[Portraits de personnalités inspirantes : Claude Cahun]

Claude Cahun, une neutralité détonnante : un jeu de « réflexions » de soi et sur soi

Dans l’article d’aujourd’hui, il s’agira de faire le portrait d’une grande autoportraitiste méconnue du grand public, ayant marqué le XXe siècle par son engagement plastique et politique. Le portrait suivant de Claude Cahun est genré au féminin car l’historiographie et ses biographes l’ont ainsi genré d’artiste femme néanmoins il conviendrait de considérer cet.te artiste comme l’incarnation d’une réflexion sur le genre et de la non-binarité. 

Claude Cahun est une intellectuelle et artiste nantaise née Lucy Schwob en 1894. Claude Cahun est un nouveau nom qu’elle s’attribue pour brouiller son identité de genre tout en réaffirmant ses origines juives paternelles. Grande bourgeoise, elle bénéficie d’une formation en philosophie et littérature à la Sorbonne à Paris en 1917-1918.

Elle commence très vite en 1914 à publier les poèmes en prose Vues et Visions dans Le Mercure de France, grâce aux appuis de son père haut placé dans les milieux éditoriaux. Ses poèmes comme sa vie sont marqués par sa relation amoureuse clandestine puis assumée avec Suzanne Malherbe qui changent aussi de nom pour Marcel  Moore. Cette dernière est peintre, graveur et collagiste ce qui joue une grande importance dans les sensibilités artistiques développées par Claude Cahun.

Claude Cahun, en plus d’être écrivaine, est une artiste performeuse qui se met en scène dans des autoportraits photographiques sans cesse travesti. Elle joue de son genre et des métamorphoses entre cheveux longs, courts,  teints, maquillages. Elle cultive l’ambiguïté de genre entre féminité outrancière et masculinité virile. 

Le genre est une performance, au sens conceptualisé par la philosophe Judith Butler dans Gender trouble (1990). Claude Cahun met en scène ce trouble, et travaille autour du masque, du déguisement pour dénoncer les normes genrées.  Tout un travail autour de la dualité de l’être et du binarisme qui est marqué par son duo fusionnel avec Marcel Moore. 

Elle joue dans plusieurs pièces de théâtres dans les années 1920 comme Le Mystère d’Adam et Barbe Bleue, mais c’est à travers son appareil photographique et dans ses collages qu’elle performe le plus. Notamment en 1930 dans Aveux non avenus un essai autobiographique illustré par des photomontages réalisés avec Marcel Moore. 

Ce portrait genré au féminin n’a donc pas de raison de l’être puisque Claude Cahun incarne le Neutre, le non binaire « Masculin ? Féminin ? Mais ça dépend des cas. Neutre est le seul genre qui me convienne toujours. » écrit-elle dans Aveux non avenus en 1930. 

Claude Cahun entretient des relations étroites avec le groupe des surréalistes grâce à Jacques Viot qui la fait rencontrer André Breton en avril 1932. Cela donne une nouvelle impulsion à sa plastique, notamment ses collages. L’artiste très engagée politiquement s’insurge contre la politique culturelle du parti communiste français en 1934 dans un essai polémique Les paris sont ouverts. 

En 1936 elle participe à l’Exposition surréaliste d’objets à la galerie Charles Ratton. Ainsi avec Dora Maar ou Lee Miller elle est l’une des plus importantes photographes surréalistes. Rattachée au courant surréaliste, sa plastique autobiographique la maintient dans une recherche unique, personnelle. Comme au théâtre, elle se met en scène comme un objet et prend une apparence changeante où elle devient centrale, plus encore son apparence est centrale.  

Dans cet autoportrait de 1928, le jeu autour du miroir incarne la réfraction et la réflexion : Claude Cahun se réfléchit dans les tous les sens du terme. Elle mène un travail sur son identité et sur son apparence : des réflexions sur elle-même, plastiquement traduit par le reflet d’elle-même. 

L’artiste quitte Paris pour Jersey en 1938 où elle s’installe avec Marcel Moore pour échapper à la montée des tensions nationalistes. Le couple se fait arrêter par la Gestapo le 25 juillet 1944 après avoir mené des activités politiques et artistiques clandestines. Elles seront condamnées à mort par la cour martiale allemande mais y échappent finalement. Après cela Claude continue de s’intéresser à l’image d’elle-même dans la série Le chemin des chats  publiée en 1954. 

