny, qui s’installe dans la ville en 1743 et qui entend exploiter son potentiel en favorisant son développement architectural, la ville étant selon ses dires « admirablement située ». Il fait détruire les remparts médiévaux, et aménage Bordeaux par la construction des places Gambetta, Victoire et de la Bourse, ou encore des portes Dijeaux et d’Aquitaine. C’est aussi le marquis de Tourny qui crée la façade des quais, uniformisant ces derniers dans un style classique. Ces travaux de grande ampleur façonnent une nouvelle ville sur le modèle versaillais, dont l’objectif est la recherche d’ordre et de symétrie.

Tourny contribue donc au rayonnement esthétique de la ville de Bordeaux, cette dernière regroupant également de multiples édifices classés. Pour citer deux des plus célèbres, situés dans le centre historique: le théâtre de Bordeaux, construit en 1780 par le maréchal de Richelieu, ou encore le Palais Rohan, actuelle mairie, construit pour le prince de Rohan en 1770, sont d’impressionnants monuments de style classique.

Si l’urbanisme et l’architecture de Bordeaux sont classés sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, c’est aussi parce-que le projet urbain de 1995 contribue nettement à l’embellissement de la métropole. Du nettoyage des façades à l’aménagement de la promenade sur les quais, en passant par la mise en place d’un tramway et les mises en lumière, Bordeaux est devenue une nouvelle ville, qui attire de plus en plus de touristes. Le fameux miroir d’eau devant la place de la Bourse sur les quais, le plus grand du monde, inauguré en 2006, ne fait que rehausser cette image positive.

Bordeaux, Eau, Centre-Ville, Urbanisme

Bordeaux, « ensemble urbain et architectural exceptionnel » selon l’UNESCO, peut ainsi bénéficier depuis 2007 d’une attention particulière pour sa préservation de la part des acteurs patrimoniaux.

Article de Manon Etourneau

Cet article n’engage que son auteure.

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[UNESCO, Culture et Diplomatie]

Le monde de la culture est mis à l’épreuve avec la crise du coronavirus. Dans un grand nombre de pays, les musées et les cinémas sont fermés, les expositions reportées, les tournages modifiés. La pandémie mondiale nous aura montré à quel point un secteur nous paraissant mineur en 2020 est en réalité d’une importance cruciale, tant pour l’économie que pour notre bien-être psychologique. 

Mais cette crise nous a également montré la fragilité des relations que les pays du globe peuvent entretenir. Entre protectionnisme, xénophobie et course au vaccin, les États tentent de rester soudés, mais sont de moins en moins d’accord sur les procédures à suivre. La diplomatie sous toutes ses formes, étatique comme culturelle, est à l’épreuve. Pourtant, des organisations mondiales, comme l’Organisation des Nations Unies, font de cette diplomatie culturelle une priorité, notamment avec l’UNESCO.

Qu’est ce que la diplomatie culturelle ? 

La diplomatie est généralement définie comme la conduite de négociations entre les différents États, entre les différentes nations ou entre les personnes d’une manière non violente. On parle de diplomatie étatique car les acteurs majeurs ici sont les États, et plus spécifiquement les élus et diplomates des États concernés. C’est la mise en œuvre des politiques internationales des États.  

La diplomatie culturelle, elle, est une évolution de la diplomatie étatique. Elle mise sur l’influence plus que sur des actions politiques. Joseph Nye, à la fin des années 1990, a théorisé les notions de Hard et de Soft Power. Selon lui, le Soft power, s’apparentant à la diplomatie publique et culturelle, est tout aussi important que la diplomatie traditionnelle car il vise à dépasser le cadre étatique pour mettre en avant de nouveaux acteurs sur la scène internationale et diplomatique en marche vers la paix : individus, groupes, associations, collectivités, institutions, musées, théâtres contribuent aujourd’hui à l’élaboration d’une diplomatie parallèle, directe, qui se passe de l’intermédiaire des États.

L’objectif de la diplomatie culturelle est alors l’échange des points de vue, l’amélioration de la connaissance des autres cultures, la comparaison des façons de faire à travers le monde ; tout cela afin d’aplanir les différends que la diplomatie classique ne parvient pas à résoudre. Elle vise in fine à encourager une vision positive de la diversité culturelle, conçue comme une source d’innovation, de dialogue et de paix.

