[Portraits de personnalités inspirantes : Christine Delphy]

Pour ce nouveau portrait de personnalités inspirantes, nous nous focaliserons aujourd’hui sur Christine Delphy, sociologue et militante féministe qui a énormément contribué à la recherche dans les études de genre, et qui paradoxalement est moins connue par le grand public que Simone de Beauvoir. 

Née en 1941, elle est chercheuse au CNRS depuis 1981 principalement dans le domaine des études de genre et du féminisme. Elle fait partie du courant de féminisme matérialiste, qui utilise des outils théoriques issus du marxisme pour conceptualiser le patriarcat. Pour elle, et c’était presque précurseur à cette époque, l’inégalité entre les femmes et les hommes et le patriarcat n’est pas dû à des différences biologiques entre les individus, mais à la construction de la société. Prenons l’exemple “les femmes sont considérées comme plus émotives que les hommes”. A cela, Christine Delphy répond que cette émotivité n’est pas ancrée dans les gènes de la femme, mais bien parce que dès son enfance, on lui a appris qu’une femme se devait d’exprimer ses émotions, à la différence des garçons. La lutte des genres, pour elle, s’associe aux mêmes combats que la lutte des classes, et c’est en cela que cette approche féministe est révolutionnaire. 

Issue d’une famille appartenant à la petite bourgeoisie (ses parents étant tous deux pharmaciens), Christine Delphy a toujours été encouragée à faire des études. Et c’est très tôt dans son enfance qu’elle a commencé à se poser des questions sur l’égalité des sexes. Dans un entretien que l’on peut retrouver sur France Culture, elle explique qu’elle ne comprenais pas pourquoi, quand ses parents rentraient pour manger les midi, sa mère s’attelait à la préparation du repas, puis à la vaisselle, pendant que son père s’asseyait dans le canapé. Et pourtant, selon elle, elle n’avait pas ce modèle patriarcal si présent dans certaines familles, car sa mère travaillait autant que son père, et exerçait le même métier. 

La recherche

Après avoir étudié à la Sorbonne, puis aux Etats Unis (Chicago et Berkeley), elle obtient sa thèse en 1968 à l’Université du Québec à Montréal. Dans les années 70 pour sa thèse, elle échange avec Pierre Bourdieu pour lui demander de travailler sur l’oppression des femmes, mais ce dernier l’encourage à faire une sociologie du patrimoine. Elle est donc irritée, d’autant plus qu’elle est militante, membre d’un mouvement dans lequel l’un des hommes lui explique que l’oppression des femmes n’est pas aussi importante que l’oppression des ouvriers car les femmes sont certes opprimées, mais pas exploitées comme les prolétaires le sontt. Elle se met donc à travailler sur cette question du patrimoine et elle découvre qu’il y avait toute une partie de la production économique qui ne rentre pas dans le marché économique mais qui était une production qui se fait à la maison (les femmes s’occupent des enfants, font à manger et le ménage, ce qui ne rentre pas dans le système marchand mais pourtant, il y a bien une production). 

L’engagement

Christine Delphy est aussi engagée. En effet, tout au long de sa vie, elle publie dans de nombreuses revues, qu’elles soient françaises, américaines ou britanniques ; pour des articles tantôt scientifiques, tantôt militants. En 1968, elle participe à la création du Mouvement pour la libération des femmes et en 1977, elle participe également à la fondation de la revue Questions féministes, qui est la première revue francophone d’études féministes. Dans cette lignée, en 1980, elle cofonde Nouvelles Questions Féministes, qui est toujours publiée en 2021. Ces deux revues introduisent, notamment, le courant intellectuel du féminisme matérialiste et le concept de genre. Les deux revues sont d’ailleurs fondées avec le soutien de Simone de Beauvoir, qui en est directrice de publication jusqu’à son décès, en 1986.

Mais l’engagement de Christine Delphy ne s’arrête pas là. En 2003, lors de la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques, elle se mobilise par exemple contre l’islamophobie et refuse l’instrumentalisme du féminisme pour servir cette cause. Pour elle, il faut mettre sur « le même plan le droit de porter le foulard autant que le droit de ne pas le porter ».

Si le parcours de Christine Delphy vous intéresse, nous ne pouvons que vous conseiller d’écouter sa série de 5 entretiens sur France Culture :    https://www.franceculture.fr/emissions/series/christine-delphy.

Mais, vous pouvez également consulter son blog sur lequel elle partage ses réflexions : https://christinedelphy.wordpress.com.

Article de Tifenn Genestier

Cet article n’engage que son auteure.

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[L’inscription de la pizza napolitaine au patrimoine mondial de l’UNESCO: à la découverte de son histoire et de ses caractéristiques]

En 2019, une étude de l’Institut YouGov a révélé que la gastronomie italienne était la plus populaire au monde. Cette internationalisation a été faite en grande partie grâce à l’immigration italienne du XXème siècle par laquelle les immigrés ont su exporter avec succès leurs spécialités (comme on peut le voir dans le quartier de Little Italy à New York). La fraicheur et l’accessibilité de ses produits ainsi que ses recettes simples et gourmandes sont également une des raisons principales du succès de la gastronomie italienne.