Il faut attendre l’après Seconde Guerre mondiale pour que l’œuvre de Claude Cahun trouve un écho pour les Gender studies et  chez les théoriciens du postmoderne sur la question de l’identité. Son travail a fait l’objet d’une importante exposition à la Médiathèque Jacques Demy  en 2015 à Nantes « Claude Cahun et ses doubles »

Enfin ce portrait rappelle le travail de plusieurs artistes plasticiens contemporains comme Grayson Perry qui joue avec les normes genrées ou encore de la photographe et performeuse Cindy Sherman dont l’oeuvre autour du travestissement est actuellement disponible en exposition virtuelle. 

➱ Exposition virtuelle Cindy Sherman : L’exposition « Cindy Sherman à la Fondation  » se prolonge en ligne, jusqu’au 31 janvier 2021. Parcourez virtuellement les galeries grâce aux commentaires des commissaires d’exposition. 

Cet article n’engage que son auteure ! 

Article de : Mariette Boudgourd

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[Portraits de personnalités inspirantes : Olympe de Gouges]

« La femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit avoir également le droit de monter à la Tribune » déclare sur un ton polémiste qui lui est propre Marie Gouze, davantage connue sous le nom d’Olympe de Gouges, dans l’article 10 de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.

Cette femme de lettres françaises, également figure politique importante du XVIIIe siècle, est née le 7 mai 1748 à Montauban et morte guillotinée le 3 novembre 1793 à Paris. Considérée comme une pionnière du féminisme français; la défense des droits de la femme et de l’égalité des sexes fut effectivement l’oeuvre de toute une vie et, pourtant, ce n’est qu’à la fin du XXe siècle, notamment à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française, que sa figure et son travail furent redécouverts grâce aux travaux mis à jour d’historiens.

Si ce personnage marquant de l’Histoire est désormais étudié et apparait dans les manuels scolaires, non seulement son parcours et sa vie sont encore (trop) mal, voire méconnus, mais sa reconnaissance nationale, par les institutions publiques, est toujours remise en cause.

Féministe mais surtout humaniste

Olympe de Gouges interpelle souvent pour son travail de féministe, soit pour sa défense sans relâche des droits des femmes.

En effet, sa réflexion concernant l’égalité des femmes commence avec la publication en 1786 de la pièce Le Mariage inattendu de Chérubin, qui répond notamment au Mariage de Figaro de Beaumarchais et dans laquelle elle dénonce le mariage forcé des femmes et plaide pour l’émancipation féminine.  

Toutefois, son oeuvre la plus célèbre reste sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, publiée en 1791 et qui se veut être une parodie de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La femme de lettres prône publiquement avec cette déclaration, la volonté d’une égalité des sexes.

Femme engagée, ses travaux ne se limitent pourtant pas -contrairement à ce que l’on pourrait croire- à la question de l’égalité des sexes.

Elle traite également d’autres sujets sensibles au sein de la société française du XVIIIe siècle, tels que la situation des enfants illégitimes, les ouvriers ou l’esclavage qu’elle dénonce dans Zamore et Mirza ou l’Esclavage des Noirs (1784) et Réflexions sur les hommes nègres (1788), oeuvres qui la rendent célèbre et lui permettent d’intégrer la Société des Amis des Noirs.

En conséquence, par la nature des sujets traités par la femme de lettres, cette dernière se révèle être une véritable humaniste. 

Révolutionnaire intellectuelle

Les questions sociétales sensibles qui apparaissent dans les écrits d’Olympe de Gouges, ainsi que les réflexions et propositions de solutions qu’elle apporte, symbolisent le caractère avant-gardiste de l’écrivain.

Effectivement, militante active elle réclame l’égalité de traitement sans distinction de sexe, couleur ou revenu, et plaide pour l’instauration du divorce -qui le sera en 1792.

Ses idées sont donc révolutionnaires intellectuellement dans la mesure où ses écrits, tracts et affiches dénoncent l’ordre établi et se révèlent profondément modernes, voire avant-gardiste pour son époque.

