[UNESCO à l’antenne #2 : étudiant.e.s précaires, étudiant.e.s délaissé.e.s avec Bérangère Poncet]

À la veille de la journée mondiale de l’éducation, l’association a choisi de donner la parole à Bérangère Poncet,  présidente de l’Association Générale des Étudiants de Paris, l’AGEP, depuis 2019 pour parler d’un sujet important malheureusement d’actualité : la précarité étudiante. 

Un sujet qui nous tient à cœur, au plus près de nos propres réalités d’étudiant.e.s, nous parlons dans ce podcast des conséquences de la pandémie sur la précarité des étudiants, ainsi que de la détresse émotionnelle qu’elle suppose. 

Nous évoquons aussi les aides mises en place et les solutions alimentaire, psychologique entre autres mises à la disposition des étudiants.  

Encore un grand merci à Bérangère Poncet pour sa confiance ! 

Bon courage à tous et toutes pour ce nouveau semestre durant lequel SONU va vous accompagner 💪

Vous pouvez retrouver ce podcast sur de nombreuses plateformes de podcast : Apple Podcasts, Spotify, Anchor, Breaker, Google Podcasts, Overcast, Pocket Casts, Radio Public 🎶. 

↪ Si vous êtes en situation de précarité, ou estimez avoir besoin d’aide alimentaire ☕

↪ Lignes d’écoute et aides psychologiques👂

↪ Emplois étudiants, quelles aides ? 

Bonne écoute 🎶

Version Script du podcast : UNESCO à l’antenne #2 : étudiant.e.s précaires, étudiant.e.s délaissé.e.s avec Bérangère Poncet 

Marianne Condette : Bonjour à toutes et à tous, vous écoutez Mariette Boudgourd, Marianne Condette et Sana Tekaïa pour ce second podcast de l’antenne UNESCO de SONU. Dans ces podcasts nous abordons les thématiques chères à l’UNESCO, dans le but de sensibiliser les étudiants et instaurer un débat, une réflexion autour de problématiques actuelles qui touchent à l’éducation, à la préservation des biens culturels, aux sciences. 

Aujourd’hui nous allons parler de la précarité étudiante : nous allons traiter de la situation des étudiants en temps de pandémie. La question de la précarité est un problème fondamental auquel l’UNESCO tente de remédier. En effet, l’UNESCO prône un égal accès à l’éducation dans de bonnes conditions. La précarité, source d’instabilité et de rupture sociale pour de très nombreux étudiants, contraint les étudiants en situation de précarité à poursuivre leurs études dans une situation d’insécurité financière et peut les amener à devoir cumuler des jobs à côté de leurs études. L’UNESCO a, à de nombreuses reprises, témoigné de son engagement pour favoriser une éducation égalitaire, cherchant à garantir ce droit fondamental. 

La Coalition Mondiale pour l’éducation a, par exemple, été lancée par l’UNESCO en mars 2020 pour répondre à la crise éducative liée à la pandémie de Covid-19. Cette coalition est une plate-forme de collaboration et d’échange qui tend à protéger le droit à l’éducation pendant et après la pandémie. La pandémie de Covid-19 ayant fortement accru la situation précaire de certains étudiants, elle représente un véritable défi pour permettre à chacun d’étudier dans les meilleures conditions. 

Avant toute chose, je rappelle que la réflexion menée au cours de ce podcast n’implique que ses protagonistes. Aujourd’hui nous recevons Bérangère Poncet, présidente de l’AGEP pour son deuxième mandat consécutif. 

Marianne Condette :  Bonjour Bérangère Poncet.

Bérangère Poncet : Bonjour.

Marianne Condette : Merci d’avoir accepté de participer à notre podcast aujourd’hui. Tu es donc originaire de Lyon et tu es étudiante à l’école d’orthophonie de l’université Sorbonne, que tu as intégré en 2018. Tu es présidente de l’Association Générale des Etudiants de Paris, l’AGEP, depuis 2019 et tu t’es engagée tout au long de ta vie étudiante pour assurer le bien-être des étudiants ainsi que leur santé mentale et physique. 

L’AGEP, si on fait un petit résumé, c’est une fédération territoriale qui permet de fédérer et de représenter l’ensemble des étudiants de la ville de Paris. Mais l’un de vos objectifs, et c’est justement pour ça que tu as accepté de témoigner aujourd’hui, c’est de lutter contre la précarité étudiante. 

Lors de la crise de la Covid-19, la précarité de certaines étudiantes et certains étudiants s’est fortement accrue, parce qu’ils dépendaient jusqu’ici de jobs étudiants ou de bourses alimentaires à côté de leurs études. Est-ce qu’au sein de l’AGEP, vous avez été témoins lors de ce deuxième confinement et des couvre-feux etc. d’une augmentation de la précarité étudiante ? 

Et quels sont les critères pour pouvoir faire un dossier ? 

Bérangère Poncet : Alors du coup pour bénéficier de l’AGORAE, on calcule un reste à vivre. Donc en fait, on récupère les entrées et les sorties d’argent dans le mois et il faut que le reste à vivre soit en dessous de 7,60 €. 7,60 €, ça correspond à deux fois 3,30 €, donc le prix d’un repas au CROUS et 1 € le petit déjeuner. S’il est en dessous de 7,60 €, il peut être bénéficiaire de l’AGORAE. C’est-à-dire que c’est un étudiant qui doit avoir un « surplus » de 200 € par mois. Après on regarde aussi les autres dépenses, on essaye de dire s’il y a un loyer excessivement cher, on essaie de voir comment l’étudiant peut mieux gérer ses dépenses. 

Derrière, il y a aussi l’accompagnement social. C’est vraiment une épicerie sociale et solidaire, le but c’est aussi de le ramener à une vie sociale puisque les étudiants qui sont en situation précaire ne peuvent pas sortir. Évidemment personne ne peut vraiment sortir pour ses activités, mais en temps normal les étudiants précaires sont ceux qui ne peuvent pas aller boire un verre, aller au cinéma etc. 

Marianne Condette : Est-ce que tu aurais des chiffres particuliers qui témoigneraient … Par exemple au niveau de l’emploi, est-ce que tu aurais des chiffres qui témoigneraient d’une perte forte d’emplois liée justement à la Covid-19 ? 

Bérangère Poncet : Oui tout à fait. Donc la FAGE, qui est la Fédération d’Associations Générale Étudiante, donc qui est notre organisation nationale, a réalisé une étude avec IPSOS sur le premier confinement. Donc, il y avait 74 % des étudiants qui avaient arrêté leur travail, parce qu’ils avaient été obligés de l’arrêter. Dont, je crois que c’est 1 sur 10 qui n’ont jamais repris, ceux qui n’ont pas pu avoir de suite. 

Sana Tekaïa : Est-ce que vous pourriez nous expliquer les systèmes d’aide contre la précarité qui ont pu être mis en place que ce soit au niveau des universités ou alors plus de manière locale ou même au niveau national ?

Bérangère Poncet : Tout à fait. Donc sur le premier confinement, on a pu un peu voir différentes phases à partir de la crise. Donc sur le premier confinement, ça a été très long, il y a eu peu de dispositifs mis en place. Nous on a dû fermer nos AGORAE parce que le premier confinement était très strict. On ne voulait pas mettre en danger nos volontaires en service civique. Donc on avait décidé de fermer nos AGORAE. Mais au bout de quelques semaines, on s’est dit qu’il fallait quand même qu’on aide les étudiants parce que la plupart d’entre eux ont perdu leur travail et n’ont plus de revenu. On s’est mis à faire des distributions alimentaires avec nos propres moyens. Les premières distributions étaient on va dire simples. On les a arrêtées durant l’été parce que les bénévoles partaient un peu tous en vacances, puis après il y a eu la sortie du confinement. Et après partout en France dans notre réseau associatif, un peu tout le monde s’est mis à faire des distributions alimentaires. Donc c’était parfois avec le CROUS. Le CROUS de Paris n’a pas forcément contacté, mis en place des distributions de paniers. 

À la rentrée, on s’est rendu compte que la situation ne s’améliorait pas, voire qu’elle s’empirait que beaucoup d’étudiants n’avaient pas pu reprendre le travail étudiant, qu’ils n’avaient pas pu travailler cet été. Donc beaucoup d’étudiants qui travaillent l’été pour avoir une grosse somme toute l’année à utiliser n’avaient rien du tout. Donc comment aider ses étudiants-là qui étaient quand même obligés de payer un loyer, surtout un loyer parisien ou francilien qui est quand même plus élevé qu’ailleurs. 

À la rentrée, on a pu rouvrir nos AGORAE, ça a vraiment été un soulagement. À côté, on s’est rendu compte qu’il fallait qu’on continue. Donc sur le deuxième confinement, on a mis en place des distributions mais à plus grande échelle. C’était entre 400-700 paniers qui étaient distribués les samedis. Les formulaires se remplissaient en 24 heures. Donc, on s’est vraiment rendu compte du besoin et de cette cruelle précarité qui était là, c’est-à-dire que les étudiants attendaient toutes les semaines notre formulaire. 

Ça c’était plus pour les initiatives étudiantes que l’AGEP a pu mettre en place. À côté de ça, dès le premier confinement, les universités ont mis en place des aides sociales. Les universités mettent en place des aides sociales tout le temps, sauf que les étudiants sont souvent très rarement informés de ces initiatives d’aides sociales.  Par exemple, il y a de gros frais qui vont être avancés pour ceux qui ne peuvent pas aider à payer ces frais, des réparations, de voiture. C’est justifié, ce sont des commissions qui se déroulent. Là, avec toute cette crise, les universités se sont mobilisées pour aider encore plus d’étudiants et mettre en place soit des aides sociales d’urgence, donc avec moins de commissions, des dossiers un peu plus simplifiés et des critères un peu plus simples. Après, chaque université a un peu fonctionné différemment. Panthéon-Sorbonne, c’était une aide, c’était un montant directement attribué aux étudiants. À la Sorbonne-Université, c’était un dossier et on attribuait un montant en fonction de ce que l’étudiant demandait. On se disait que cet étudiant avait besoin d’un ordinateur, de quoi se nourrir et payer son loyer, on mettait des montants pour chacun de ces critères et on lui donnait une somme et on essayait de donner pour 2 ou 3 mois pour que l’étudiant n’ait pas à refaire des dossiers toutes les semaines. Donc les universités ont plus ou moins toutes bien réussi à mettre cela en place ou à gérer le nombre de dossiers. Le problème, c’est que quand on fait de la communication là-dessus avec le nombre d’étudiants qui étaient précaires, les assistantes sociales n’avaient pas forcément réussi à tout traiter. Mais ce sont les aléas des services sociaux. 