Les ingrédients savoureux et accessibles de la gastronomie italienne ont fondé son succès

Si les spécialités culinaires italiennes sont nombreuses, c’est souvent la pizza qui nous vient en tête lorsque l’on nous évoque cette gastronomie : la France est d’ailleurs le 2ème plus gros pays consommateur de pizzas après les Etats-Unis! Tant dans ses recettes que dans sa pâte, la pizza est très variée. En Italie, il existe surtout deux types de pizzas: la pizza dite romaine, avec une pâte fine et croustillante, et la pizza napolitaine avec une pâte plus moelleuse et aérienne.

La pizza napolitaine est très répandue: c’est souvent celle qui est servie dans les restaurants italiens. Comme son nom l’indique, elle est originaire de la ville de Naples, située au sud de l’Italie. La pizza napolitaine est une telle institution qu’elle est entrée au Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO le 7 décembre 2017. Par ce classement, il s’agit autant de valoriser la recette de la pizza en tant que telle que l’art du pizzaiolo.

La ville de Naples, entourée du Vésuve et de la mer Méditerannée

Mais pourquoi vouloir classer la pizza napolitaine? La réponse peut paraître étrange mais c’est à cause de sa notoriété. En effet l’exportation de la pizza napolitaine à l’international a réinventé ce plat au point de parfois ne plus le reconnaître. C’est le cas de la pizza dite « chicago », très populaire aux Etats-Unis avec une pâte épaisse et des ingrédients gras, ou de la pizza à l’ananas. Les pizzaiolos italiens revendiquent le classement de la pizza napolitaine afin de pouvoir instaurer une protection et un classement de cette recette pour qu’elle ne soit pas dénaturée et demeure respectée pour la postérité.

Cette volonté de protection avait déjà été instauré dès la fin du XXème siècle avec la création de l’association Verace pizza napoletana par Antonio Pace au début des années 1980. La mission de cette association est de promouvoir et protéger la pizza napolitaine dans l’Italie et le monde par l’obtention du label « Vera Pizza Napoletana » appliquée depuis 1984. En plus de son classement au Patrimoine mondial de l’UNESCO et de sa protection par le label « Vera Pizza Napoletana », la pizza napolitaine est également protégée au niveau européen depuis 2008 par la dénomination « Spécialité Traditionnelle Garantie » (STG).

Image choquante d’une pizza style chicago à la pâte très épaisse et garnie de crevette.

Par ce classement l’UNESCO reconnait donc l’art du pizzaiolo qu’il classe en trois catégories:

  • Le maître pizzaiolo: celui qui prépare la pizza. Il est considéré comme un « gardien de la tradition » et transmet la technique et la recette de la pâte napolitaine.
  • L’apprenti pizzaiolo: celui qui seconde le maître et bénéficie de ses secrets.
  • Le fornaio: dit « l’enfourneur », celui qui façonne la pâte en disque et la fait cuire.
  • Histoire de la Pizza napolitaine

La pizza napoletana non ha inventori, non ha padri, non ha padroni, ma è il frutto della genialità del popolo napoletano (La pizza napoletana n’a pas d’inventeurs, ni pères et ni patrons, mais est le fruit de l’ingéniosité du peuple napolitain)

Les historiens Antonio et Donatella Mattozzi ont réuni l’ensemble des facteurs expliquant pourquoi cette pizza serait historiquement née à Naples:

  • La concentration et l’effusion de la ville de Naples a contribué à sa diffusion.
  • Depuis le XVIème siècle la farine était utilisée dans la région.
  • La ville de Naples avait une demande en main d’oeuvre très forte et était la ville la plus peuplée d’Europe au XVIème siècle.
  • Naples était également une ville très pauvre et les habitants avaient besoin d’un plat peu cher et nourrissant comme la pizza.

La première pizzeria aurait également été crée à Naples en 1738: il s’agit du restaurant l’Antica Pizzeria Port’Alba qui est toujours en activité aujourd’hui. C’est également la première pizzeria à avoir installée des tables pour déguster des pizzas puisque auparavant les clients mangeaient leurs pizzas debout dans la rue ou adossés au restaurant. Pour que cela soit pratique ils la mangeaient selon la manière a libretto, c’est à dire pliée sur elle même.

C’est avec la venue de la reine Marguerite de Savoie à Naples en 1889 que la pizza napolitaine va réellement s’exporter dans toute l’Italie. Lors de ce voyage le chef Rafaelle Esposito lui aurait demandé: « Majesté, permettez que cette pizza porte votre nom » et aurait crée spécialement pour elle la fameuse Pizza Marguerita aux couleurs de l’Italie. L’exportation de la pizza napolitaine s’intensifiera par la suite avec l’émigration de l’Italie du Sud vers l’Italie du Nord et de celle des italiens vers d’autres pays comme les Etats-Unis lors du XXème siècle.