L’UNESCO et la diplomatie culturelle

Lorsque l’UNESCO a été constitué à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il fut noté dans son acte constitutif « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ». Comprenant que le Hard Power ne pouvait pas seul maintenir la paix, les fondateurs de l’organisation des Nations Unies et plus spécifiquement de l’UNESCO ont voulu mettre la culture au centre de leurs actions pour pacifier les esprits en promouvant le dialogue et les échanges dans des domaines tels que la culture, les sciences ou encore l’éducation. Les conventions mises en place par l’UNESCO dans le domaine culturel sont des instruments juridiques et normatifs uniques qui vont ainsi réglementer différents aspects de la culture comme la protection du patrimoine matériel et immatériel, la promotion et la diversité culturelle et l’interdiction du transfert illicite de biens culturels.  

Au-delà de la dimension bilatérale qu’un État peut avoir avec l’UNESCO, nous devons mentionner un fait important de la diplomatie culturelle, et plus généralement de la diplomatie traditionnelle : le multilatéralisme. Le fait que l’UNESCO soit une enceinte multilatérale donne la possibilité aux acteurs de coopérer avec d’autres pays du monde. Mais, ce multilatéralisme, essence même de l’Organisation, peut être critiqué : ce fut le cas par les États Unis en 1984 lorsque les politiques onusiennes paraissaient trop communistes. Ces derniers avaient d’ailleurs quitté l’Organisation. Ce fut également le cas en 2018, lorsqu’ils quittèrent l’UNESCO avec Israël, jugeant ses politiques anti-israéliennes. 

Pourtant, ce multilatéralisme – déplaisant aux Américains – a été réaffirmé le 11 novembre 2018 lors du Forum pour la Paix, par le Secrétaire général des Nations unis, Antonio Guterres. Pour l’UNESCO, ces mésententes et ruptures avec les américains ont de réelles conséquences, notamment sur le budget (la contribution américaine s’élève à 22% du budget, soit environ 70 millions de dollars). 

Nous voyons donc que l’UNESCO tout comme l’Organisation des Nations Unies, qui œuvrent pour la paix, ne sont pas à l’abri de nombreuses difficultés, qu’elles soient d’ordre politique ou financière. La diplomatie culturelle, comme l’entend l’institution onusienne, s’est largement développée durant ces 4 dernières décennies, devenant un mécanisme clé des dialogues entre les États et entre les institutions. Cependant, chaque État lui donne l’importance qu’il souhaite, et la problématique de la diplomatie publique est alors la complexité de sa mise à l’agenda politique. En effet, elle exige – à la différence de la diplomatie digitale par exemple – une action extérieure concrète, avec des politiques publiques, des partenariats coûteux et un budget conséquent. Certains pays font de la diplomatie culturelle un objectif assumé : c’est le cas de la Chine ou du Japon, qui contribuent à 26,22% du budget de l’UNESCO pour l’année 2018/2019. D’autres s’en servent également, mais pas par le prisme d’organisations internationales. C’est le cas notamment de la Corée du Sud, dont l’économie tout entière est tournée vers la diplomatie publique et culturelle. 

Article de Tifenn Genestier

Cet article n’engage que son auteure.

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[Rubrique culturelle : 4 documentaires pour un regard éclairé sur la société]

Alors que – on l’espère tous – les lieux de culture vont bientôt rouvrir, aujourd’hui, nous revenons avec quatre documentaires à voir absolument pour mieux comprendre les débats actuels et le monde qui nous entoure : les réseaux sociaux, la fast-fashion, la méritocratie, les fake news et le féminisme, voilà des sujets redondants aux informations. Pourtant, même si beaucoup d’entre nous ont entendu parler de ces causes à maintes reprises, nous sommes également nombreux à ne s’y être jamais vraiment intéressé. L’Unesco pourtant, agit sur ces sujets, et c’est pourquoi nous les avons choisis. 

Alors aujourd’hui, pour l’une de ces dernières chroniques confinées du vendredi (oui, il faut être optimistes), nous vous recommandons de regarder cinq documentaires, sur Netflix ou Youtube !

Netflix : Derrière nos écrans de fumée

Vous ne comprenez pas pourquoi dès que vous allez sur un site de vêtements, les derniers articles consultés se retrouvent en publicité dans votre fil d’actualité Facebook ou Instagram ? Pourquoi Snapchat vous envoie des notifications tous les jours pour visionner les stories de vos contacts alors que vous n’allez quasiment jamais sur l’application ? Pourquoi les réseaux sociaux prennent-ils autant de place dans votre vie, et quels sont leurs effets à l’échelle de la société et du monde ?