Derrière il y avait aussi le CROUS, donc qui est le service public des œuvres universitaires et scolaires et qui a pu aussi mettre en place des aides sociales d’urgence avec des conditions beaucoup plus régulières et qui a pu attribuer aussi beaucoup d’aides aux étudiants. Le CROUS qui là est encore disponible, donc s’il y a un étudiant qui est encore en difficulté financière, il ne faut vraiment pas hésiter à se rendre sur le site de son université pour regarder les aides qui sont disponibles ou se rendre sur le site du CROUS pour aussi avoir des aides, sachant qu’elles sont cumulables. 

Derrière, il y a d’autres initiatives depuis la rentrée qui sont créées à Paris de distribution alimentaire, par exemple avec Linkee, qui distribue dans le 18ème et dans le 13ème arrondissement des paniers. Il y a l’association Co’p1, il y a les restos du cœur, le secours populaire.  Il y a beaucoup d’initiatives mises en place pour aider les étudiants surtout pour l’aide alimentaire et les produits de première nécessité donc d’hygiène et d’entretien. 

Sana Tekaia : Et au niveau national les étudiants avaient-ils droit à une aide de l’Etat ? 

Bérangère Poncet : Alors l’État a mis en place deux aides, la première c’était une aide de 200 euros accordées aux jeunes il me semble. Les critères étaient très restreints, le problème c’est que le gouvernement réagit beaucoup trop tard sur ce qui se passe. En plus ils sont à côté de la plaque donc il y a des aides mais jamais adaptés aux bonnes personnes. Évidemment, ceux qui en ont bénéficié étaient forcément nécessiteux c’est pas ça le problème. Là cette année le boursiers ont reçu 150 euros de plus, ça c’est une bonne initiative mais le problème c’est que la bourse sur critères sociaux, elle est désuète, injuste. Elle ne correspond pas aux situations des étudiants, on demande une linéarisation des bourses et que ça soit plus une bourse sur critères sociaux mais une aide globale indépendante. On aide toujours les mêmes, les boursiers. Par exemple, pour Sorbonne Université, un Welcome pack numérique mis en place où la priorité était au boursier. Il faut sortir de cette idée que tous les étudiants précaires sont boursiers parce que ce n’est pas le cas en fait. Il y a des étudiants boursiers qui sans rouler sur l’or ne sont pas en situation de précarité. Mais il y a de l’autre côté les trous dans la raquette les étudiants internationaux qui n’ont droit à aucune aide, donc pas aux aides sur critères sociaux. Après il y a tous les étudiants qui sont à la limite du premier échelon de la bourse mais qui n’ont pas ces ressources là. On pense aussi à tous les étudiants en rupture familiale vu que la bourse recrute par rapport aux revenus de ces parents. Il y a pleins de problématiques comme ça, que l’on peut reprocher à la bourse aux critères sociaux ou à ce qui est mis en place par l’État. Ce sont des bonnes intentions mais qui ne suffisent pas, et souvent à côté de la plaque pour pouvoir aider ceux qui en ont réellement besoin. 

(interlude musicale)

Mariette Boudgourd :  Cette année, la pandémie a laissé en dehors des classes presque 1,6 milliards d’apprenants dans plus de 190 pays. Soit 90 % de la population apprenante mondiale. Un impact sur l’éducation tel qu’il a poussé l’Unesco a lancer dès mars 2020 la coalition mondiale pour l’éducation. 150 membres des Nations unies et de la société civile, des académies se sont ainsi rassemblés pour permettre une meilleure connectivité numérique entre les enseignants et les élèves pour parvenir à limiter le décrochage scolaire. Un programme mondial qui soutient les pays  notamment en Afrique en partenariat avec des géants du numérique pour assurer la continuité. 

(interlude musicale)

Sana Tekaia : Justement par rapport aux étudiants internationaux, est-ce qu’il y a eu des aides mises en place quand même ou rien du tout ? 

Bérangère Poncet : Rien du tout, pas à ma connaissance. Ils ont droit aux aides de l’université ou aux aides d’urgence du CROUS. Mais en plus les étudiants internationaux ils ne parlent pas forcément bien français, donc tous les dossiers ne sont pas forcément traduits en anglais ou dans toutes les langues. Donc les étudiants qui sont fragilisés, sont toujours ceux qui le sont le plus au moment des crises. 

Mariette Boudgourd :  Pour rebondir par rapport à ce que vous aviez dit sur le gouvernement, sur le système d’aide à l’emploi, le gouvernement avait annoncé le 12 novembre 2002 la création de 1600 emplois étudiants supplémentaires. Est ce que vous pensez que ce qui a été mis en place est suffisant ? Est ce que ça a répondu suffisamment… même si il semble que pas vraiment. 

Bérangère Poncet : Non non il y a 20 % de jeunes en France qui sont en situation de précarité donc ce n’est pas avec 1600 emplois étudiants qu’on va régler le problème. Surtout qu’on connait très bien les conséquences que l’emploi étudiant a. On a déjà tous nos cours à gérer, travail perso, si on est tout seul dans notre appartement on a toutes les tâches ménagères : faire à manger, faire ses courses qui prennent du temps. En situation de crise sanitaire, ou de redondance confinement/couvre-feu etc clairement on arrive à un point où entre guillemets on en peut plus. Je ne sais pas quel étudiant se dit : “tiens je vais me rajouter à ma santé mentale un petit emploi étudiant”. Ceux qui vont le faire c’est ceux qui ne peuvent plus se nourrir donc c’est ceux qui sont les plus fragilisés. C’est pareil on a créé plus de 20 000 emplois de tuteurs en France, et c’est toujours le même problème on crée des emplois étudiants mais ce n’est pas le salariat étudiant qui va sauver l’étudiant. Après c’est à double tranchant, par exemple l’ouverture de 20 000 postes de tutorat c’est intéressant dans le sens où le tutorat peut remettre du lien social mais ça rajoute des heures à ses étudiants là. Juste derrière les universités ne sont pas capables d’encadrer les étudiants et de les accompagner dans ce travail en plus. C’est un cercle vicieux, où ce sont de bonnes initiatives, c’est pareil les 1600 emplois dans les résidences CROUS c’est pour favoriser le lien social etc, mais c’est jamais des choses très bien encadrés. Quand cette annonce a été faite, il n’y avait aucun texte qui l’encadrait, on ne savait pas comment ils allaient être payés, à combien. Finalement c’est au SMIC donc tout va bien il y a des bonnes initiatives mais qui ne sont jamais cadrées, avec des conséquences qui ne sont pas forcément bonnes pour les étudiants. 

Mariette Boudgourd :  Vous y avez déjà un peu répondu là, mais en règle générale est ce qu’il y a un suivi des étudiants pour la recherche d’un emploi ? 

Bérangère Poncet : Dans la recherche d’un emploi il me semble pas… Les universités peuvent dès fois communiquer, ou le CROUS à une mission qui est l’emploi étudiant qui communique sur sa plateforme d’aide à l’emploi mais il y a rarement de l’accompagnement. Après pour les emplois étudiants à l’université il me semble que c’est encadré, qu’il y a du suivi et de la communication sur les emplois etc. Après pour le reste il y a un statut qui existe pour les étudiants salariés, mais il n’est pas adapté à la réalité et ne fonctionne pas avec ce que les étudiants vivent vraiment. 

Mariette Boudgourd : Je me permets juste une réflexion que je vous pose, vous traitez surtout de la question des étudiants mais est ce que la question des jeunes actifs qui sont depuis deux ans sans emploi dans un entre deux entre étudiant et actif est traitée ? 

Bérangère Poncet : On ne la traite pas beaucoup, mais on va dire qu’on la traite au niveau national c’est à dire qu’on est au courant des difficultés. Par exemple, un jeune qui nous contacte, on va être capable de lui répondre et de lui donner des pistes. Il y a eu des initiatives comme un jeune, une solution je ne sais pas si vous en avez entendu parler pour les jeunes actifs, il y a la garantie jeune. C’est toujours pareil, bon je passe pour quelqu’un d’hyper critique mais la garantie jeune ça va pas, ça n’est pas un dispositif qui correspond à tous, c’est quelque chose qui est pas assez cadré. Même le plan d’un jeune a une solution, moi mon petit frère je lui en ai parlé et il m’a dit « bah  je suis allé dessus cette plateforme elle est pété ». 

Mariette Boudgourd : Concernant la plus grande solution que traversent les étudiants en situation de précarité qui est une précarité en soi, est ce qu’il existe des solutions vers lesquelles les étudiants peuvent se tourner ? On a entendu parler récemment de certaines plateformes d’écoute…

Bérangère Poncet : Tout à fait, c’est la grande problématique sur laquelle les associations étudiantes, les étudiants, tout le monde va devoir travailler et communiquer. On a Night Line une ligne d’écoute le soir pour les étudiants. Ce qui est intéressant parce qu’un psychologue gratuit ou non travaille la journée, donc si un étudiant à cours toute la journée il ne va pas forcément pouvoir en bénéficier. En plus de Night line il y a les services universitaires de santé les SIUMPPS qui proposent des séances psychologiques gratuites. Pareil le problème c’est que souvent le service manque du moyen et de personnel, celui du Paris 1 et des universités de Paris actuellement les délais d’attente sont monstrueux pour obtenir un rendez vous. En revanche, celui de la Sorbonne université et du Paris II Panthéon-Assas fonctionne bien en ce moment. Il y a des places disponibles pour des séances de psychologie. Il y a des permanences sans rendez-vous qui vont être remises en place en présentiel à partir de la semaine prochaine. Ce sont des dispositifs soit que les étudiants ne connaissent pas, soit ils ont des préjugés en se disant que ça ne va pas fonctionner, être trop long ou la peur, ou le non recours qui est énorme. Il y a aussi APASO une ligne d’écoute et la FAGE qui a mis en place un dispositif pour prendre rendez-vous avec une psychologue directement. Sur tout ce qui est santé mentale il y a le site soutien-étudiant.fr créé pour soutenir les étudiants, et qui par académies répertorie tous les services de santé pour les étudiants. On retrouve tout ce qu’on vient de citer ci- dessus. 