La pizza Marguerita crée en 1889 par Raffaelle Esposito en hommage à la Reine Marguerite de Savoie et aux couleurs de l’Italie: la mozzarella pour le blanc, les tomates pour le rouge et le basilic pour le vert.
  • Les caractéristiques de la Pizza napolitaine

La pizza napolitaine a plusieurs critères très précis qui sont utiles pour la reconnaître:

  • A l’aspect: son diamètre ne doit pas dépasser les 35cm, sa croûte doit être dorée avec 1 à 2 cm d’épaisseur et sa partie centrale doit avoir une épaisseur de 0,4 cm.
  • Au toucher : elle doit être tendre au toucher et facile à plier sur elle-même (à la manière de a libretto)
  • Au goût: les goûts doivent être équilibrés entre l’acidulé, la douceur, le fruité et l’herbacé. La croûte doit avoir le goût du pain qui sort du four.

La pizza napolitaine est également caractérisée par son mode de cuisson: elle est cuite dans un four dit napolitain, qui a une forme de coupole et est alimenté en bois (aujourd’hui on utilise du gaz ou de l’éléctricité).

Le fameux four en coupole dit four napolitain.

Pour en découvrir davantage sur la pizza napolitaine et sa réalisation, vous pouvez visionner cette vidéo produite dans le cadre de la série-documentaire « Le Goût du voyage » sur Naples: https://www.youtube.com/watch?v=Ml6FwF2JUes

Et pour manger une vraie pizza napolitaine à Paris, rendez-vous à la Pizzeria Guillaume Grasso au 45 Rue Brancion, 75015 Paris. Ses pizzas possèdent la certification Vera Pizza Napoletana et il est classé depuis 2019 dans les 50 meilleures pizzerias européennes. Pour en découvrir plus c’est juste ici: https://www.guillaume-grasso.com/

Sources:

Article écrit par Marina Deynat

Cet article n’engage que son auteur.e

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[Portraits de personnalités inspirantes : Michel Foucault]

« Rien n’est certes moins utopique que le corps lui-même, à ceci près que nul ne l’est plus que lui aussi, que c’est de lui que sont nées et nous sont venues toutes les utopies. »

C’est précisément cet extrait de la conférence « Le corps utopique » de Michel Foucault conté par lui qui a suscité mon admiration avant même de le lire. Laissez-moi vous dépeindre le portrait de ce célèbre philosophe qui a transformé le champ historique, philosophique et franchit les frontières entre la médecine et la culture. 

Michel Foucault est un philosophe né en 1926 engagé intellectuellement sur les questions de pouvoir et de discours sur les choses. En 1961, il soutient une thèse Folie et déraison : Histoire de la folie à l’âge classique. Une thèse qui initiera ses recherches sur la psychiatrisation et la déviance, des normes dictées par les institutions comme la prison ou l’hôpital psychiatrique. 

Licenses Creative Commons :https://arc-culture.be/blog/thematique/culture-et-societe/ 

À partir de 1970 à l’apogée de sa carrière universitaire Michel Foucault tient la chaire « Histoire des systèmes de pensée ». En dehors de ça, Foucault participe de l’histoire des savoirs, ce qu’il appelle l’épistémologie et de la déconstruction des pensées essentialistes notamment sur la sexualité. Son travail a un impact dans le débat public et intellectuel où il intervient politiquement. Dans les années 1970, d’extrême gauche il s’engage pour l’amélioration des conditions dans les prisons en fondant le Groupe d’information sur les prisons. D’autre part il s’engage aussi avec Jean-Paul Sartre qui l’influence dans le soutien des travailleurs immigrés. Mort du Sida parmi les premiers en France, son compagnon Daniel Defert créé en 1984 la fameuse association AIDES en son honneur. 

Un engagement social qui est intrinsèquement lié à ses recherches notamment sur la biopolitique (cf. cours Naissance de la biopolitique de 1978-1979). La biopolitique est une forme de pouvoir exercée par les institutions sur les corps et les individus autrement dit un biopouvoir. Celui-ci conformant ainsi les techniques du corps et les comportements psychologiques. Des travaux qu’il applique notamment à l’histoire de la sexualité (L’histoire de la sexualité, 1976, 3 tomes), qui transforme les champs de savoirs notamment en histoire du genre.

Issu du structuralisme, il incarne le mouvement post-structuraliste qui cherche à déconstruire certains grands schèmes sociaux-historiques. Une figure marquante au sein du champ universitaire, au point qu’il serait selon The Times Higher Education Guide de 2009 l’auteur le plus cité en sciences humaines dans le monde. Il fait le pont entre les disciplines et les champs de savoirs scientifiques en médecine et les sciences humaines et sociales. Une lecture non essentialiste qui montre comment les discours normatifs scientifiques, culturels notamment artistiques ont un impact sur les individus. Une révolution intellectuelle qui se joue en même temps dans le monde anglo-saxon qui a joué sur l’éducation des générations suivantes ouvertes à la déconstruction des pensées biologisantes : Comment se sont distingués les genres ? les fous des équilibrés ? les handicapés des valides ? 

Ainsi par exemple dans cette conférence « le corps utopique » de 1966 il interroge ce rapport au corps avant même la libération sexuelle il invite à faire corps avec celui-ci. Le corps serait à la fois ce qu’il y a de moins utopique dans sa matérialité, sa trivialité en même temps qu’il nourrit des utopies de dépassement de la chair et ses défis. Reprendre le pouvoir c’est défier les limites du corps, l’agrandir dans la parure, la danse mais surtout en faisant l’amour. Le désir et les relations sexuelles permettant d’utopiser le corps en dépassant son enveloppe, parcourant ses zones d’ombres. 