Par exemple elle obtint que les femmes fussent admises dans une cérémonie à caractère national, d’abord à « la fête de la loi » du 3 juin 1792, puis à la commémoration de la prise de la Bastille le 14 juillet 1792

Contemporaine de la Révolution française, Olympe de Gouges n’hésite pas à diffuser publiquement ses idéaux, partageant (droit de vote sans distinction de sexe, contre la peine de mort) ou non (partisane d’une monarchie constitutionnelle sur le modèle britannique et non de l’instauration d’une République) de la Révolution française.

Néanmoins son hostilité envers la Terreur et la figure de Robespierre engendre son arrestation puis condamnation à la guillotine par ce dernier le 3 novembre 1793, à seulement 45 ans. 

Vers une reconnaissance nationale ?

Selon sa déclaration testamentaire, la femme de lettres, qui toute sa vie durant aura été engagée, déclare « Je lègue mon cœur à La Patrie (…). Mon âme aux femmes, je ne leur fais pas un don d’indifférence ». 

Libre d’esprit, Olympe de Gouges refusa après son veuvage de se remarier afin de préserver une liberté intellectuelle et politique. Figure avant-gardiste défendant auprès des institutions publiques une égalité pour tous et condamnant toute forme d’inégalité sociale concernant les femmes, les ouvriers ou les esclaves, elle eut un impact retentissant dans la société française du XVIIIe siècle.

Comme de nombreuses femmes de l’Histoire, elle fut pourtant oubliée avant d’être redécouverte, d’abord par des études universitaires étrangères après la Seconde Guerre mondiale mais surtout avec la publication en 1981 de la biographie d’Olivier Blanc en France.

Olympe de Gouges fait finalement son entrée à l’Assemblée nationale en 2016, par le biais de son buste de marbre blanc, demeurant la première (et seule -pour l’instant) figure féminine au sein de l’institution française. Le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, avait alors énoncé à cette occasion qu’il aura fallu « plus de deux siècles pour que l’on reconnaisse le talent de cette pionnière de l’égalité des droits ».

Néanmoins, cette reconnaissance nationale fait toujours l’objet de débats car la question de son entrée au Panthéon, demandée depuis 1989, est controversée.

Le Président François Hollande s’était notamment montré favorable à la panthéonisation de cette figure historique en 2014, mais la demande fut rejetée, ce qui laisse la question en suspens.

Ce personnage emblématique que représente Olympe de Gouges est donc certes reconnu comme étant la première « féministe » française; cependant il ne faut pas pour autant omettre ses autres combats et leurs sujets, tout aussi importants, qu’elle a rendu visibles malgré leur caractère sensible, et dont l’approfondissement mériterait une attention plus profonde, tant ils sont inspirants.

Sources

Olivier BLANC, Olympes de Gouges, Paris, Éditions Syros, 1981

Olivier BLANC, Marie-Olympe de Gouges. Une humaniste à la fin du XVIIIe siècle, Paris, René Viénet, 2003

Benoîte GROULT, Ainsi soit Olympe de Gouges : la Déclaration des droits de la femme et autres textes politiques, Paris, Grasset, 2014

« Olympe de Gouges au Panthéon », Libération, 30 septembre 2013 (https://www.liberation.fr/societe/2013/09/30/olympe-de-gouges-au-pantheon_935883)

« Recalée au Panthéon, Olympe de Gouges, statufiée, entre à l’Assemblée », Franceinfo Culture, 19 octobre 2016 (https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/sculpture/recalee-au-pantheon-olympe-de-gouges-statufiee-entre-a-l-assemblee_3366187.html)

Cet article n’engage que son auteure.

Article de : Noémie Ngako

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[Portraits de personnalités inspirantes : Niki de Saint Phalle]

Plasticienne franco-américaine, née en 1930 et décédée en 2002, Niki de Saint Phalle est essentiellement connue pour ses Nanas, mais elle a laissé un héritage artistique sans pareil. Tableaux-performances, sculptures féministes, films psychanalytiques, l’artiste s’est inspirée de grandes figures comme Jackson Pollock pour ensuite pouvoir inspirer toute une génération d’artistes derrière elle. 