Parce que je suis persuadée qu’il faut d’abord connaître pour ensuite choisir de consommer (ou non), je vous conseille vivement de regarder ce documentaire qui vous expliquera le cheminement intellectuel des inventeurs de ces plateformes qui, dans un élan de cyber-optimistes, ont vu leur inventions comme de nouveaux moyens d’accès à la démocratie. Alors, on y découvre que les réseaux sociaux sont capables de développer chez nous le meilleur comme le pire, en s’attachant à nous analyser – nous et nos pratiques – et à nous orienter vers ce qui nous conviendrait le plus. Dont le but, bien évidemment, étant de vendre la marchandise (nous), à leur clients (les entreprises qui font appel à leurs services pour diffuser de la publicité). 

Si vous êtes intéressés par ces questions, voir aussi The Great Hack : l’Affaire Cambridge Analytica

Youtube (Arte) : La fabrique de l’ignorance

Qui n’a jamais lu une étude qui incriminait une marque sur ses effets nocifs pour la santé ou pour l’environnement et quelques mois plus tard qui lisait une nouvelle étude qui démontrait l’inverse ? Avions-nous lu d’où provenaient ces études ? Qui les avait commandées ? La Fabrique de l’ignorance, c’est un documentaire qui prouve que les entreprises instrumentalisent la science pour réfuter leur impact nocif dans certains domaines. En prenant l’exemple des pesticides qui tuent les abeilles, l’exemple de l’industrie du tabac ou encore celui des produits cancérigènes de Monsanto, ce documentaire a pour objectif de mettre au premier plan une nouvelle forme de science, la science de la désinformation, qui, démultipliée par les réseaux sociaux, retarde les décisions politiques et sème le doute dans nos esprits. L’Unesco a pour mission de favoriser l’accès aux sciences, mais quand les sciences sont corrompues, comment faire ? 

Netflix : Varsity Blues : Le scandale des admissions universitaires

L’Unesco est engagé pour que l’accès à la culture soit l’affaire de tous, et pour que chacun ait le droit de s’éduquer, ou d’aller à l’école. Mais, là aussi, comment faire quand le système universitaire, déjà ultra-élitiste aux Etats Unis, se trouve être corrompu de l’intérieur – et par conséquent favorise certains au détriment d’autres, pour de l’argent ? L’Affaire Varsity Blues, c’est le scandale qui a conduit au tribunal des personnalités mondialement connues, comme Felicity Huffman ou Lori Loughlin. En effet, ces parents avaient payé Rick Singer, gérant d’une entreprise de conseil pour se préparer le mieux possible à l’entrée à l’Université, pour faciliter l’admission de leurs enfants dans des écoles prestigieuses. Au-delà du scandale, ce documentaire est très intéressant, se présentant sous l’angle du film-documentaire, avec des acteurs jouant le rôle des protagonistes de l’affaire. En plus de cela, les répliques sont issus de réelles conversations enregistrées par le FBI, ce qui nous permet d’avoir une marge d’interprétation sur les motivations qu’avaient ces parents. Et enfin, et c’est pour moi le plus important, ce film se place dans un questionnement plus global qui porte sur l’accès à l’éducation des enfants déjà issus de classes largement privilégiées, et de ce besoin d’avoir toujours plus, de cette injustice pour leurs camarades refoulés aux portes de leur rêve ; mais aussi de la pression que la société impose à ces enfants, tout justes jeunes adultes, qui commencent leur vie en étant persuadés que leur valeur de dépend que du nom de l’école dans laquelle ils ont fait leurs études supérieures. 

Youtube (Arte) : Fast fashion – Les dessous de la mode à bas prix

En l’espace de 70 ans, nous sommes passés d’un budget de 30% des foyers pour les vêtements à 5% maintenant. Pourtant, ce marché ne cesse de grossir, dû à la pression démographique qui s’accentue et au développement de la société de consommation. Pour expliquer cette diminution des budgets et ce paradoxal développement du marché, il faut alors s’intéresser à la fast fashion, mouvement économique mais aussi social et sociétal qui a amené la mode – anciennement symbole de la dictature des classes – à devenir jetable et dévastatrice. Dévastatrice pour l’environnement. Dévastatrice pour notre santé. Dévastatrice au regard des droits de l’Homme, du producteur au livreur. 

Article de Tifenn Genestier

Cet article n’engage que son auteure.

