Portrait : Hilma af Klint : le spirituel dans l’art

Photograph of the Swedish painter Hilma af Klint (1862–1944) at her art studio on Hamngatan in Stockholm – http://www.sydsvenskan.se/Images2/2014/3/7/ELAklint08.jpg

Dans l’introduction de « Origines du développement de l’art abstrait » Michel Ragon déclarait : « J’appelle art abstrait tout art qui ne contient aucun rappel, aucune évocation de la réalité observée, que cette réalité soit, ou ne soit pas le point de départ de l’artiste. » Or longtemps, on a présenté Kandinsky comme le créateur de cette peinture abstraite vers 1910. Or si l’on s’en tient à cette prudente définition l’abstraction revient en réalité à une femme occultée de son histoire jusqu’à peu : Hilma af Klint. 

Hilma af Klint est une peintre suédoise qui s’engage dans la peinture abstraite dès 1906 soit un peu plus de trois ans avant Kandinsky. Elle obtient une reconnaissance des plus tardives puisqu’il faut attendre presque un siècle lors de l’exposition The Spiritual in Art : Abstract Painting 1890-1985 ayant eu lieu au Los Angeles County Museum of Art en 1986. Ses contemporains ne connaîtrons donc pas ses œuvres. Elle y est alors reconnue dans l’histoire de l’art, par certains experts et se fait apprécier du grand public. Accrochée parmi les plus grands comme le russe Kasimir Malevitch ou encore Mondrian, les dates de ses toiles révèlent un parcours solitaire de pionnière de l’abstraction. 

Ses toiles évoquent des compositions géométriques imprégnées de sciences et de spiritualités. La botanique et les mathématiques étant ses principales sources d’inspiration en témoignent certaines compositions. 

Hilma af Klint, Les dix plus grands, no 3, La Jeunesse, Groupe 4, 1907

Hilma af Klint, Les dix plus grands, no 10, L’âge Mur, Groupe 4, 1907

Un mysticisme qui est associée à la démarche de nombreuses femmes dans la peinture du début du siècle (cf. L’art naïf de Séraphine Louis). Une dénomination qui se justifie mais qu’il n’est pas sans misogynie, là où un Kandinsky est présenté en artiste fondateur de l’abstraction. 

Née le 26 octobre 1862 à Stockholm en Suède, Hilma af Klint est la quatrième enfant de Mathilda af Klint (née Sonntag) et de Victor af Klint. Elle passe ses étés dans un manoir près du lac de Mälaren, près de Stockholm, où la sublime nature inspire ses créations artistiques. Elle étudie d’abord à l’École technique artistique de Stockholm vers 1880, puis à l’Académie royale des beaux-arts. Elle figure parmi les seules rares femmes dans ses institutions. Elle peint alors essentiellement des paysages et des portraits.

Hilma af Klint, durant ses études forme avec quatres femmes le groupe les cinq, ou Fem un groupe d’artistes qui s’intéressent au spiritisme, à la théosophie et à l’anthroposophie. Elles cherchent ensemble à entrer en contact avec les esprits et le retranscrivent dans leurs œuvres. 

Pour gagner sa vie, elle peint des paysages traditionnels suivant les techniques académiques, avant de se lancer en 1906 dans ses premières compositions abstraites. En 1909, Hilma rencontre l’anthropomorphe Rudolf Steiner qui influe sur ses créations. Hilma expérimente la « peinture automatique », se servant de l’état de transe pour créer des œuvres abstraites uniques. Hilma meurt en 1944 et laisse une œuvre de plus de 1 000 peintures inconnues de son vivant. Encore aujourd’hui son œuvre est encore bien mal connue du grand public, c’est pourquoi nous vous invitons pour en savoir plus sur sa vie c’est pourquoi je vous engage à aller voir l’exposition Elles font l’abstraction actuellement au Centre Pompidou à Paris (jusqu’au 23 août 2021). Hilma af Klint figure également à la fin d’une autre superbe exposition à Orsay, Les origines du monde. L’invention de la nature au XIXe siècle (jusqu’au 18 juillet 2021) 🎨.