Sa vie 

Née le 29 octobre 1930 à Neuilly Sur Seine, sa famille américaine – ruinée par le krach boursier – avait, un an plus tôt, quitté l’Amérique. Après avoir habité chez ses grands-parents pendant quelques années, elle rejoint ses parents, réinstallés à Greenwich. Elle y fut élevée par une nourrice qu’elle appelait « Nana ». 

A 11 ans, victime d’un viol par son père, elle reste traumatisée toute sa vie. Enfant instable et turbulente, elle devint cependant une femme rebelle et indépendante. Pour elle, l’art était une sorte de thérapie, d’exutoire pour s’émanciper de ce traumatisme. 

Pendant un temps, dans sa jeunesse, elle fut mannequin pour Vogue et Life Magazine. A 18 ans, elle se maria avec Harry Mathews, écrivain. Alors qu’ils étaient encore jeunes, ils eurent deux enfants. De nature révoltée, pourtant issue d’une très ancienne lignée aristocratique française, elle refusa le puritanisme religieux et déménagea à Paris avec son mari et sa première fille, Laura. 

Hospitalisée à Nice en 1953 suite à une dépression, Niki de Saint Phalle dessina et peignit beaucoup pendant son rétablissement ; elle décida alors de se consacrer totalement et pleinement à son art. Deux ans plus tard, elle accoucha d’un petit Philip. 

Sa rencontre avec Jean Tinguely lui permit de rejoindre le groupe des Nouveaux Réalistes. Elle s’installa d’ailleurs avec ce dernier après son divorce. C’est durant ces années-là qu’elle réalisa ses premières œuvres dont Tir, qui suscita l’indignation et le scandale et qui eu un retentissement mondial. 

Œuvre Tir, 1961, plâtre, peinture, métal et objets divers sur de l’aggloméré, 175x80cm, 60 à 80 kg, Centre Pompidou, Paris : peinture performance qui vise à, selon elle, « tirer sur la société et ses injustices ». 

En 1971, elle épousa Jean Tinguely, et travailla sur des installations monumentales à Paris comme la Fontaine Stravinski ; et même des films, comme Daddy en 1972.

Son engagement

Niki de Saint Phalle était une artiste engagée politiquement, et résolument féministe. Elle n’a cessé de représenter des épisodes de sa vie à travers son œuvre. Expliquant plus tard qu’elle avait été élevée « pour le marché du mariage », et qu’il était pour elle hors de question de ressembler à sa mère, elle commença à créer les Nanas en papiers collés dès 1964. Pour elle, elles étaient les représentations de la femme « libérée du mariage et du masochisme ». 

« Elles sont elles-mêmes, elles n’ont pas besoin de mecs, elles sont libres, elles sont joyeuses ». 

Image 1 : Gwendolyn, 1966, en face du musée de Stockholm. 

Image 2 : Nana hors du musée d’art moderne de Tinguely à Bâle. 

Image 3 : Nana à Montréal

Mais son engagement ne s’arrêta pas là : elle créa des immenses phallus colorés lors de la propagation du virus du sida, pour inciter les gens à se protéger. 

Elle dénonça également, tout au long de sa vie, les violences faites aux personnes noires aux USA, et la domination masculine et patriarcale. 

Sa fin 

Pendant nombre d’années, Niki de Saint Phalle a travaillé sur ses œuvres avec des matériaux qui sont aujourd’hui reconnus comme dangereux pour la santé, et au mépris des règles de sécurité : elle inhala beaucoup de vapeurs toxiques, ce qui l’a conduite à souffrir d’inflammations et de gonflements dans ses poumons. A 71 ans, en 2002 donc, elle décéda alors d’une insuffisance respiratoire.

Article de : Tifenn Genestier

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[Portraits de personnalités inspirantes : Margaret Keane l’ombre des Big Eyes (1927) ]

Margaret Keane est une artiste peintre américaine connue pour ses portraits originaux d’enfants et d’animaux aux yeux surdimensionnés mais dont le mérite a longtemps été attribué à son ancien époux, Walter Keane.