Un regard intime sublimant le corps de chacun qui l’écoute, je vous recommande d’écouter cette conférence enregistrée pour saisir le génie de Foucault. 

Les analyses foucaldiennes sont à lire et à relire notamment en des temps comme ceux que l’on traverse où la médecine et les discours sanitaires ont autant de poids sur nos quotidiens.

À écouter 👂: 

Conférence radio France Culture, 11 décembre 1966 –  © INA – Institut national de l’audiovisuel, 1966 :  📻  https://www.youtube.com/watch?v=NSNkxvGlUNY 

Les échos de Foucault aujourd’hui à aller voir : 

À lire 👀 : 

Sélection d’ouvrages de Foucault :  📖

Article de Mariette Boudgourd

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[Rubrique culturelle : série documentaire « Tableaux de voyages – sur les traces des grands peintres »]

Les lieux culturels sont toujours fermés et nous voilà de nouveau chez nous. Mais n’ayez crainte, la culture peut venir jusqu’à vous !

Venez vous familiariser avec l’histoire de la peinture, des peintres et de lieux mythiques capturés par les peintres à travers des toiles extraordinaires.

 Montagne Sainte-Victoire, tableau de Paul Cézanne, 1888–1890. (Collection privée).

L’aventure est ponctuée par des rencontres avec des spécialistes qui nous livrent secrets et anecdotes sur les paysages et les artistes, ainsi qu’avec des habitants de chaque lieu perpétuant l’héritage des peintres. Une mine de connaissances ! 

Épisode 1 : Rügen et Caspar David Friedrich. 

Épisode 2 : La Provence et Cézanne.

Épisode 3 : L’Angleterre du Nord et Turner.

Épisode 4 : Barcelone et Picasso.

Épisode 5 : Venise et Le Titien. 

Cette série documentaire est une véritable invitation à voyager depuis chez soi ou même à préparer de futurs voyages ! Découvrez des paysages à l’atmosphère si particulière ayant inspirés de grandes figures de la peinture.

Disponible en ligne (sur le site d’ARTE) et gratuitement jusqu’au 14 avril (voire 20 avril, cela dépend des épisodes) 2021 : alors à vos écrans pour un moment d’évasion ! 

Lien :

https://www.arte.tv/fr/videos/RC-016324/tableaux-de-voyage/

Cet article n’engage que son auteure !

Ecrit par Agathe Passerat de La Chapelle. 

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[Chronique sur le patrimoine Unesco en France : le Bassin minier du Nord-Pas de Calais]

Le Bassin minier du Nord-Pas de Calais désigne un site de 120 000 hectares, classé en 2012 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Il regroupe 109 biens individuels qui ont trait à l’histoire de l’extraction du charbon : des fosses (la plus vieille date de 1850), des infrastructures de transport de la houille, des gares ferroviaires, des corons… 

Le site donne à voir un paysage façonné, durant trois siècles (XVIIIe au XXe siècle), par l’extraction du charbon et tout ce qui y est associé, comme le note l’UNESCO : 

  • une architecture particulière et un urbanisme spécifique avec les corons ou les cités-jardins,     
  • l’histoire de l’Europe industrielle,
  • des « éléments physiques et géographiques » caractéristiques (terrils, terres agricoles…), 
  • des « vestiges des équipements de transports » (chemins de fer…)
  • du « patrimoine industriel minier » avec par exemple les bâtiments industriels résiduels 
  • ou encore des  « éléments monumentaux et architecturaux témoins de la vie sociale » (églises, châteaux des dirigeants, sièges sociaux des compagnies…). 

Le site illustre les conditions de vie difficiles des mineurs ainsi que la dangerosité du travail de la mine. Il témoigne également de «la diffusion des idéaux du syndicalisme ouvrier et du socialisme». 

Coron des 120 à Anzin et Valenciennes. Bassin minier du Nord-Pas de Calais (France); Auteur : Hubert Bouvet. Copyright : © Hubert Bouvet, Région Nord-Pas de Calais, 2012.

Lien durable: whc.unesco.org/fr/documents/117353

Le bien inscrit rassemble donc un patrimoine à la fois technique et paysager ainsi qu’un héritage social. Selon les termes de la Convention du patrimoine mondial, le site « présente un paysage culturel évolutif vivant exceptionnel par sa continuité et son homogénéité ».

Ce site s’inscrit dans un patrimoine bien particulier : le patrimoine industriel. Il s’agit d’un patrimoine récent (en France), qui a eu du mal à obtenir de la reconnaissance. Beaucoup de sites miniers ou industriels similaires ont été détruits. La fermeture des mines et usines a participé à produire de multiples friches, souvent rasées au profit d’une nouvelle utilisation. Ainsi, dans les années 1980, nombreux sont les témoignages de l’histoire minière à avoir disparu. L’exemple du centre thermal à Amnéville, celui du parc d’attraction Walygator Grand-Est (anciennement Big Bang Schtroumpf) à Hagondange en Lorraine, tous deux construits à la place d’anciens sites miniers ou encore l’aménagement d’une piste de ski synthétique sur un terril à Nœux-les-Mines dans le Nord-Pas-de-Calais, illustrent ce phénomène qui consiste à « gommer le passé » pour donner une autre fonction aux territoires. Il s’agit d’une stratégie du « tabula rasa» consistant à faire table rase du passé pour donner une nouvelle vie au territoire.