Mariette Boudgourd : J’avais une autre question qui me vient, par rapport à la “province” entre guillemet parce que j’en viens, et Paris est ce qu’on remarque que la précarité est beaucoup plus accentuée à Paris et en banlieue parisienne ? Ou est ce que c’est plutôt homogène…

Bérangère Poncet : Je pense qu’actuellement c’est homogène, après le critère que l’on a c’est les distributions et les AGORAE qui ont fonctionné de la même manière à Marseille, Lyon, Poitiers que Paris. Les AGORAE c’est aussi en fonction du nombre d’étudiants il faudrait regarder les pourcentages, mais dans les grandes villes par exemple à Strasbourg il y a des distributions et c’est de l’ordre de 1000 personnes qui se font aider par semaine. A Lyon à un moment ils avaient le même chiffre, c’était 1000 personnes par semaine. Forcément ça reste des grosses villes, où les loyers sont chers, à Paris il y a plus de frais bien sûr mais la précarité elle est présente partout. 

Marianne Condette : J’ai encore une autre question, parce que vous nous avez expliqué que pour avoir le droit à un certain type d’aide il faut remplir certains dossiers mais est ce qu’il existe un accompagnement pour aider les étudiants à remplir les dossiers ? 

Bérangère Poncet : Pas à ma connaissance, nous par exemple si un étudiant à des difficultés pour remplir un dossier pour l’AGORAE on va évidemment l’aider et l’accompagner. Mais après à l’université je suis pas sur. Après si l’étudiant fait la démarche de, et qu’il dit voilà je n’arrive pas à compléter mon dossier il sera peut être accompagné. Souvent les démarches administratives sont longues ce qui explique que les étudiants ne demandent pas d’aide ou abandonnent en faisant leur dossier parce que c’est trop long, et il y a trop de papiers qui sont demandés. 

Mariette Boudgourd : Comment vous vous projetez dans ce deuxième semestre pour les étudiants qui vont se faire à distance et probablement confinés ..?

Bérangère Poncet : C’est compliqué (rire), honnêtement on va pas se mentir ça va être compliqué ! Il y a trois grands combats: lutter contre le décrochage scolaire, lutter contre le mal être et lutter contre la précarité. C’est les trois combats que l’AGEP va tenter de mener, là pour la précarité on distribue des repas chauds tous les soirs. Donc si jamais des étudiants écoutent ce podcast et qui ont besoin d’aide tous les soirs il faut se rendre sur la page facebook de l’AGORAE et de l’AGEP pour pouvoir s’inscrire. On fera de la communication régulièrement, après le décrochage et la santé mentale on va voir ce qui est possible. mais voilà il y a déjà pas mal d’aides mise en place pour la santé mentale sur Paris, donc n’hésitez vraiment pas à vous renseigner et à voir quels sont les dispositifs. Et sur le décrochage scolaire, pour l’instant il n’y pas vraiment de solution, on tente de mettre en place des séances de tutorat, d’entraide entre étudiants. On va voir comment les universités vont anticiper ce second semestre parce que là elles se rendent bien compte qu’on ne peut pas faire comme si de rien n’était comme si dans deux mois elles allaient retourner sur les campus. Les universités pour la plupart sont pour un retour, c’est surtout au niveau du gouvernement que ça bloque et ça a de réelles problématiques parce qu’au final on est des personnes en construction, qui ont besoin d’interactions sociales. On est un peu les oubliés de la crise, il faut se le dire ! Donc on espère que le gouvernement réagisse vraiment sur la réalité des choses et du fait que ça devient difficile pour tout le monde…C’est pas une note positive désolé (rire).

Mariette Boudgourd : Mais vous pensez que la médiatisation en cours va faire bouger les choses là dessus sur les mesures qui vont être prise pour les étudiants, ou ça risque d’être que pour les lycéens, et le secondaire que ça va bouger pour la reprise des cours…Enfin vous ne pouvez pas savoir mais..

Bérangère Poncet : J’espère, j’espère que la médiatisation,tout ce qui se passe va faire bouger les choses. On essaye au niveau national des discussions sont mises en place pour faire comprendre que là on va arriver sur une situation de non retour, qui n’est plus maîtrisable donc si aucune mesure n’est mise en place. Qu’il n’y a pas d’accompagnement et des universités et des étudiants cela va faire une génération de sacrifiés.. enfin ça l’est déjà un semestre et demi, et surtout à Paris avant la crise les grèves des transports, des réformes par rapport à l’enseignement supérieur donc ça fait un moment que les étudiants sont impactés et ne peuvent pas réalisés leurs études et leur formation dans de bonnes conditions. Voilà après j’ai pas l’impression que le gouvernement réagisse vraiment à la médiatisation des malheurs des étudiants donc peut être qu’ils vont se réveiller et se dire à oui en effet (rire) mais…

Mariette Boudgourd : Merci beaucoup !

Bérangère Poncet :  Merci 

(interlude musicale)

Mariette Boudgourd : Merci pour votre écoute, vous pouvez retrouvez notre podcast sur toutes les plateformes audio ou sur notre blog ou il sera également retranscrit en script n’hésitez pas à prolonger cette discussion en commentaire et à partager vos expériences. À très vite ! 

(interlude musicale)

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[Patrimoine mondial de l’UNESCO: Les paysages cariocas, entre océan, verdure et montagnes ]

Les paysages cariocas ont été les premiers à être classés en tant que paysages urbains par l’UNESCO. Cela peut se comprendre au vu de la beauté de la ville de Rio de Janeiro, et sa diversité paysagère qui se partage entre océan, verdure et montagnes.

La notion de paysage peut être assez vaste et l’on peut se demander si c’est l’entièreté de la ville de Rio de Janeiro qui est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO ou seulement quelques éléments, puisqu’en soit, comme tout espace, elle est composée de nombreux paysages. Selon Géoconfluences un paysage est  » l’étendue d’un pays s’offrant à l’observateur. Derrière cette définition qui peut paraître simpliste se cache une notion qui a donné lieu à une abondante bibliographie et à de multiples approches. »

Le Christ Rédempteur, situé sur le Mont Corcovado, surplombe la ville et fait face au Pain de sucre

Dans le cas de la ville de Rio, les paysages classés par l’UNESCO sont délimités: ce sont les éléments naturels de la ville, soit les monts comme celui du Corcovado et du « Pain de Sucre » mais également les parcs comme le Parc national de Tijuca, ou bien le jardin botanique. Ces paysages s’étendent jusqu’à l’océan en comprenant les paysages de la plage de Copabana. Monts, verdure et océan, voici les trois mots clés pour définir les paysages cariocas classés. En somme l’UNESCO précise que les paysages classés sont ceux qui « incluent tous les plus beaux points de vue qui permettent d’apprécier la manière dont la nature a été façonnée pour devenir un élément culturel important de la ville. »

Le Parc national de Tijuca

Si la ville est si diverse dans ses paysages, c’est grâce à sa position géographique. Située dans la baie de Guanabara, elle est encerclée par les montagnes et les collines dont le plus haut sommet est le pic du Massif de Tijuca culminant à plus de 1021 mètres d’altitude. A cela se mêle la verdure omniprésente, qui se niche dans ces reliefs et se concentre notamment dans le Parc National de Tijuca où sont présents une faune et flore abondante, des sommets, des grottes et le fameux mont Corcovado où culmine le Christ Rédempteur.

La place de Copacabana, mondialement connue

Au milieu de ces reliefs et de cette verdure s’est développée la ville, dont l’architecture composée de grands bâtis tranche avec les couleurs et les formes du paysage naturel. La ville s’étend sur le littoral où l’on retrouve les fameux quartiers de Copacabana et Ipanema, dont les pavés noir et blanc des plages sont devenus de véritables éléments visuels qui ont inspiré les artistes du monde entier, et participent à faire rayonner culturellement la ville de Rio de Janeiro.

Les critères de séléction que respectent les paysages cariocas pour être intégrés au Patrimoine mondial

  • Le critère v (être un exemple de l’utilisation traditionnelle du territoire ou de la mer, qui soit représentatif d’une culture, ou de l’interaction humaine avec l’environnement): Le développement de la ville s’est fait entre la nature et la culture, non par un processus traditionnel mais par celui d’un mélange d’idées scientifiques, environnementales et paysagères.
  • Le critère vi (être directement ou matériellement associé à des événements ou des traditions vivantes, des idées, des croyances ou des œuvres artistiques et littéraires ayant une signification universelle exceptionnelle): Les paysages de la ville de Rio ont influencé de nombreux artistes du monde entier, et ont participé à faire rayonner la ville à échelle internationale, grâce à son impact culturel. La notoriété de la ville s’est fondée sur des éléments paysagers connus de tous comme le Pain de Sucre, le Christ Rédempteur, la plage de Copacabana et la baie de Guanabara, par où les portugais sont arrivés lors de la colonisation. Cette renommée contribue à faire de Rio l’une des villes les plus belles et les plus diverses au monde, et participe à sa réputation.