Margaret Keane, de son vrai nom Peggy Doris Hawkins, est née le 15 septembre 1927 à Nashville dans le Tennessee. Immergée dans l’art dès son plus jeune âge, très vite elle témoigne de son penchant pour la création de personnages aux grands yeux menaçants. Elle ira étudier au Watkins Art Institute de Nashville et à la Traphagen School of Design de New York avant d’épouser Frank Ulbrich avec qui elle aura une fille, Jane. 

Le travail de Margaret Keane est influencé par Amedeo Modigliani sur la façon dont elle peint les femmes. Van Gogh, Gustav Klimt et Picasso ont également influencés Margaret dans l’utilisation de la couleur, la dimension et la composition de ses toiles. Elle travaille à la fois sur des peintures à l’acrylique et à l’huile.

Le basculement de sa vie commence au début des années 1950, lorsqu’elle quitte son époux avec sa fille, et décide de s’installer à San Francisco. Alors que sa nouvelle vie dans sa nouvelle ville débute, Margaret rêve de pouvoir vivre de ses peintures représentant les êtres vivants qui l’entourent. Elle leur dessine de grands yeux, ressemblant à des biches, qui permettent de traduire les émotions qui se cachent dans chacun de ses personnages. Elle en fait sa signature à travers des portraits d’enfants et se concentre sur les yeux car dévoilant plus la personne intérieure. On retrouve dans ses tableaux la joie, la compassion et l’amour. Ce feu d’artifice de sensations, distingue Margaret des autres artistes de son époque. 

C’est à cette même époque, en 1953, qu’elle rencontre Walter Keane avec qui elle se marie à Honolulu en 1955. A partir de ce moment commencent les années d’oppressions subies par Margaret. En effet, celui-ci réussit à s’approprier les toiles de Margaret et vend les oeuvres de son épouse sous son nom. Alors que ces oeuvres remportent un grand succès, la véritable artiste reste dans l’ombre de son mari. 

Après 10 ans de vie commune, Margaret Keane part s’installer à Hawai et décide de se rendre justice. Après l’approfondissement de sa foi en devenant Témoin de Jéhovah, elle dénonce la supercherie de son mari grâce à une radio locale. Alors que Walter Keane réclame des droits sur les oeuvres, le conflit mène au divorce des deux époux. Lors du procès, Margaret prouve qu’elle est bien l’auteur des tableaux et peint elle-même une toile devant le juge en 53 minutes. Walter Keane, quant à lui, refuse de se prêter au jeu. La vérité est rétablie et Margaret reçoit des dommages et intérêts.

Le nom de Margaret Keane a été remis sur le devant de la scène grâce à l’adaptation cinématographique de son destin, comme dans Sleeper (1973) de Woody Allen et dans Big Eyes (2014) de Tim Burton. Dans Big Eyes Tim Burton met à la lumière du grand public la vie et l’oeuvre de l’artiste, ainsi que la scandaleuse injustice infligée par son ancien mari. Ce film biographique met en scène Margaret, jouée par l’actrice Amy Adams, et Walter, joué par l’acteur Christoph Waltz. On voit également l’artiste apparaitre elle même dans l’une des scènes du film.

Aujourd’hui, Margaret Keane continue de peindre chez elle, à Napa, en Californie. L’explication de ses oeuvres se trouve dans ses mots: « Les yeux que je dessine sur mes enfants sont une expression de mes sentiments les plus profonds. Les yeux sont les fenêtres de l’âme ».

Cet article n’engage que son auteure.

Article de : Nastasia Syed

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[Portrait de personnalités inspirantes : Séraphine Louis]

Séraphine Louis :  Une mystique au geste naïf 

Séraphine Louis, Les Grappes de raisins (vers 1930), Paris, musée Maillol.(Source : Musée Maillol)

Séraphine de Senlis – Bouquet de mimosas

Séraphine Louis, Bouquet de mimosas, vers 1925, Musée de Laval (source : Musée de Laval)

Séraphine Louis est une artiste peintre autodidacte appartenant au groupe des Naïfs méconnue du grand public,  au regard de la postérité du Douanier Rousseau. Pourtant cette femme à la vie tourmentée figure très vite parmi les artistes de prédilection de grands  collectionneurs du début du XXe.  