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[Portraits de personnalités inspirantes : Christine Delphy]

Pour ce nouveau portrait de personnalités inspirantes, nous nous focaliserons aujourd’hui sur Christine Delphy, sociologue et militante féministe qui a énormément contribué à la recherche dans les études de genre, et qui paradoxalement est moins connue par le grand public que Simone de Beauvoir. 

Née en 1941, elle est chercheuse au CNRS depuis 1981 principalement dans le domaine des études de genre et du féminisme. Elle fait partie du courant de féminisme matérialiste, qui utilise des outils théoriques issus du marxisme pour conceptualiser le patriarcat. Pour elle, et c’était presque précurseur à cette époque, l’inégalité entre les femmes et les hommes et le patriarcat n’est pas dû à des différences biologiques entre les individus, mais à la construction de la société. Prenons l’exemple “les femmes sont considérées comme plus émotives que les hommes”. A cela, Christine Delphy répond que cette émotivité n’est pas ancrée dans les gènes de la femme, mais bien parce que dès son enfance, on lui a appris qu’une femme se devait d’exprimer ses émotions, à la différence des garçons. La lutte des genres, pour elle, s’associe aux mêmes combats que la lutte des classes, et c’est en cela que cette approche féministe est révolutionnaire. 

Issue d’une famille appartenant à la petite bourgeoisie (ses parents étant tous deux pharmaciens), Christine Delphy a toujours été encouragée à faire des études. Et c’est très tôt dans son enfance qu’elle a commencé à se poser des questions sur l’égalité des sexes. Dans un entretien que l’on peut retrouver sur France Culture, elle explique qu’elle ne comprenais pas pourquoi, quand ses parents rentraient pour manger les midi, sa mère s’attelait à la préparation du repas, puis à la vaisselle, pendant que son père s’asseyait dans le canapé. Et pourtant, selon elle, elle n’avait pas ce modèle patriarcal si présent dans certaines familles, car sa mère travaillait autant que son père, et exerçait le même métier. 

La recherche

Après avoir étudié à la Sorbonne, puis aux Etats Unis (Chicago et Berkeley), elle obtient sa thèse en 1968 à l’Université du Québec à Montréal. Dans les années 70 pour sa thèse, elle échange avec Pierre Bourdieu pour lui demander de travailler sur l’oppression des femmes, mais ce dernier l’encourage à faire une sociologie du patrimoine. Elle est donc irritée, d’autant plus qu’elle est militante, membre d’un mouvement dans lequel l’un des hommes lui explique que l’oppression des femmes n’est pas aussi importante que l’oppression des ouvriers car les femmes sont certes opprimées, mais pas exploitées comme les prolétaires le sontt. Elle se met donc à travailler sur cette question du patrimoine et elle découvre qu’il y avait toute une partie de la production économique qui ne rentre pas dans le marché économique mais qui était une production qui se fait à la maison (les femmes s’occupent des enfants, font à manger et le ménage, ce qui ne rentre pas dans le système marchand mais pourtant, il y a bien une production). 

L’engagement

Christine Delphy est aussi engagée. En effet, tout au long de sa vie, elle publie dans de nombreuses revues, qu’elles soient françaises, américaines ou britanniques ; pour des articles tantôt scientifiques, tantôt militants. En 1968, elle participe à la création du Mouvement pour la libération des femmes et en 1977, elle participe également à la fondation de la revue Questions féministes, qui est la première revue francophone d’études féministes. Dans cette lignée, en 1980, elle cofonde Nouvelles Questions Féministes, qui est toujours publiée en 2021. Ces deux revues introduisent, notamment, le courant intellectuel du féminisme matérialiste et le concept de genre. Les deux revues sont d’ailleurs fondées avec le soutien de Simone de Beauvoir, qui en est directrice de publication jusqu’à son décès, en 1986.

Mais l’engagement de Christine Delphy ne s’arrête pas là. En 2003, lors de la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques, elle se mobilise par exemple contre l’islamophobie et refuse l’instrumentalisme du féminisme pour servir cette cause. Pour elle, il faut mettre sur « le même plan le droit de porter le foulard autant que le droit de ne pas le porter ».

Si le parcours de Christine Delphy vous intéresse, nous ne pouvons que vous conseiller d’écouter sa série de 5 entretiens sur France Culture :    https://www.franceculture.fr/emissions/series/christine-delphy.

Mais, vous pouvez également consulter son blog sur lequel elle partage ses réflexions : https://christinedelphy.wordpress.com.

Article de Tifenn Genestier

Cet article n’engage que son auteure.

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