Les paysages cariocas sont protégés par des décrets instaurés par l’IPHAN. L’UNESCO explique que « L’Institut du patrimoine historique et artistique national (IPHAN) et ses prédécesseurs ont catalogué, depuis 1938, l’intégralité des sites et des structures individuelles définies pour la protection nationale. Ils comprennent aussi bien le parc national de Tijuca et les jardins botaniques que le manoir du Parque Lage, le parc du Flamengo, les collines Cara de Cão, Babilônia, Urca, Pain de Sucre, Dois Irmãos et Pedra da Gávea, le fort de São João, le fort de Santa Cruz et le paysage urbain des plages de Leme, Copacabana, Ipanema et Leblon. ». Cependant les paysages cariocas demeurent fragilisés au cours de ces dernières décennies par le bâti qui émerge constamment et s’étend sur les littoraux, ainsi que par la pollution des océans. Il faut donc respecter au mieux la ville et continuer de tout faire pour protéger ses richesses.

Pour en savoir plus:

  • Sur la notion de paysage: http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/paysage
  • Sur les paysages cariocas: https://whc.unesco.org/fr/list/1100/

Article écrit par Marina Deynat

Cet article n’engage que son auteur.e

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[Actualités de l’UNESCO: La 18e édition de la Semaine du Son de l’Unesco]

“L’association La Semaine du Son a pour but d’amener chaque être humain à prendre conscience que le sonore est un élément d’équilibre personnel fondamental dans sa relation aux autres et au monde, dans ses dimensions environnementale et sociétale, médicale, économique, industrielle et culturelle.” La charte de La Semaine du Son.  

Il faudrait écouter pour mieux voir. Hier, lundi 18 janvier, l’UNESCO a lancé sa 18e édition de la Semaine du son. Ce sont dix-huit années durant lesquelles l’Organisation met en éveil notre ouïe mais pas seulement. Au travers de cet événement, l’UNESCO vise à nous sensibiliser à l’expression musicale, l’enregistrement et la production du son, la santé auditive, la relation image et son, et, enfin, à l’environnement sonore.

L’objectif est de notamment attirer notre regard sur les changements climatiques, par le biais du son. La prise de conscience de l’urgence climatique passe aussi par la préoccupation de ces bruits qui nous manquent. L’idée est de mettre l’accent sur ces sons de la nature que la crise écologique menace de faire taire, tels que les bruits de la biodiversité d’une forêt, le chant des oiseaux en ville, le vent qui traverse le feuillage de l’arbre, le bruit de la mer apaisée.  

Pour chacune de ses éditions, la Semaine du Son sollicite des personnalités emblématiques du son, de la qualité sonore ou musicale, désireuses aussi de porter ses messages et de les partager avec leur public. Cette année, les parrains et marraines sont la cantatrice Natalie Dessay qui est attachée à la nécessité de mettre la musique dans la quotidienneté de nos vies, et le célèbre trompettiste Ibrahim Maalouf qui parlera notamment de la dimension politique du son, évoquant notamment la dimension sonore des guerres. 

Jusqu’au dimanche 24 janvier, c’est donc le son qui est mis à l’honneur par l’UNESCO, et ce, dans sa plus grande diversité : il sera question de penser l’environnement sonore, l’expérience, l’influence du son sur notre comportement ou encore santé auditive. 

Cette 18e édition se déroulera entièrement en ligne. Pour plus d’informations : https://www.lasemaineduson.org/la-semaine-du-son-de-l-unesco-2021 

Article de Jonathan Katende

Cet article n’engage que son auteur

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[La protection des sites préhistoriques français par l’UNESCO]

Saviez-vous qu’autant de temps séparait Lascaux et nous que Chauvet et Lascaux ? Ces deux grottes emblématiques de l’art rupestre sont classées au patrimoine mondial de l’UNESCO.

La Grotte ornée du Pont-d’Arc, dite Grotte Chauvet-Pont-d’Arc est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2014. Située en Ardèche, cette grotte est exceptionnelle car elle recèle les plus anciennes représentations picturales connues, correspondant à la période de l’aurignacien, entre 30 000 et 32 000 av JC selon la datation au C14 et surtout, pour leur état de conservation. Fermée par un éboulement il y a 20 000 ans, cette grotte resta scellée jusqu’à sa découverte en 1994.

Elle renferme plus de 1000 peintures pariétales d’une grande qualité esthétique, témoignant de la technique des hommes du paléolithique. Ils maîtrisaient l’estompe, la peinture combinée à la gravure, la précision anatomique ainsi que la représentation tridimensionnelle et du mouvement.

Si les figures humaines sont quasi peu existantes, les figures anthropomorphes et animalières dominent l’espace.  On retrouve aussi des mains rouges, positives et négatives ainsi que des ponctuations faites de la paume à l’oxyde de fer, formant des silhouettes animales. En particulier, les hommes ne représentaient pas forcément ce qu’ils chassaient : on trouve des représentations d’espèces animales difficiles à approcher tel que des mammouths, ours, lions des cavernes, rhinocéros, bisons, aurochs.

La grotte Chauvet est un témoignage exceptionnel de l’art rupestre préhistorique aussi bien pour la diversité des motifs représentés que des techniques employés, l’utilisation de couleurs et la précision anatomique.

Reproductions at the Museo del Mamut, Barcelona 2011

Le site bénéficie d’une haute protection nationale et d’une stratégie de conservation préventive, prévenant tout changement d’humidité ou de température pouvant endommager les dessins.

La grotte Chauvet contribue aussi à alimenter le débat sur la théorie d’un culte de l’ours. L’interprétation de l’art des cavernes évolue avec les découvertes, les nouvelles approches méthodologiques et le regard ethnographique, anthropologique ou encore par l’apport de l’histoire de l’art. Des typologies sont réalisées par les archéologues prenant en compte les couleurs employées, l’emplacement dans la grotte, les associations d’animaux particulières pour mieux comprendre le sens et la fonction de ces représentations. Diverses interprétations ont été faites au court du temps, de la théorie simpliste de l’art pour l’art au XIXe développant l’idée que si les hommes préhistoriques peignaient c’était seulement car ils n’avaient « que ça à faire »et cherchant à prouver la primitivité des hommes des cavernes en appuyant leurs maladresses, à l’observation d’une narrativité, des signes de représentation de la fécondité ou encore de la spiritualité : les grottes avaient-elles un sens magique, chamanique cosmogonique ou encore totémique ? les interprétations sont nombreuses et difficiles à prouver.

La grotte de Lascaux fut découverte en 1940 et marqua une date dans l’histoire de l’art préhistorique. Protégée par l’UNESCO avec 25 autres grottes ornées de la vallée de la Vézère, comportant plus de 150 gisements, Lascaux est connue pour ses grandes scènes de chasse aux compositions habiles regroupant une centaine de figures animales. Certaines peintures sont considérées comme des chefs-d’œuvre tel que La Vénus de Laussel. De nouvelles techniques sont observées tel que le soufflage, le tamponnage, l’utilisation de poils ou de fibres végétales comme pinceaux.

L’une des scènes les plus emblêmatiques de Lascaux est celle du Puits, on retrouve un homme à tête d’oiseau et au sexe dressé accompagné d’un objet peut-être un propulseur surmonté d’un oiseau et enfin, d’un rhinocéros s’éloignant. Contrairement à ce que l’on a longtemps pu penser, les animaux n’étaient de pas de simples figures individuelles juxtaposées mais bien des compositions pensées dans la relation des animaux les uns avec les autres.  

Article de Sana Tekaïa

Cet article n’engage que son auteur.e

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[Chronique scientifique (La tête en l’air): Les éclipses]

Dans le dernier épisode de [LA TÊTE EN L’AIR], nous expliquions l’origine des aurores polaires. Nous voilà maintenant trois semaines plus tard, et comme promis, nous allons nous intéresser aux éclipses !

En astronomie, le terme éclipse fait référence à l’occultation d’une source lumineuse provenant d’un astre lors de l’interposition d’un autre corps céleste. Trois types d’éclipses sont possibles en fonction de leurs positions l’un par rapport aux autres : les éclipses totales lorsque l’astre en question se fait « cacher » entièrement, les éclipses partielles lorsque celui-ci est « caché » seulement en partie, ainsi que les éclipses annulaires, un cas particulier de celles partielles dont la partie visible prend la forme d’un anneau. Depuis la Terre, les éclipses que nous pouvons observer sont celles lunaires et solaires. Ces dernières restent toutefois rares, nécessitant un certain nombre de conditions. 

Alors quelles sont ces conditions ? 

Comme leurs noms l’indiquent, une éclipse lunaire peut se produire quand la Terre glisse entre la Lune et le Soleil, alors qu’une éclipse solaire peut être observée lorsque la Lune se situe entre la Terre et le Soleil. Pour que la Lune ou le Soleil soit complètement caché, il faut que les centres de la Terre, du Soleil et de la Lune soient alignés. C’est cette exigence qui rend ce phénomène rare. En effet, le plan de l’orbite de la Terre autours du Soleil s’intitule écliptique, et ce dernier ne coïncide pas avec le plan elliptique de la Lune autour de la Terre (l’angle de la pente est d’environ 5°). Il y a ainsi seulement deux points sur la Trajectoire de la Lune qui traversent l’écliptique de la Terre : le noeud ascendant et le noeud descendent, et ce n’est qu’au côté de ces noeuds qu’un tel alignement des centres peut être possible. Toutefois, la ligne de ces deux noeuds ne s’aligne pas tout le temps avec le Soleil. Ainsi, les éclipses lunaires et solaires sont visibles lors de la même position de la Lune, à savoir la Pleine Lune pour une éclipse lunaire et la Nouvelle Lune pour une éclipse solaire. 

Maintenant, comment ces éclipses se produisent-elles concrètement ? 

