« Ces portraits sont des rencontres que je voudrais garder de l’oubli, ne serait-ce que pendant les quelques minutes où elles sont devant vous. Ce sont des femmes qui travaillent, qui font des enfants et qui, en même temps, gardent un esprit d’indépendance. J’ai tourné vingt-quatre portraits de treize minutes. J’ai choisi cette courte durée pour plusieurs raisons : ne pas ennuyer, échapper à toute coupure publicitaire, réaliser le film vite, dans un élan et sans trop de ratures. Je ne suis pas un documentariste. Je suis plutôt un amateur de visages, de mains et d’objets. Rendre compte de la réalité ne m’attire pas. La réalité n’est qu’un mot, comme sa sœur jumelle, la fiction, que je pratique par ailleurs, avec un plaisir différent. » — Alain Cavalier

24 portraits, ou lorsqu’un artisan saisit l’artisanat d’art, dans la plus grande humilité chacun se rencontre au travers d’une caméra. Un rapport aimant, humble avec les gens qui transparaît dans l’échange entre le cinéaste et les femmes. Il interroge 24 femmes aux métiers désuets : la matelassière, la fileuse, la trempeuse, l’orangère, la brodeuse, la dame-lavabo, la relieuse, la bistrote, la canneuse, la repasseuse, la rémouleuse, la maître-verrier, la gaveuse, la romancière, la roulotteuse, la fleuriste, la cordonnière, la marchande de journaux, l’opticienne, la souffleuse de verre, l’illusionniste, l’accordeuse de piano, la corsetière, l’archetière. 

Alain Cavalier s’intéresse dans la plus grande sincérité à elles. Il les fait parler de leur quotidien, de leurs métiers, de leur joie dans la plus grande simplicité. Alain Cavalier saisit l’instant, les échanges avec ses femmes mais plus encore il saisit le geste et la main. Une mise en lumière du geste créateur, de la minutie de ses mains abîmées et musclées. À nous de lui faire son portrait. 

Son cinéma documentaire d’Alain Cavalier est familier, il rend compte des scènes les plus usuelles, des tocs ou gestes des travailleurs. Un éloge au geste qui façonne et aux mains qui sont façonnées par le travail. L’outil et le geste à répétition vont jusqu’à déformer les mains de la matelassière. Il donne la parole aux mains de ces femmes pudiques, et d’une patience sans limite épatante. Aux 24 portraits on pourrait rajouter un vingt-cinquième celui du cinéaste : Alain Cavalier qui filme ses propres mains et son travail de captation des plans, des poses, et des émotions. 

Dans une interview avec Laure Adler sur France Inter dans l’émission l’heure bleue en 2017, il explique que l’envie de faire du cinéma est d’abord sexuelle. Enfant, il est fasciné par les « Grands visages de femmes » sur les affiches. Ce qu’il aime dans le médium c’est cette capacité à pouvoir garder en images les choses qu’on aime, les moments que l’on vit. 

Le cinéma pour cet artisan est un baume contre la solitude de tous, et avant tout à sa propre solitude. Un film d’une grande délicatesse, qui attendrit tout en racontant des savoirs faires oubliés. 

Des savoirs faire, un patrimoine immatériel en perdition c’est précisément ce qui touche Alain Cavalier et le motive à prendre sa caméra. Pour sa protection, l’UNESCO a mis en place un programme de développement durable pour les villes créatives de l’UNESCO.  

Un programme pour 2030 qui s’articule en cinq points : 

  • La croissance durable et l’entrepreneuriat
  • La connaissance et les savoir-faire 
  • L’inclusion, l’égalité et le dialogue 
  • La régénération urbaine 
  • La transition écologique et la résilience 

➥ Regarder : Les 24 portraits d’Alain Cavalier (1987) 

https://vod.mediatheque-numerique.com/films/12-portraits-1ere-serie

https://vod.mediatheque-numerique.com/films/12-portraits-2e-serie

➥ Écouter le podcast ♬ :  L’heure bleue : Alain Cavalier l’artisan avec Laure Adler,  28 juin 2017

https://www.franceinter.fr/embed/player/aod/5f5909f2-e472-451f-9cc3-92de94d81b64

➥ Pour en savoir plus sur le programme Creatives cities de l’UNESCO : https://fr.unesco.org/creative-cities/ 

Cet article n’engage que son auteure !

Article de : Mariette Boudgourd

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