Ce n’est que récemment que la question de la patrimonialisation du paysage de friche industrielle s’est posée. Certains sites sont « devenus » patrimoine en tant que porteurs d’histoire. C’est la prise en compte d’un passé « accepté » qui est à l’origine du passage de cet héritage « encombrant » (friches immenses,  patrimoine industriel minier abandonné…)  vers un patrimoine « reconnu ». Le « territoire-mémoire », comme ces friches industrielles, est  au cœur des enjeux de patrimonialisation actuels en tant que témoignage d’une histoire minière et industrielle mais aussi sociale et collective. En effet, l’on était mineur de père en fils et l’ensemble de ces territoires, ainsi que de nombreuses générations étaient et restent marqués par cette ancienne quasi mono-industrie. 

Lewarde (Nord) Fosse Delloye, Centre Historique Minier. Bassin minier du Nord-Pas de Calais (France), Auteur : Hubert Bouvet

Date : 24/05/2011Copyright : © Hubert Bouvet, Région Nord-Pas de Calais; Lien durable: whc.unesco.org/fr/documents/176688

Pour en savoir plus : http://whc.unesco.org/fr/list/1360/ 

Cet article n’engage que son auteure !

Écrit par Agathe Passerat de La Chapelle

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[Rubrique culturelle : Une génération Lady Bird]

A la voir arriver avec son plâtre rose fluo dans son nouveau lycée catholique, Lady Bird n’a pas peur d’en découdre. Celle qui rêve de s’envoler, dans tous les sens du terme, vers la côte est l’année suivante, se voit inscrite dans un établissement privé, pour cause de rumeurs, pour cause de la crainte nouvelle qu’a sa mère du lycée public. Cette même mère qui va symboliser un frein pour sa fille pendant tout le film, lui répétant sans cesse, comme un mantra, à quel point sa famille manque d’argent et n’a pas les moyens de financer son rêve de s’enfuir vers New-York, est aussi celle qui la coince dans ce milieu privé, fait quasi exclusivement des enfants riches de Sacramento. Son rapport paradoxal à l’argent reflète aussi les rapports paradoxaux avec sa fille. Ces rapports sont un des piliers du film, qui pour beaucoup font écho à notre vie, tout comme le thème du rêve et de l’envol, de la fin de l’insouciance, de l’adolescence. Tous sont liés au personnage éponyme du film, incarné par la fascinante Saoirse Ronan, Lady Bird, la bien-nommée, à laquelle nous, enfants des années 2000, à l’aube d’une nouvelle époque, filles et femmes, et d’autant plus venant des régions, des villes moyennes, ne pouvons que nous identifier. 

Christine « Lady Bird » McPherson et sa mère, c’est presque un mal nécessaire. Ce sont la violence des mots qui parfois cachent des sentiments, un amour qu’on ne sait pas comment exprimer. Il suffit de voir comment Lady Bird se laisse aller à pleurer dans les bras de sa mère qui la rassure, la berce, alors même qu’à d’autres moments, la fille jure que sa mère la déteste. Ce conflit quasi-permanent, n’est pourtant pas dénué d’un amour bien caché. Il n’est pas caricatural, et c’est même un des éléments les plus réalistes du film. Il montre la complexité que sont les rapports, mère-fille à l’adolescence. Bien souvent malgré leur toxicité apparente, c’est un désemparement total qui est dissimulé derrière les affrontements. C’est une impossible conciliation entre les mères qui voient des filles, et des filles qui deviennent femmes. Les intérêts divergent de plus en plus, et être deux pour construire une seule vie, c’est un peu trop. Surtout pour Lady Bird. Sa vie, c’est la sienne. Sa vie, c’est elle qui à la force de ses bras, armée d’huile de coudes, des pourboires de ses multiples jobs, et du secret de l’envol, va se démener pour tenter de donner vie à son rêve sans avoir à se confronter à sa mère, à sa désapprobation. Mais aussi peut-être, et sans doute même, pour ne pas avoir à faire face à sa peur de dire au revoir à sa fille. Et de l’autre côté de ce chaotique, et pourtant si commun, duo mère-fille, la figure du père, le sauveur de Lady Bird, son allié dans son combat. Il apparaît comme une véritable stabilité, alors même qu’il dissimule être au bord de la chute. Dépressif, et bientôt sans emploi, il est au fond plus fragile que sa fille, qu’il admire pour sa force. C’est lui qui va la porter, et ravaler ses propres larmes pour essuyer celles de Lady Bird de bout en bout, jusqu’à son envol final. 