Les éclipses de la Lune ne peuvent se produire que lorsque la distance entre la Lune et la Terre reste inférieure au diamètre de l’ombre de la Terre. Autrement dit, une telle éclipse a lieu en trois phases quand la Lune traverse l’ombre de la Terre sur la course de son orbite. Pendant la phase croissante, l’ombre s’apparait sur le côté Est de la Lune. La totalité s’en suit, avec la surface de la Lune de couleur rougeâtre dû à la déviation par l’atmosphère terrestre d’une partie de la lumière solaire. Par la suite, la Lune est progressivement éclairée à nouveau par le Soleil en sortant de l’ombre terrestre. Toutefois, la Lune ne rentre parfois pas entièrement dans le cône d’ombre, ce qui conduit à des éclipses partielles. (PS : comme la Lune s’éloigne de la Terre petit à petit et qu’il n’y aura plus d’éclipses totales dans quelques centaines de siècle.) 

Une éclipse solaire a quasiment la même durée – environ 3 heures. Elle est due à l’extrémité du cône d’ombre de la Lune qui atteint le globe terrestre. Ce cône forme une bande de totalité, dans laquelle les observateurs peuvent assister à des éclipses solaires totales. Le processus de ces dernières est plus compliqué que celui d’une éclipse de la Lune, avec 1h30 avant et après la totalité (c’est-à-dire le moment lorsque la Lune cache complètement le Soleil et que la couronne du Soleil autour du disque noir de la Lune se déploie). Toutefois, si la Lune et le Soleil ne sont pas alignés parfaitement, nous ne pouvons pas assister à la totalité, mais seulement à une éclipse partielle à la place. Cette dernière se reproduit plus souvent qu’une totale, et peut être observée dans un espace plus étendu puisque le cône du pénombre autour de celui d’ombre a un diamètre de 7000 km. Il existe encore un autre cas, où le cône d’ombre de la Lune n’arrive pas à atteindre la Terre. Lorsque cela arrive, nous pouvons assister à un anneau brillant du Soleil autour du disque de la Lune, et c’est ce que nous appelons une éclipse annulaire. Attention, n’oubliez pas de porter vos lunettes protectrices lors de l’observation et ne les enlevez pas une fois que la totalité n’est pas arrivée ou est déjà passée. 

Voilà nous arrivons à la fin de cet épisode et aussi à la fin de cette chronique. Nous espérons que nos articles vous ont plus, et que vous pourrez profiter pleinement des fêtes de fin d’année ! Le deuxième semestre réserve d’autres surprises que nous dévoilerons bientôt !

Cet article n’engage que son auteur. 

Texte rédigé par Qianwen Zhao

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[L’actualité du Mardi: le couscous et Tchernobyl, deux prétendants à l’entrée au patrimoine mondial de l’UNESCO]

  • Le couscous bientôt au patrimoine mondial de l’UNESCO ?

Le couscous, plat emblématique du Maghreb, pourrait figurer au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. C’est le souhait de quatre pays : l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie. Ils ont travaillé ensemble dans l’élaboration d’un dossier pour que ce plat, l’un des plus emblématiques de leur région, entre au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Les premières traces de l’apparition du couscous remontent au IIIe siècle avant Jésus-Christ au Maghreb. Il s’agit d’un mélange de semoule, de légumes, de viandes, d’épices et d’huile d’olive. Cette candidature à l’Unesco est présentée en ce moment même, et jusqu’au 19 décembre. C’est la dernière étape avant la reconnaissance mondiale du couscous. Si cet événement peut paraître anecdotique, il résulte d’un bras de fer diplomatique entre les pays concernés. Cette annonce est le fruit de longs mois de négociations entre les quatre pays. En 2016, l’Algérie avait commencé ces démarches de reconnaissance seule, ce qui avait provoqué la colère de ses voisins, revendiquant aussi la paternité du plat.

  • Tchernobyl, un nouveau site touristique inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO?

Dans un tout autre domaine, l’Ukraine souhaite inscrire Tchernobyl au patrimoine mondial de l’Unesco. En effet, le but est de protéger le site du temps et de développer l’activité touristique. Tchernobyl avait en effet atteint en 2019 le nombre record de 124.000 touristes. Avec l’aide d’experts, des programmes de voyage pourraient être organisés, visant à percevoir la zone comme un lieu de mémoire et d’apprentissage plutôt que comme un lieu purement touristique. L’Ukraine prépare un dossier pour le soumettre à l’Unesco début 2021. Pour rappel, figurer sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO nécessite de correspondre à au moins un des dix critères de sélection. Ces critères sont expliqués dans les Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial qui est le principal outil de travail pour tout ce qui concerne le patrimoine mondial.

Article de Charlotte Morel

Cet article n’engage que son auteur.e

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[Le Patrimoine mondial naturel de l’UNESCO: Les Dolomites]

Demain le 11 Décembre nous fêterons la journée internationale de la montagne. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de présenter aujourd’hui un site qui représente fièrement ce milieu si particulier : les Dolomites.

Présentation :

La chaîne de montagne des Dolomites se situe dans le nord des Alpes italiennes. Le périmètre Unesco couvre près de 142.000 hectares sur lesquels se répartissent 18 sommets de plus de 3000m. Le bien est classé pour la diversité des paysages spectaculaires qu’il propose : pics vertigineux, murailles calcaires parmi les plus hautes du monde, nature dynamique (éboulements, inondations, avalanches…)… Les Dolomites sont aujourd’hui un témoin inestimable de certaines évolutions géomorphologiques terrestres et un point d’appui d’importance internationale des sciences de la Terre. Le paysage “dolomitique” est ainsi considéré comme l’un des plus beaux paysages de montagne au monde et attire de nombreux scientifiques, sportifs et artistes passionnés.

Critère de sélection : 

Deux critères justifient l’inscription des Dolomites au classement des biens naturels du patrimoine mondial de l’Unesco. Pour en savoir plus sur les critères de sélection : https://whc.unesco.org/fr/criteres/  

Critère (vii) : “l’un des plus beaux paysages de montagne du monde. Sa beauté intrinsèque provient d’une diversité de formes verticales spectaculaires. […]. Le contraste entre les surfaces rocheuses nues, de couleur claire, et les forêts et prairies au dessous offre toute une harmonie de couleurs. Le paysage particulier des Dolomites est devenu l’archétype du paysage dit «dolomitique». Les géologues pionniers ont été les premiers à être captivés par la beauté des montagnes; leurs écrits puis les peintures et les photographies qui ont suivi soulignent l’attrait esthétique du bien.”

Critère (viii) : “Les Dolomites sont d’importance internationale pour la géomorphologie. […]. La région présente une grande diversité de reliefs fruits de l’érosion, de la tectonique et de la glaciation. La quantité et la concentration des formations calcaires extrêmement variées sont extraordinaires au plan mondial. […]. Les valeurs géologiques ont aussi une importance internationale. […]. Les Dolomites comprennent, en outre, plusieurs sections-types d’importance internationale de la stratigraphie du Trias. Les valeurs scientifiques du bien sont également renforcées par l’étude et la reconnaissance internationale dont les Dolomites sont depuis longtemps l’objet. Globalement, l’association entre les valeurs géomorphologiques et géologiques crée un bien d’importance mondiale.”

Gestion du site : 

Aujourd’hui, les Dolomites ont besoin d’être protégées face à la menace des activités humaines, notamment touristiques. Certaines zones, intensément mises en tourisme, sont soumises à des pressions fortes. Le plan de gestion prévoit des moyens humains, financiers et de coordination pour concilier protection des espaces et expérience des visiteurs. Le respect de la capacité de charge des lieux doit notamment permettre de préserver les qualités paysagères et la richesse naturelle du site afin que les générations futures puissent découvrir les valeurs exceptionnelles des Dolomites.

Source : https://whc.unesco.org/fr/list/1237

Cet article n’engage que son auteur

Florian D’INGEO

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[Article sur l’éducation: Nudo : La parole donnée aux étudiants, professeurs et lecteurs péruviens [2/2]]

    En Amérique Latine, les innovations éducatives visent à pallier les difficultés révélées – et aggravées – auxquelles tous les acteurs de l’éducation doivent faire face. Au Brésil, un professeur apporte les devoirs à ses élèves en moto ; au Mexique, la gérante d’un restaurant a créé une salle équipée et connectée à internet à l’arrière de sa camionnette… nombre d’actions solidaires ont vu le jour ces derniers mois. 

    Le 7 novembre dernier, nous avons pu rencontrer trois des créatrices du programme Nudo, ainsi que quatre élèves ayant publié sur la plateforme. Notre entretien de deux heures nous a permis d’aborder les nombreuses problématiques actuelles, et les solutions proposées par les professeurs et les élèves.

Source : page Facebook Nudo.pe

Les étudiants au cœur du processus éducatif

    Nudo, c’est un programme qui permet aux élèves péruviens de partager leurs recherches sous forme d’articles, de podcasts, de vidéos… visant à maintenir leur motivation. Les élèves travaillent sur les thèmes de l’amitié, de la solidarité, de leur communauté… à travers un traitement novateur. Dans ce sens, Vanessa Garavito et son étudiante Josely Choquehuanca ont publié la lecture du conte « La Cendrillon qui ne voulait pas manger de perdrix », remettant au goût du jour un conte traditionnel pour réfléchir sur les stéréotypes de genre. Les élèves de Vanessa ont aussi créé un « Parcours littéraire », pour que chacun puisse partager une histoire propre à sa communauté. 

Favoriser l’accès à la lecture est l’une des missions que Nudo remplit. L’interface permet aux professeurs de mettre à disposition des écrits accessibles à tous, via le programme Nudo Lectores et sa section « Leemos juntos » (lisons ensemble). Ce programme se veut révolutionnaire : il permet aux professeurs de diffuser des podcasts éducatifs respectant le programme scolaire déterminé par le ministère de l’éducation. Il existe également un agenda littéraire, le « Plan Lector », où les élèves comme les professeurs partagent leurs réflexions sur leurs lectures. 
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Source : capture d’écran du Zoom, le 7 novembre 2020

Tisser des liens entre élèves, professeurs, lecteurs sur la scène nationale

Comme nous le rappelle Eliany Vargas, le système éducatif péruvien présente des difficultés, même en temps normal. Au sein des écoles situées en zone urbaine, les étudiants n’ayant pas accès à Internet sont nombreux, et les appareils promis par le ministère n’arrivent pas à temps. Pourtant, une brèche plus profonde se creuse pour ce qui est des écoles situées en zones rurales. Les enjeux y sont autres : les élèves ne peuvent se connecter que le soir à partir de dix-neuf heures, car ils aident leurs familles à réaliser les travaux domestiques et agricoles au cours de la journée. Maintenir le contact avec leurs étudiants et leurs parents pour éviter le décrochage scolaire demeure le principal défi des professeurs. 