Hilma af Klint, Retable, no 1, Groupe 10, 1907, Stiftelsen Hilma af Klints Verk. Photo: Albin Dahlström/ Moderna Museet.

Cet article n’engage que son auteure ! 

Mariette Boudgourd 

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[Portraits de personnalités inspirantes : Alma Siedhoff-Buscher ]

Née en 1899 à Kreuztal près de Siegen, elle fait son éducation à l’École pour femmes Elisabeth et apprend l’artisanat à la Reimann school et au musée décoratif des arts de Berlin. En 1922, elle rejoint le Bauhaus et assiste aux cours de Johannes Itten, Paul Klee et Kandinsky. En 1923, elle entre à l’atelier de cours de tissage, 

Même si les femmes ont acquis de nombreuses libertés grâce à la constitution démocratique de la république de Weimar qui leur garanti l’accès au droit de vote et aux études, leurs possibilités sont limitées au Bauhaus à l’atelier de tissage. Cela est justifié par leur prétendu faiblesse de vision en trois dimensions, c’est pourquoi elles sont plus aptes à un art de la surface.

Mais Alma Buscher parvient à intégrer  l’atelier de sculpture sur bois et gagne rapidement sa place : en plus de l’exposition majeure du Bauhaus en 1923, elle design les meubles des chambres d’enfants à la Haus Am Horn, le premier bâtiment basé sur les principes du Bauhaus conçu comme la maison unifamiliale idéale. Elle crée aussi un théâtre de marionnettes et les jouets des enfants. Si la maison ne rencontre pas un grand succès, ses meubles et jouets en bois retiennent l’attention des visiteurs. Ses jeux de constructions en bois peints de couleurs multicolores constituent une référence des créations issues de l’école et rencontrent un franc succès dès leur sortie, ils font partie des premiers objets du Bauhaus à trouver un marché. 

Alma Buscher porte un profond intérêt pour la pédagogie infantile et son art se commercialise rapidement. Mais le directeur du Bauhaus, Walter Grotius n’est pas tout à fait d’accord avec ses créations puisqu’il considère que le jouet n’est pas une pièce de design noble et que cela dévalue la réputation de l’établissement. Siedhoff-Buscher déménage avec le Bauhaus à Dessau en 1925 et continue d’y travailler après avoir été diplômée. Ses œuvres sont exposée à de multiples occasions. En 1927, lors de sa dernière année à Dessau, elle conçoit des livres colorés et des kits de découpages pour l’éditeur Verlag Otto Maier Ravensburg. Elle voyage ensuite avec son mari qui était acteur et leurs deux enfants. Elle meurt victime d’un bombardement à Dreieich Main en 1944.

Le but du Bauspiel créé par Alma Buscher est de créer des structures complexes à partir de formes simples que sont les cylindres, cubes et triangles en volume, dont le sens et la fonction sont déterminés par l’enfant et par le contexte de placement qu’il choisit.  Son jeu permet aux enfants d’imiter des formes préexistantes mais aussi de libérer leur propre créativité. Sa création de jouet est révolutionnaire, en totale adéquation avec l’esprit de son temps et répondant à la demande accrue de jeu éducatif, elle inspire grandement tous les jouets créés au cours du XXe siècle. Elle développe elle-même de nombreuses théories pédagogiques et place au centre l’autonomie de l’imagination dans la pratique du jeu en l’opposant au conte et à la fable qui induisent une moralité. Elle souhaite que son jeu soit un jouet du possible et non un jouet mimétique représentant le monde réel et se rapportant au monde des adultes. C’est seulement au prix d’un effort de mimétique, de la part de l’enfant qui use de son imagination, que le jouet peut prendre l’identité qu’il désire. Elle propose ainsi un jeu expérimental fondé sur le travail des formes et couleurs essentielles et ayant pour but de mener, autant chez l’enfant que chez les designers et artistes, à la communication créative et à la construction.

Article de Sana Tekaïa

Cet article n’engage que son auteure.