Et cette fille, elle devient grande. Elle s’est choisie un nom elle-même, Lady Bird, pour combler la terrible banalité de son vrai prénom, qu’elle réfute. Il lui fallait un nom en accord avec sa soif de sortir du lot, de l’eau, de son milieu, de tout. Son envie de monter sur scène pour avoir le premier rôle, puis d’oublier son rôle pour s’échapper de sa situation financière. Pour cela, elle feint d’oublier cette contrainte, et passe même pour un temps « de l’autre côté de la route », pour se la jouer enfant de nanti et rechercher un autre monde. Car Lady Bird, elle se cherche, elle tâtonne, comme beaucoup autour d’elle. Ce film pourrait être un banal teen movie, si il n’était pas si vrai, si purement, véritablement, et de façon déchirante, vrai. Les premières soirées, les premières amours, les doutes, et les déceptions. Le tout, la dernière année de lycée de Lady Bird, qui se fait sur fond d’éducation catholique, c’est à la fois le temps des grandes découvertes, et celui des grands adieux. C’est la nostalgie d’un temps en train de se perdre, et l’excitation des jours nouveaux. C’est faire des projets, pour oublier que l’on s’en va pour de bon. 

Lady Bird, en même temps qu’elle découvre, qu’elle aime, qu’elle déteste, elle s’ennuie. Plus que de s’ennuyer, elle est persuadée que sa place n’est pas ici, à Sacramento, Californie. Les mornes paysages de toute sa vie ne sont pas les siens. La délimitation sociale de cette route qu’elle mentionne si souvent ne lui correspond pas. Et ce manque étouffant de culture, elle s’en plaint, elle veut y échapper, s’en libérer. Elle est prête à franchir les milliers de kilomètres qui l’en séparent, à se mettre sa mère à dos, et à lui dissimuler pendant des mois son projet, car elle connaît la réprobation à laquelle elle fera immédiatement face. Lady Bird veut forger sa propre vie, elle veut goûter au plaisir des grandes villes, mais aussi elle veut les plus grandes universités. Et ce n’est pas négociable. Tous les coups sont permis, même la tricherie, car avoir modifié sa note en maths sera bien vite oublié si elle parvient à ses fins. Et ce combat profond, culturel, il relève de l’émancipation pour accéder à ce qu’on lui refuse à cause de son milieu social, mais aussi à cause de son lieu de naissance, si loin des grandes villes. Ce combat, même ici en France, en 2021, c’est une réalité. Car on peut vite se sentir paumé quand on tourne en rond dans sa ville moyenne, quand pendant des années on en cherche la sortie, aussi bien que sa propre vie. 

Lady Bird, c’est bien plus qu’un joli nom, pour un joli personnage. C’est bien plus qu’une métaphore pour l’envol de la fille à la femme. Lady Bird, c’est une réalité. C’est tous ces provinciaux, en Amérique, en France et ailleurs, ces classes moyennes, qui ne sont pas pauvres, mais doivent quand même se battre. Et qui se battent sans relâche pour accéder aux plus grandes universités, pour obtenir ce qu’ils veulent. Ces classes moyennes qui voient leurs parents désoeuvrés de ne pouvoir leur offrir complètement l’éducation qu’ils méritent. Parce que les universités coûtent cher en Amérique, parce que même en France, arriver à Paris c’est aussi faire des sacrifices. Parce que Lady Bird, en 2003, c’est moi en 2020, et ce sera bien d’autres encore. Parce que plus que nous, c’est toute une génération, qui grandit dans une époque toute nouvelle, qui se forge avec de nouveaux codes, et qui essaie de se faire une place, si petite soit-elle, dans l’histoire d’une humanité si grande pour elle. 

Lady Bird, Greta Gerwig, 2017, disponible sur Netflix 

Article de Cléa Brunaux

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[Rubrique culturelle : Expositions photographiques en plein air sur le chantier de Notre-Dame de Paris]

Avec l’arrivée du printemps et les journées qui se rallongent, pourquoi ne pas profiter d’une balade culturelle, alliant soleil et découverte patrimoniale ?

En ce moment, deux expositions en plein air, sur le parvis de Notre-Dame et rue du Cloître-Notre-Dame, valent le détour !! Les palissades qui entourent le chantier de Notre-Dame de Paris présentent deux expositions autour de la cathédrale.

L’une, nommée « Dessine-moi une cathédrale », propose des dessins hauts en couleurs de Notre-Dame de Paris, réalisés par des élèves du monde entier. Tous présentent leur vision du monument emblématique de la capitale à l’aide de collages, feutres, peintures… Prenez le temps d’admirer leurs oeuvres sur le parvis de la cathédrale, qui surplombe d’ailleurs l’exposition avec ses deux tours.

L’autre, est une série de photographies que l’on peut admirer rue du Cloître-Notre-Dame. Elle a pour titre : « Notre-Dame de Paris, les premiers mois d’une renaissance ». A travers les clichés de Patrick Zachmann, photojournaliste de l’agence Magnum Photos, l’exposition rend visible le labeur de tous les travailleurs et corps de métiers impliqués dans la reconstruction de Notre-Dame. L’exposition, qui s’étend sur les palissades du chantier, retrace l’incendie puis les travaux de reconstruction et de restauration de la cathédrale. Elle s’attarde notamment dans la partie « Les bâtisseurs d’aujourd’hui : les corps de métiers au cœur du chantier de sécurisation de la cathédrale Notre-Dame de Paris », sur le savoir-faire des artisans et professionnels participants au chantier : maîtres verriers, cordistes, archéologues, grutiers,  charpentiers, tailleurs de pierre, échafaudeurs… L’exposition plonge le spectateur dans le coeur du « chantier du siècle » et les coulisses de la reconstruction grâce à d’impressionnantes photographies. Elle permet de comprendre toutes les étapes de ces travaux titanesques. Un bel hommage aux métiers du patrimoine !