Si Eliany continuait à recevoir les travaux de ses étudiantes, elle a vite eu la volonté de les partager. Lire les textes de camarades situés dans d’autres régions, appartenant à d’autres communautés, et vivant différemment, permet aux élèves de vivre une expérience sensible nouvelle. Esly Trelles racontait en effet qu’elle aime lire des écrits d’autres régions, car elle y est transportée, et cela l’aide pour ses propres productions. Katherine Dominguez partageait qu’elle avait notamment découvert les pratiques des communautés vivant dans la forêt faisant partie de l’Amazonie. Nudo est en fait un cultivateur de voyages, mais aussi de rêves. Esther Torres a aimé se rendre compte que les lecteurs appréciaient ses histoires, et a pu concrétiser son projet de devenir une écrivaine, prévoyant la publication, prochaine nous l’espérons, d’un livre d’histoires.

Une initiative bien reçue par le grand public

Si Eliany Vargas a été la première à lancer son application, ses collègues Vanessa Garavito et Anabella Colan ont suivi, et le programme est devenu célèbre dans leurs villes. Les parents ont été les premiers à reconnaître le caractère stimulant du programme, et nombreux sont ceux qui se sont investis dans l’éducation de leurs enfants alors qu’ils en étaient plus loin auparavant. Les médias ont ensuite relayé l’application, qui a été portée aux responsables éducatifs aux niveaux local, régional, puis national. Pourtant, si le ministère de l’éducation a reconnu le programme et en a félicité ses créateurs, il n’a réalisé aucune action concrète. Il semble que le programme puisse en fait transcender les intérêts politiques pesant sur l’éducation, car il engendre des alliances qui laissent entrevoir des changements dans les années à venir. 

Le programme a en effet gagné une visibilité, puisque qu’Anabella Colan nous disait que des personnes de l’ONU veulent aujourd’hui entretenir un dialogue avec l’équipe Nudo. La volonté de cette dernière est de diversifier les formes de projets : les élèves veulent pouvoir proposer des vidéos, des affiches, des poèmes, et les professeurs veulent développer une radio scolaire à grande échelle. Dans les années à venir, le programme pourrait être partagé à un nombre élargi de pays hispanophones. L’innovation digitale dans l’éducation a encore bien des merveilles à nous partager.

Ecrit par Emma Letard-Kerbart

Cet article n’engage que son auteur.

Ecouter l’histoire de la « Cenicienta la cenicienta que no quería comer perdices » sur Facebook : https://m.facebook.com/watch/?v=366082427781650&_rdr

Ecouter la série “Te lo cuento desde casa” : https://anchor.fm/te-lo-cuento-desde-casa/episodes/Episodio-2–Cuento-1–Lola-Cuento-2—Las-princesas-incas-contra-el-Covid-19-elf7gh 

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[UNESCO à l’antenne #1 : Être étudiant.e.s en situation de handicap]

Bonjour à toutes et à tous ! Nous sommes ravies de vous présenter enfin le premier podcast de l’antenne UNESCO, à l’occasion de la journée internationale du handicap célébrée le 3 décembre. Un format qui devait voir le jour cette année et prend tout son sens en ce moment pour pallier à différentes rencontres physiques. Dans ses podcasts nous aborderons les thématiques chères à l’UNESCO, dans le but de sensibiliser les étudiants et instaurer un débat, une réflexion autour de problématiques actuelles qui touchent à l’éducation, de la préservation des biens culturels, des sciences etc. Nous allons traiter de la situation des étudiants en situation de handicap dans le système éducatif français, notamment en temps de pandémie. Une thématique sur l’éducation en temps de Covid que vous aurez l’occasion de retrouver prochainement lors d’une conférence organisée par l’antenne. Nous recevons deux étudiantes Héloïse et Mila pour parler de discriminations insidieuses, représentations médiatiques, de biopolitique en cette période de pandémie et d’enjeux professionnels. Nous rappelons que la réflexion menée au cours de ce podcast n’implique que ses protagonistes. Nous vous remercions de votre bienveillance pour ce premier podcast. Encore un grand merci à Héloïse et Mila pour leur témoignage et leur confiance ! Vous pouvez retrouver ce podcast sur de nombreuses plateformes de podcast : Apple Podcasts, Spotify, Anchor, Breaker, Google Podcasts, Overcast, Pocket Casts, Radio Public 🎶. 

Anchor: https://d3ctxlq1ktw2nl.cloudfront.net/staging/2020-12-02/586c4a4e3839d9b1ac5599b75d4f9914.m4a?fbclid=IwAR1AHukfI35J6DSa1MN3oOvzmtNhQYmAUQjRDV8P_c-r6HcRyFVWa73-MMM

Spotify: https://open.spotify.com/episode/4GiFdB2gbPgPAg9wtdKXJj?si=qC3W_g23TDib-YPk2czTQw&fbclid=IwAR10py3nfTzybW1tiyFCT9GLDgjK4TVdabAkbtq1lwxmx11SV76j1PZ27ds

 Bonne écoute !

👉Pour aller plus loin : 

  • Le documentaire Crip Cramp sur Netflix sur l’émergence aux États-Unis de la lutte pour les droits des personnes handicapées
  • Lire Michel Foucault sur la normalité, la pathologie et le biopouvoir
  • Voir le programme de l’UNESCO sur les personnes en situation de handicap 

👉 Version script podcast : UNESCO à l’antenne #1 : Être étudiant.e.s en situation de handicap 📻 

Mariette : Bonjour à toutes et à tous, vous écoutez Mariette Boudgourd, en charge de la réalisation de ce premier podcast de l’antenne UNESCO de SONU. Un format qui devait voir le jour cette année et prend tout son sens en ce moment pour pallier à différentes rencontres physiques. Dans ses podcasts nous aborderons les thématiques chères à l’UNESCO, dans le but de sensibiliser les étudiants et instaurer un débat, une réflexion autour de problématiques actuelles qui touchent à l’éducation, de la préservation des biens culturels, des sciences etc. 

Aujourd’hui nous allons parler d’éducation : puisque si l’on veut édifier des sociétés du savoir inclusives, et un accès à l’information et au savoir est essentiel pour permettre à tous les citoyens de devenir des membres créatifs et productifs de la société. Il est néanmoins important de noter quel type de discriminations touchent les personnes en situation de handicap et noter  les enjeux que celles-ci supposent. C’est pourquoi à l’occasion de la journée internationale du handicap, célébrée par l’UNESCO tous les 3 décembre et ce depuis 1992 : nous allons traiter de la situation des étudiants en situation de handicap dans le système éducatif français, notamment en temps de pandémie. Une thématique sur l’éducation en temps de Covid que vous aurez l’occasion de retrouver prochainement lors d’une conférence organisée par l’antenne. Avant toute chose, je rappelle que la réflexion menée au cours de ce podcast n’implique que ses protagonistes. et je vous remercie de votre bienveillance pour ce premier podcast. Donc aujourd’hui je reçois deux étudiantes, ou plutot une étudiante et une jeune active : Mila pour parler de Accès à l’enseignement, de discrimination et des enjeux de ses exclusions pour les personnes en situation de handicap dans l’insertion professionnelle. 

Mariette : J’espère que vous allez bien toutes les deux et je vais vous laisser vous présenter : 

Héloïse : Alors moi je m’appelle Héloise, je suis sourde profonde bilatérale et j’étudie donc dans une école de sciences sociales et voilà après je vis plutôt bien avec mon handicap pour l’instant 

Mila : Moi c’est Mila, je suis infirme moteur cérébral ou paralysé cérébral cela a deux noms. Je me déplace uniquement en fauteuil électrique ou manuel.  J’ai fait des études de psychologie clinique et je viens d’être diplômée. Et par rapport à mon handicap c’est plus apaisé qu’avant mais ça veut dire que j’ai encore du chemin à faire. 

Mariette : D’accord donc on va commencer avec une question assez large puis on va réduire la focale ensuite : Quel type de discrimination peut-on relever dans l’enseignement supérieur par rapport à vos expériences ? On peut éventuellement parler aussi d’intégration sociale ! Je ne sais pas qui veut commencer peut-être Mila..

Mila : Pour ma part, les discriminations ont été moins nombreuses dans l’enseignement supérieur qu’elles ne l’ont été au lycée et au collège. Par exemple, à l’université, je connaissais dès le début les aménagements que j’allais avoir, comme une  table de travail devant dans l’amphi , le tiers temps pour les examens, et j’ai pu choisir mes cours et faire mon emploi du temps avant les autres étudiants. Vu que j’ai une très grande fatigabilité, ça me permettait d’aménager mes cours plus tard dans la journée et de me lever plus tard.

Mariette : Et cette organisation marche- elle vraiment bien à l’université ?

Mila : Oui c’est vraiment mis en place, dans le sens ou il y a des étudiants qui sont payé pour prendre les cours pour vous et vous les envoyer. Ce qui n’est pas idéal c’est qu’ on ne choisit pas l’étudiant en question.

Mariette : Il n’y a pas de vérification des cours ?

Mila : Non, du tout.

Mariette : Dans tous les cas, ton quotidien doit être très fatigant… le fait de devoir changer de salles de TD tout au long de la journée.

Mila : Oui

Mariette : Et toi Héloïse ?