Séraphine Louis, ou Séraphine de Senlis, est née le 3 septembre 1864 à Arcy dans l’Oise. Orpheline, elle est placée dans une famille à côté de Paris avant d’être recueillie dans un couvent à Senlis en 1882. Cette enfance particulière marque sa vie d’artiste peintre d’une grande spiritualité qui guide sa peinture. 

Très vite, elle devient femme de chambre au service de la bourgeoisie dans l’Oise, et guidée par des voix et visions divines elle se met à peindre avec très peu de moyens. Elle réalise des natures mortes de fleurs, fruits et plumes, en créant ses propres peintures à base de ripolin et de colorants naturels comme du sang animal. 

Son geste est vif, primitif ce qui permet la création de pièces uniques, poétiques. Ses natures mortes aux couleurs vives ne laissent pas présager d’une telle condition matérielle pour l’artiste. Ses bouquets sont emprunts de quelque chose d’unique qui relève du merveilleux, du divin de par la frénésie du motif et du geste créateur. 

Elle est rapidement repérée par le critique et marchand d’Art allemand Wilhelm Uhde chez qui elle travaille comme femme de ménage depuis 1912. Elle peint alors dans la plus grande précarité sur des pots, du carton, des assiettes. Wilhelm Uhde repère malgré cela le talent de la jeune femme et ses compositions inédites, et devient très vite son mécène. En 1927, elle présente six toiles à la Société des Amis des Arts, à l’Hôtel de Ville de Senlis encouragée par Wilhelm Uhde. 

Elle peint grâce à ses nouveaux revenus sur de très grands formats, d’immenses compositions de fleurs et de fruits bigarrées toujours aussi fascinantes. Ses œuvres constituent un renouveau pour la nature morte, sa naïveté est habitée par le merveilleux. Les fleurs et les fruits sont des formes qui signifient le divin, l’infiniment grand et l’infiniment petit de cette création divine qui l’anime. Elle se nourrit des thèmes chrétiens comme l’arbre de vie et travaille ses compositions avec des couleurs vives et lumineuses à la manière des vitraux. 

Wilhelm Uhde organise une exposition à Paris « Les peintres du Cœur sacré » où elle est exposée parmi d’autres artistes autodidactes comme Le Douanier Rousseau ou Louis Vivin,  qui peignent le quotidien avec des couleurs intenses et un dessin « naïf ». Un tournant dans sa vie d’artiste d’autant qu’en 1928 pour la première fois un musée allemand achète une de ses toiles. 

Mais Séraphine Louis finit par rencontrer des problèmes financiers au moment de la crise financière des années 1930, elle sombre dans des délires paranoïaques. En janvier 1932 ses crises à répétition entraînent son internement à l’hôpital psychiatrique de Clermont-de-l’Oise. Le 11 décembre 1942, l’artiste décède après dix ans d’internement où elle a cessé de peindre et se fait enterrer dans une fosse commune du cimetière de Clermont. Tragique et misérable fin de vie pour une artiste si unique et autodidacte. Encore aujourd’hui son oeuvre est encore bien mal connue du grand public, c’est pourquoi nous vous invitons pour en savoir plus sur sa vie à écouter et regarder ce court hommage à Séraphine Louis diffusé le 18 avril 1969 sur l’ORTF : Picardie – Sur les pas de Séraphine à Senlis

Cet article n’engage que son auteure ! 

Article de : Mariette Boudgourd

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[Portrait de personnalités inspirantes – André Malraux]

André Malraux est né le 3 novembre 1901 à Paris d’un père appartenant à une famille de tonneliers et d’une mère fille d’épicier. Il grandit avec cette dernière à Bondy après la séparation puis le divorce de ses parents. C’est dans cette ville qu’il commence sa scolarité, plus tard il renoncera au baccalauréat, n’ayant pu intégrer le lycée Condorcet.

Commence alors son éducation autodidacte, André Malraux apprend le sanskrit et le chinois à l’École des langues orientales, fréquente l’École française d’Extrême-Orient et celle du Louvre, lit abondamment. Ce cumul de connaissances le mène à l’écriture de son premier article en janvier 1920 intitulé « Les origines de la poésie cubiste » pour la revue de lettres et d’idées Connaissance. L’année suivante c’est son premier livre qui voit le jour Lunes en papier, un ouvrage accompagné d’illustrations de Fernand Léger et publié par Kahnweiler, dédié au poète Max Jacob qu’il admire.