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[Portrait de personnalités inspirantes : Eva Hesse]

Née à Hambourg en Allemagne en 1936, Eva Hesse s’inscrit dans le mouvement minimaliste américain des années 60 et apporte des perturbations à cet art réglé.

 Par l’introduction de nouveaux matériaux instables comme le latex, elle conçoit ses œuvres comme une forme de résistance féminine aux structures rigides et masculines de l’art minimal.

Elle a déclaré que le sujet principal de son œuvre était « l’absurdité de la vie ».

En 1939, sa famille fuit les persécutions nazies en émigrant aux États-Unis. Eva Hesse entame alors une formation en design publicitaire à l’Institut Pratt de New York puis entre à l’Art’s Students League tout en travaillant pour le magazine Seventeen. Elle obtient son diplôme en design à la Cooper Union de New York en 1957 puis entre à Yale, à l’École d’art et d’architecture. Après avoir obtenu sa licence de Beaux-Arts, elle rentre à New York où elle rencontre le sculpteur Tom Doyle qu’elle épouse en 1961. Eva Hesse se tourne d’abord vers la peinture expressionniste, quasi figurative : on reconnaît des formes de visage et des attributs sexuels dans ses œuvres du début des années 60. 

Untitled 1960

Elle expose pour la première fois en 1963 et fait la rencontre de nombreux artistes minimalistes tel que Sol LeWitt, Robert Ryman, Robert Morris et Robert Smithson. En 1964, le couple est invité en Allemagne de l’Ouest et Eva Hesse entame une série de sculptures peintes, fabriquées à partir de matériaux de récupération trouvés dans une usine désaffectée dans laquelle elle installe son atelier. 

Elle insère ainsi des câbles et des fils électriques dans ses œuvres, sorte de bas-reliefs abstraits et colorés. Elle expose en 1965 en Allemagne puis rentre l’année suivante à New York où elle se sépare de son mari. Tout en continuant ses constructions biomorphiques, elle n’emploie plus de couleurs et simplifie de plus en plus son langage plastique, s’inscrivant dans le mouvement minimaliste. Ses pièces sont organiques tout en conservant une certaine régularité géométrique et portent des sous-entendu corporels. 

Hang Up, 1966

Hang Up une de ses oeuvres majeures “C’était la première fois que mon concept d’un sentiment extrême, poussé jusqu’à l’absurde aboutissait… Le cadre est entièrement fait de câbles et de fils électriques… C’est une œuvre extrême, c’est pour cela qu’elle me plaît et ne me plaît pas. C’est tellement absurde, ce long fil métallique qui sort du cadre… C’est la structure la plus ridicule que j’ai jamais conçue, et c’est bien ce qui fait sa réussite.”

Ce cadre fixé au mur est traversé d’un câble pendant de son coin inférieur à son coin supérieur. L’artiste négocie un entre-deux subtil entre la nature plane du dessin et le relief de la sculpture. 

Objet projeté dans l’espace plutôt qu’un tableau conventionnel

S’inscrivant par cette oeuvre dans le minimalisme elle procède de la même manière que d’autres artistes contemporains : par série, répétition et quadrillage. Surtout, elle utilise des matériaux non conventionnels tel que le latex dont elle est l’une des premières à utiliser avec Louise Bourgeois, la fibre de verre, les fils électriques, le textile ou le caoutchouc. Elle réalise une série d’oeuvres abstraites introduisant une irrégularité dans la rigidité minimale par un désordre de fils liant deux monochromes ou même trois monochromes.

Eva Hesse connaît un certain succès dans le New York des années 60 et ses oeuvres sont exposées à la galerie Fischbach, elle participe aussi à la mythique exposition de Robert Morris “9 at Castelli”, explorant ce qu’il appelle “l’antiforme”.  

Recrutée en 1967 comme professeure à l’École d’Arts Visuels de New York. En 1970, Eva Hesse décède d’une tumeur au cerveau.

Article de : Sana Tekaïa

Cet article n’engage que son auteure.

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