Héloïse : Alors par rapport à la question de savoir s’il y a plus de discriminations dans l’enseignement supérieur, je dirais que c’est assez mitigé parce que, il y a des discriminations dans le secondaire au Lycée, le truc c’est que dans l’enseignement supérieur on les retrouve mais on a plus de marge de manoeuvres pour les réduire, c’est à dire qu’on a beaucoup plus de droits, en terme de compensation, de moyens qui sont mis en place et du coup, les effets des discriminations s’en trouvent diminués. C’est vraiment une chose que j’ai remarquée en entrant dans les études Sup. Après, personnellement je suis dans une école qui a beaucoup de moyens financiers pour ses étudiants en situation de handicap et donc c’est vrai qu’il mettent beaucoup de choses en place. J’ai oublié de préciser dans la présentation de mon handicap, c’est que je suis appareillée à droite, ce qui me permets d’avoir une petite récupération auditive et je m’appuie essentiellement sur la lecture labiale. Donc par exemple dans mon école, ils ont mis en place un dispositif de saisie de texte, la vélotypie, qui permet le sous titrage en direct, comme vous avez pu le voir lors des discours officiels pendant le confinement. C’est un dispositif qui coûte très cher, environ 250 euros de l’heure et j’en bénéficie pour mes cours. C’est vraiment un luxe mais malheureusement des problèmes de coordination entre la cellule handicap, la régie, le professeur et le transcripteur font que parfois je n’ai pas le cours en temps réel. C’est pareil pour les preneurs de notes, suivant leur bonne volonté, parfois j’ai des copiés-collés des diapos et même en leur expliquant que ça n’est pas de la prise de note, ils font mine de ne pas comprendre. C’est plus une question de relation humaine mais après ce que je trouve compliqué dans la prise de note, c’est qu’on a un preneur de note différent par cours. Donc pour moi qui avait 8 cours différents en deuxième année, j’avais 8 preneurs de notes et donc 8 façons de prendre des notes différentes, 8 manières d’utiliser les abréviations différentes et que ça se répète à chaque semestre. Là je suis en troisième année ce qui fait 8×4 preneurs de notes différents. C’est une acclimatation qui au début est très compliquée à gérer et qui est très fatigante. Après concernant les  discriminations, j’ai eu beaucoup de problèmes par rapport aux professeurs surtout. Des professeurs qui ne veulent pas porter mon micro HF (haute fréquence) connecté à ma prothèse qui me permet de mieux entendre. Concrètement c’est comme un collier qui se porte autour du cou, ça ressemble en gros à un mini portable.  Donc beaucoup de professeurs qui ne veulent pas le porter.

Mariette : Et ca tu penses que c’est dû à un manque d’information, ou juste de la négligence de leur part ?

Héloïse : Les deux, il y a des professeurs qui ne veulent pas le porter parce qu’ils pensent que ça enregistre leur cours, donc je leur explique que non et donc ils acceptent de le porter et après il y a des gens qui refusent  parce que ce n’est pas esthétique, on me l’a déjà dit, d’autres professeurs qui oublient, ça les saoulent, ça les encombrent plus qu’autre chose..

Mila : Ce n’est pas dans leur tête, il faut comprendre qu’ils n’ont pas le handicap à l’esprit, ce qui est quelque chose de normal, mais du coup, ça ne fait pas partie de leur priorité et donc ils ont tendance à oublier.

Mariette : C’est quasiment en impensé..

Héloïse : C’est ca c’est ce qu’on se disait avec Mila, quand on en a parlé l’autre jour, c’est que la plupart du temps dans l’enseignement supérieur, c’est qu’on subit des discriminations, mais ce ne sont pas des discriminations par l’action, c’est à dire une personne qui va nous dire, ah tu es en fauteuil roulant, ben je ne vais pas te pousser pour t’embêter, ou je vais te pousser dans l’escalier, ou pour moi c’est pas, ah t’es sourde donc je vais te parler de dos pour pas que tu puisses me comprendre. Ce n’est pas ça, mais en fait ce sont des discriminations dites par omissions, c’est à dire qu’on va oublier (notre handicap) ce qui abouti à une situation de discrimination après et …

Mariette : c’est en plus difficile à…

Héloïse : c’est très insidieux en fait, les discriminations..

Mila : C’est très compliqué à expliquer à la personne, ensuite le but n’est pas de critiquer du tout les personnes valides, ce n’est pas ça, c’est un problème qui est plus général de société, tu vois, mais à force dans l’enseignement supérieur ça devient fatigant. Déjà les études c’est fatigant de base, mais voilà quand ça s’ajoute en plus ça peut vite faire une charge mentale assez importante.

Héloïse : du coup ce que je trouve assez compliqué c’est que c’est toujours à l’étudiant en situation de handicap, d’expliquer son handicap au preneur de notes et ça prend du temps. Ça prend vraiment beaucoup de temps et c’est normal, la personne peut avoir du mal à comprendre pourquoi il doit prendre des notes. Du coup il faudrait plus de formations en amont pour les preneurs de note de la part du service handicap, qu’ils donnent une fiche récapitulative. Parce que quand on est en situation de handicap et étudiant, on a la gestion des études d’une part, la gestion du handicap en tant que tel et de comment s’inscrire dans un environnement pour un étudiant en situation de handicap c’est une autre gestion qui est énorme et largement sous estimée et qui peut parfois être trop importante parce qu’on est pas assez soutenu par l’environnement, par les acteurs qui nous entourent et qui parfois font qu’on est obligé d’arrêter nos études et de faire une pause etc. Mais quand je parle de l’environnement, c’est vraiment l’environnement universitaire, pas du tout la famille, par exemple ma famille au contraire c’est eux qui vont m’aider à avancer et à mettre de l’ordre dans tout ça , mais c’est par exemple la gestion de l’environnement. Par exemple, j’ai un nouvel emploi du temps, il faut que je m’assure que les salles où je suis, soient de bonne taille pour ne pas que cela raisonne et que je n’entende rien. Parfois je me retrouve dans des salles où je n’entend rien du tout et du coup je dois retourner voir l’administration et demander que le cours soit changé de salle etc. On a un système de boucle magnétique qui est un autre système pour transmettre le son dans les prothèses auditives mais parfois sur 3 amphis seul deux en sont équipés et malheureusement tous les cours ont lieu dans la salle qui n’est pas équipée. C’est ce qui me fait dire que certaines choses sont mises en place mais elles ne sont pas effectives, et ça reflète que le handicap ne rentre pas dans les mentalités. On met des besoins matériels, on met de l’argent et on pense que ça va se résoudre comme ça et résoudre le handicap par le matériel ce n’est pas suffisant. Il y a aussi des pratiques qui sont à mettre en place, des points au niveau du comportement sur lesquels il faut faire attention, et par exemple par rapport au preneur de notes, tous les jours je dois essayer de me souvenirs s’il m’a bien envoyé les cours, s’il ne l’a pas fait je doit le relancer, et parfois son cours n’est pas clair, car il me l’a envoyé sans le relire. Il faut toujours repasser derrière et ça c’est très long, très lourd.

Mariette : Donc finalement, si je comprends bien, le plus difficile ce n’est pas le manque de matériel mais plus la charge mentale qu’il y a derrière, parce qu’il n’y a personne pour tout coordonner pour que cela soit simple …

Mila : la charge mentale vient du fait qu’il y a une mauvaise organisation de base tu vois.

Mariette : D’accord, OK. Heu, ce qui m’amène à une question qui est assez liée, mais est-ce que vous auriez des suggestions d’aménagements supplémentaires, plutôt en termes d’accompagnement du coup ?

Mila : Alors moi j’en ai une, déjà autoriser l’AVS (rires) en fac en fait, parce que, pour ceux qui ne le savent pas, l’AVS c’est l’assistante de vie scolaire. C’est une personne qui accompagne la personne en situation de handicap pendant le cycle du primaire jusqu’au lycée, pendant toute la journée d’école. Son rôle va de la prise de notes des cours et par exemple pour moi, enlever et mettre mon manteau, pour la cantine, elle m’aidait à porter mon plateau. C’est une personne qui est là pour ça, qui est payée pour ça et qui est formée pour ça. Donc il y a moins besoin d’expliquer surtout si la personne est la même continuellement, ce qui n’est pas toujours le cas. mais à la fac, il faut savoir que cela n’existe pas. ce n’est plus autorisé. Il faut savoir que l’État considère qu’ à partir des études supérieures, on n’est plus dans le système scolaire, on est dans les études supérieures, et c’est autre chose. Alors moi j’ai pu aller à la fac sans parce que je m’étais bien au fait qu’après la terminale il n’y allait pas  y en avoir et qu’il fallait que je m’habitue à enlever et remettre mon manteau seule à demander de l’aide à la cantine. Mais il faut savoir qu’il y a des étudiants qui ne peuvent juste pas faire des études supérieures parce qu’ils n’ont pas d’AVS et ça pour moi c’est une honte en fait. Je comprends que cela coûte de l’argent parce que du coup c’est l’Etat qui fournit l’AVS mais pour moi c’est une nécessité absolue d’avoir à disposition des personnes pour nous aider.

Par exemple, j’ai connu une personne à la fac qui demandait a sa propre sœur de venir l’aider dans ses journées de fac. Sa sœur avait arrêté de travailler pour venir aider cette personne à suivre ses études.

Mariette : alors que c’est un service qui est un métier à part entière ?

Mila : (sourire) c’est ça ! Les personnes ne font pas ça bénévolement, elles sont payées pour faire ça donc, ça permettrait aussi de créer des emplois. Pour moi c’est quelque chose de primordial. 

Mariette : En tout cas, ça aurait permis une meilleure réussite pour vous, moins d’angoisse en tout cas !

Mila : Complètement, ça m’aurait permis d’être moins fatigué pendant mes années de fac ! 

Mariette : Ça s’est sur !