Son mariage le 21 octobre 1921 avec Clara Goldschmidt marque un tournant, lui octroyant une liberté matérielle qui donne vie à ce qui deviendra sa passion des voyages. Ils découvrent alors tous deux musées et nouvelles cultures.

C’est en octobre 1923, lors d’une mission archéologique au temple cambodgien d’Angkor, qu’André Malraux et Louis Chevasson scient et dégradent des sculptures du temple de Banteay Srei. Ils sont alors inculpés par les autorités mais laissés en liberté.

Le duo Malraux / Chevasson fait une seconde fois face aux autorités, mais cette fois-ci de Saïgon, en 1924, tous deux condamnés à des peines de prison ferme. Malraux était alors en contact avec les chefs révolutionnaires annamites, chinois et soviétiques, prenant part à la création du mouvement Jeune Annam perçu comme l’ancêtre du Viet-Minh. La peine sera toutefois en appel transformée en un an de prison avec sursis.

L’engagement de Malraux ne prend pas fin avec son retour en France.

Il milite contre le colonialisme :

En 1925 il crée avec l’avocat Paul Monin L’Indochine (qui après rachat devient L’Indochine enchainée), journal anticolonialiste. Il rencontre en Chine des agents du Kuomintang, visite l’Inde, l’Afghanistan, le Japon. Ses nombreux écrits reflètent alors son engagement, son attachement pour le continent asiatique et sa considération pour sa population. Il remporte ainsi le 7 décembre 1933 le prix Goncourt pour La condition humaine.

Il est militant anti-fasciste :

André Malraux s’engage également en 1936 pour la cause des républicains pendant la guerre d’Espagne. Il y prend part en tant qu’aviateur, créant et dirigeant l’escadrille España composée de volontaires. En 1937 il se rend aux États-Unis, cherchant des soutiens et des fonds pour les hôpitaux espagnols.

Le pacte germano-soviétique de 1939 marque sa séparation du communisme. En 1940 il est mobilisé dans les chars, blessé, fait prisonnier mais parvient à s’échapper en zone libre. Il entre à terme dans la résistance française.

De cet engagement dans la résistance résulte la rencontre avec Charles de Gaulle dont il devient, en août 1945, le conseiller culturel pendant la gouvernance provisoire. En novembre de la même année, il est nommé ministre de l’information.

Pendant la fin des années 1940 et les années 1950 André Malraux donne des conférences comme « L’homme et la culture » en Sorbonne et publie des ouvrages portant sur l’art et la culture. Il reprend également ses voyages.

C’est en 1959 qu’il est nommé Ministre d’État puis ministre d’État chargé des affaires culturelles. Il donne alors de nombreux discours dans le cadre de ses fonctions, notamment le 8 mars 1960, alors président de la cérémonie rendue au siège de l’UNESCO inaugurant la campagne internationale pour la sauvegarde des monuments de la Nubie.

Suite à sa rencontre avec John Fitzgerald Kennedy il est désigné pour accompagner la Joconde aux États-Unis en 1963.

Il inaugure également nombre de maisons de la culture, établissements créés dès 1961 à son initiative visant à rendre la culture accessible à tous.

Mais c’est son oraison funèbre de 1964 pour l’entrée de Jean Moulin au Panthéon qui marque les esprits avec la formulation « Entre ici Jean Moulin (…) ».

André Malraux quitte le gouvernement le 28 avril 1969 après la démission du Général de Gaulle.

Avec les années 1970, il entre dans sa dernière décennie marquée par l’enregistrement d’entretiens avec Jean-Marie Drot de 1974 à 1976 pour l’émission de télévision « Journal de Voyage avec André Malraux à la recherche des arts du monde entier ».

André Malraux décède le 23 novembre 1976. Un hommage national lui est rendu dans la cour carrée du Louvre quatre jours plus tard. Ses cendres sont à leur tour transférées au Panthéon le 23 novembre 1996.

Article de : Yacine Navenot

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