Photographie de l’exposition « Notre-Dame de Paris, les premiers mois d’une renaissance » prises par Agathe Passerat de La Chapelle. Mars 2021.

Ces expositions donnent envie de se replonger dans l’oeuvre monumentale Notre-Dame de Paris de Victor Hugo pour découvrir Paris et sa cathédrale emblématique au Moyen-Age !

Pour aller plus loin :

L’exposition virtuelle « Notre-Dame de Paris en plus de 100 oeuvres » propose des archives iconographiques et vidéos, retraçant l’histoire de la cathédrale au fil des siècles.

Lien : https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/expositions-virtuelles/notre-dame-de-paris-en-plus-de-100-oeuvres

Cet article n’engage que son auteure.

Ecrit par : Agathe Passerat de La Chapelle.

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[Portraits de personnalités inspirantes : Anne Sylvestre]

Une carrière musicale couronnée de succès

Anne Sylvestre, de son vrai nom Anne-Marie Beugras, est née en 1934 à Lyon et est décédée le 30 novembre 2020. D’abord étudiante en lettres, elle décide rapidement de se consacrer à la musique. C’est en recevant le numéro de téléphone de Michel Valette, patron du cabaret parisien La Colombe, qu’Anne Sylvestre débute sa carrière en 1957. Elle se produit ainsi dans ce cabaret qui a connu le début des plus grands noms de la chanson française comme Serge Gainsbourg, Brigitte Fontaine, Léo Ferré ou encore Jean Ferrat. En 1959, elle sort son premier album 45 tours « Mon mari est parti » et reçoit ses premières récompenses comme le Grand Prix international du disque de l’Académie Charles Cros. En 1962, elle sort les fabulettes pour enfants, qu’elle écrit principalement pour sa fille. Elle souhaite donner aux enfants, le goût de la liberté, le plaisir de chanter et « retarder leur crétinisation avant l’âge adulte ». Elle décide par la suite, en 1973, de fonder son propre label et d’assumer pleinement son succès. 

Une compositrice-interprète atypique

A l’époque de ses débuts, les chanteuses écrivent rarement leurs propres chansons et demeurent souvent de simples interprètes. Anne Sylvestre estime que les hommes ne peuvent pas écrire sur tout et certainement pas sur ce que les femmes vivent et ressentent. Elle est tout de suite remarquée pour sa poésie, son humour et la qualité de ses textes. Elle instaure dans ses chansons de réels messages de société et de nombreuses valeurs qu’elle défend. Même dans ses fabulettes pour enfants, Anne Sylvestre souhaite leur partager les mêmes valeurs d’égalité, de bienveillance, de tolérance et de respect de l’autre et de l’environnement qu’auprès des adultes. Son franc parlé, sa qualité d’écriture et ses valeurs ne manqueront pas d’être admirés notamment par Georges Brassens qui dira d’elle en 1962 : « On commence à s’apercevoir qu’avant sa venue dans la chanson, il nous manquait quelque chose et quelque chose d’important ». L’une de ses chansons les plus célèbre demeure Les gens qui doutent  qu’elle utilise en réaction aux personnes pleines de certitudes qui « lui cassent les pieds » et qu’elle dédie aux gens moins sûrs d’eux qu’elle encourage à s’exprimer. En 2009, elle recevra la médaille de vermeil de l’Académie française pour récompenser sa place sur la scène de la chanson française et son talent de parolière. 

Chansonette Anne Sylvestre : Photo d'actualité

Une artiste pionnière et engagée dans les débats de société

Anne Sylvestre souhaite user de son talent d’écriture et d’interprétation pour délivrer de nombreux messages, positions et valeurs à travers toutes ses chansons. Aucune de ses chansons n’est dénuée de bon sens ou de message caché. Ainsi, elle s’engage d’abord contre la guerre, car sa carrière débute entre la fin de la guerre d’Indochine et le début de celle de d’Algérie, combat qu’elle exprimera dans sa chanson Mon mari est parti. Elle s’exprimera sur la misogynie ordinaire avec Une sorcière comme les autres et la Faute à Eve et dénoncera le crime de viol dans sa chanson Douce maison. Elle s’engagera également pour le droit à l’avortement suite à la publication du manifeste des 343 femmes célèbres ayant eu recours à l’avortement, paru en 1971 dans le nouvel observateur, dans sa chanson Non, tu n’as pas de nom. En outre, elle ne défend pas l’acte de l’avortement en lui-même mais le choix libre qui doit être laissé aux femmes.  Dans la cause des femmes, elle sera par la suite pionnière des débats contre le harcèlement sexuel avant l’ère #metoo, au travers de sa chanson Juste une femme qu’elle publiera suite au scandale DSK : 

« Il y peut rien si elles ont des seins

Quoi, il est pas assassin

Il veut simplement apprécier

C’que la nature met sous son nez »

Elle s’intéresse également à la charge mentale des femmes à la maison dans sa chanson Clémence en vacances qui raconte l’histoire d’une femme qui décide du jour au lendemain de ne plus rien faire à la maison, décidant « qu’elle en avait fait assez ». Sa chanson Petit Bonhomme est un hymne à l’autonomie des femmes et une satire de la lâcheté des hommes volages auprès de femmes qui ne resteront pas dupes mais au contraire se soutiendront. Anne sylvestre regrettera d’ailleurs dans Les Frangines que les filles soient dès l’enfance encouragées à se jalouser et être en concurrence au lieu de s’encourager, d’unir leur voix et de faire « changer les choses et je suppose aussi les gens ». Elle appellera tout au long de sa carrière à la sororité au sein de la société. 

Lorsque la question d’un quelconque engagement féministe lui est posée, elle répondra : « Féministe, oui. C’est bien la seule étiquette que j’aurai honte de décoller ».  Enfin, en 2007, elle s’engagera également pour le mariage homosexuel avec « Gay, marions-nous », brisant le silence de nombreux artistes à ce sujet et prônant une fois de plus l’égalité et la tolérance que mérite chaque citoyen. 

Anne Sylvestre déjà courageuse et obstinée de mener une carrière de compositrice et d’interprète sur une scène musicale dominée par les hommes, mènera tout au long de sa vie des combats fondamentaux dont elle sera pionnière. Bienveillante et attachante, ses paroles ont été ses armes dans une société trop inégalitaire à son goût mais dans laquelle elle a gardé l’espoir d’une plus grande tolérance. Engagée et jamais résignée, Anne Sylvestre avait des décennies d’avance sur son temps et a laissé derrière elle bon nombre de paroles et de messages plein de sagesse. 

Article de Clémence Hoerner

Cet article n’engage que son auteure.

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[La Chapelle Sixtine et sa campagne de restauration (1980 – 1994)]

La Chapelle Sixtine est reconnue de façon universelle comme étant une merveille artistique, notamment grâce aux fresques de Michel-Ange recouvrant sa voute. Bon nombre d’entre nous connait cette image de deux mains cherchant le contact : la représentation d’Adam et son créateur. 

    Si la chapelle est bâtie entre 1477 et 1483, les fresques de Michel-Ange ne font leur apparition qu’entre 1508-1512 pour la voute et 1534-1541 pour Le jugement dernier. Ces productions de Michel-Ange sont ainsi réalisées à prêt d’un quart de siècle d’intervalle et sous l’égide de deux souverains pontificaux. 

    D’autres grands maîtres de la renaissance ont su gracier les murs nus de la chapelle de leurs pinceaux. On peut ainsi contempler des fresques de : Domenico Ghirlandaio, Sandro Boticelli, Cosimo Rosselli, Pinturicchio, Luca Signorelli ou encore Le Pérugin. Toutes réalisées antérieurement à celles de Michel-Ange, entre 1481 et 1482. 

    Cependant ce qui nous intéresse ici est la campagne de restauration de la fin du siècle dernier qui a été réalisée en vu de débarrasser les fresques de siècles de poussière, résidus et suie. Si à cette époque les fresques du Vatican connaissent toutes une attention particulière de la part des restaurateurs et restauratrices, c’est la campagne qui commence en 1980 et prend fin en 1994 qui est la plus controversée et révélatrice.

    Cette campagne, longue de prêt de quatorze ans, se concentre sur les fresques réalisées de la main de Michel-Ange. Impressionnante par sa taille, des centaines de mètres carrés, elle est aussi retentissante par ses découvertes. 

    Une épaisse couche de crasse combinant la poussière  du temps à la suie des bougies et autres résidus se voit retirée par des solvants. Or, la disparition de cette couche superficielle emporte avec elle le postulat des historiens de l’art selon lequel Michel-Ange était le peintre des ombres et couleurs sombres. Ce sont des teintes typiques du maniérisme qui surgissent après des siècles d’absence : rose pastel, vert acide, bleu, mauve, jaune… Des détails se font visibles, changeant les interprétations iconographiques des experts. 

    Cependant cette impressionnante campagne de restauration, qui a nécessité la re-constitution de l’échafaudage aérien du grand maître pour ne pas porter préjudice à cet écrin de beauté, a aussi connu ses détracteurs. Certains doutent alors des bienfaits des techniques de restauration utilisées, novatrices et puissantes pour certaines. De plus, le nettoyage des fresques aurait retiré des modifications et jeux d’ombres ajoutés au noir de charbon par l’artiste. 

    Chaque campagne de restauration connait son lot de dangers et nul ne sait si les techniques appliquées aujourd’hui ne seront pas désavouées demain. Mais une chose est sûre, avec la campagne de 1980-1994, les fresques de Michel-Ange, maitre de la renaissance, ont su encore nous émerveiller et nous surprendre. 

Cet article n’engage que son autrice.

Article de Yacine Navenot

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