Héloïse : Moi j’avais une autre suggestion concernant les aménagements que l’on pourrait proposer. Je suis d’accord avec Mila, par contre maintenant l’AVS ça s’appelle AESH, un nom qui a changé pour pas qu’il y ait de confusion. Mais oui les AESH ça serait vraiment à l’université parce que certes Mila et moi on s’en est assez bien sorties pendant les études mais il faut voir à quel prix on s’en est sorti. Il faudrait embaucher davantage d’agents en charge du service handicap. Par exemple moi dans mon école il y a une seule personne qui gère tous les aménagements de tous les étudiants en situation de handicap. Or on est 10 000 étudiants dans cette école, c’est beaucoup trop pour une seule personne. Cela coûte cher c’est vrai mais il y a une expression que j’aimais bien de Jérémie Boroy un membre du Conseil national consultatif des personnes en situation de handicap “Certes l’inclusion pour les personnes en situation de handicap coûte cher mais leur exclusion coûte encore plus chère”. Donc on a tout intérêt à investir parce qu’on apporte des compétences..

Mila : Je suis en train de penser à autre chose, cela peut aussi venir des professeurs. J’ai eu une expérience très positive avec l’un d’eux qui a proposé de lui-même une adaptation des formats d’examens aux personnes handicapés. Dans ce cours nous étions deux en situation de handicap : moi et une personne malvoyante, l’examen a été passé à l’oral pour elle sans qu’il ne soit passé par le service handicap. Il y a aussi ce genre de choses qui peuvent aider. 

Mariette : Je me rappelle moi aussi d’un de mes professeurs d’histoire qui lui était complètement désemparé face à une étudiante aveugle. Il n’y avait aucune coordination entre les professeurs et le service handicap à ce moment-là. 

Mila : C’est vrai, ça dépend vraiment des cas…

Mariette : On pourrait parler de ça aussi du sentiment de culpabilité constant au quotidien que cela implique. 

Mila : Alors de toute façon je trouve que le handicap s’accompagne d’un complexe du fardeau c’est l’idée qu’on est un fardeau et qu’on complique la vie des gens par notre présence. C’est quelque chose que j’ai beaucoup ressenti dans ma scolarité en général et dans la fac particulièrement. Il faut gérer ça au quotidien, c’est vraiment pas le truc le plus agréable à ressentir. Quand on te le fait ressentir vraiment beaucoup c’est pas cool. 

Mariette : Le fait même qu’il n’y est pas d’organisation, de coordination entre les professeurs et l’administration vous fait ressentir comme un fardeau. Comme si vous deviez vous battre !

Héloïse : Moi par rapport au complexe du fardeau je l’ai beaucoup plus ressenti au collège et au lycée plus jeune. Mais la fac non, ça a été pas un révélateur mais en tout cas un moyen de mieux connaître mes droits. Parce qu’en fait au collège et au lycée on ne m’a jamais dit ce à quoi j’avais le droit alors qu’à la fac on me l’a clairement dit ! Et puis le fait d’avoir le droit à plus de compensation on prend plus conscience de notre condition, tandis qu’au lycée on néglige notre handicap, on l’efface comme si on était des lycéens comme les autres. C’est plutôt l’effet inverse ducoup que ça m’a fait !

Mariette : D’accord, ok. 

Mila : C’est vraiment l’inverse pour moi c’est marrant ! Enfin pas totalement parce que le fait qu’au collège et au lycée on fasse comme si je n’avais pas handicap je l’ai connu. Mais par contre je connaissais déjà mes droits, j’étais assez soutenue et puis les compensations elles étaient présentes parce qu’au collège et au lycée j’étais suivie dans un endroit qui s’appelle le CSAD. C’est un lieu  de rééducation ou tout est centralisé donc j’avais toutes mes rééducations au même endroit. Et c’était aussi une équipe qui était là pour me suivre dans mon quotidien et dans ma scolarité. En fait au collège et au lycée il existe quelque chose qui s’appelle le PAI, le projet d’accompagnement individuel qui est mis en place au début de l’année sauf que là c’est fait en équipe pluridisciplinaire donc avec les professeurs, les rééducateurs, les médecins, des représentants du système scolaire français… Et ça me donnait vraiment l’impression d’être prise en charge, d’être accompagnée. L’AESH aidait aussi énormément à ça. 

Héloïse : Comment ça s’est passé quand tu as arrêté le CSAD et que tu es retournée en inclusion ? 

Mila : En fait j’ai arrêté le CSAD à mes dix huit ans donc à la fin de mon lycée. 

Héloïse : Ok, d’accord ! 

Mila : Donc ça coïncidait avec mon entrée à la fac si tu veux 

Héloïse : Là en fait c’est quelque chose dont on voulait parler avec Mila mais qui est importante à préciser c’est que nos parcours scolaires ne sont pas du tout représentatifs de la diversité des parcours des étudiants en situation de handicap. En France il y a un peu trois types de parcours quand on est en situation de handicap : soit on va être dans un établissement spécialisé où on ne va pas être du tout en inclusion avec les personnes valides. 

Mila : Moi c’est ce qui est arrivé de mes 3 ans à mes 8 ans par exemple. 

Héloise : Voilà, donc ensuite il existe une solution hybride où l’on est dans une classe spécialisée intégrée dans un établissement de personnes valides. C’est par exemple le cas des CLIS, ULIS ou des classes rattachés à l’école ordinaire. La troisième solution c’est l’intégration inclusive complète où là on est dans une classe ordinaire de manière individuelle. Et donc moi j’ai toujours été dans une classe ordinaire complète. 

(interlude musicale) 

Mariette : Ces deux témoignages illustrent la diversité des parcours et des situations que cette question soulève. En effet depuis la loi de février 2005 l’orientation et les aides accordés aux jeunes en situation de handicap sont prescrites par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées : la CDAPH. Celle-ci se charge d’organiser des projets personnalisés de scolarisation. Or cette scolarisation peut se dérouler en deux types de milieux : soit le milieu ordinaire soit un établissement spécialisé…

(interlude musicale)

Héloïse : voilà ça joue beaucoup sur ce qu’on dit 

Mila : Moi je suis passée d’un établissement où j’étais uniquement avec des personnes en situation de handicap à un CSAD à partir du CM1. Alors que Héloise n’a pas le même parcours, ce qui donne des situations complètement différentes et des visions de l’intégration totalement différentes. 

Mariette : Mais ça implique aussi Mila peut être que tu te sentes plus perdue dans la masse universitaire ensuite… 

Mila : Ouais ! Après ça n’empêche que j’ai reçu une aide des étudiants, de mes ami.e.s. Enfin par exemple je n’avais pas de preneur de note mais par contre parfois les profs sont très rapide en amphi et je suis plutôt rapide mais des fois ou je suis vraiment fatiguée je m’arrête. Et ça m’arrivait régulièrement de demander à une amie “voilà est ce que tu peux me passer le cours à ce moment là”. Et elle le faisait comme une preneur de note sauf qu’elle n’était pas payée et qu’elle était juste sympa (rires) ! 

Mariette : (rires) Heureusement un peu de solidarité quand même !

Héloïse : Voilà mais ça pour moi c’est un avantage de l’enseignement supérieur c’est la solidarité par rapport au collège et au lycée. C’est de pouvoir demander de l’aide !

Mariette : Ok..Maintenant ce qui m’intéresse c’est de savoir si la politique sanitaire agit comme un biopouvoir, au sens foucaldien, dans le sens où elle pathologise encore plus les personnes en situations de handicap, “hors normes” ? Par exemple par un masque qui ne permettrait pas de voir les lèvres…

Héloïse : Oui (rires) ! Bah alors moi le Covid c’est vrai que ça a changé beaucoup de dimensions dans ma vie personnelle et étudiante. D’une part dans la vie professionnelle le fait que les masques soit obligatoire sur les lieux de travail c’est quelque chose de très compliqué à gérer. C’est à dire qu’on est un peu coincé de partout : lire sur les lèvres sur un zoom c’est très compliqué donc déjà les cours en ligne c’est pas top ! Quand mon école m’a dit la troisième année ça sera tout en ligne j’ai beaucoup insisté pour faire un stage parce que je voulais pas revivre ce que j’avais vécu pendant le premier confinement, qui m’avait malgré les aménagements beaucoup fatigué. Donc je me suis mise en quête d’un stage, et pendant ma recherche cet été le gouvernement a annoncé le port du masque obligatoire sur les lieux de travail. Et à ce moment-là je me suis dit que ça allait être très compliqué ! Quand c’était dans les transports passe encore, parce que ce n’est pas dans les transports qu’on fait nos meilleurs amis en général ! Donc je me suis dis que ça allait être très compliqué et c’est là où j’ai vu à quel point les discriminations étaient accentuées c’est quand j’ai postulé pour une très grosse association humanitaire en France dont je ne dirais pas le nom. Mais qui est très réputée mondialement et réputée pour être très militante et inclusive, et quand j’ai passé l’entretien après un CV. Ils m’ont rappelé en me disant “vous étiez notre candidate préférée, avec le meilleur profil vraiment il correspond pile poil à notre recherche et la personne qu’on a prise correspond moins bien. Mais voilà quand vous nous avez dit que l’on aurait sans doute besoin des masques transparents et que vous étiez sourde on s’est dit que ça ne serait pas possible.. Revenez après la pandémie, on garde une place pour vous.” Il faut savoir que je leur avais vraiment proposé plein de solutions, si ce n’était pas possible les masques transparents comme mettre d’autres choses en place. C’était un travail avec des réfugiés qui ne parlaient pas forcément français donc j’ai dit c’est le moment d’utiliser de nouvelles manières de communiquer. Par exemple les pictogrammes, les tableaux blancs, les dessins donc vraiment j’ai réfléchi au sujet et ils m’ont répondu que c’était trop compliqué et trop cher. Ils avaient déjà eu du mal à trouver des masques par l’état. Donc voilà donc ça c’était vraiment, bah le premier exemple type de la discrimintation a cause des masques. Alors qu’ aujourd’hui les masques transparents sont remboursés par l’Agefiph et le FIPHFP qui sont les plus gros organismes en France pour le secteur privé et public qui remboursent tout le matériel technique qui est censé compenser les situations de handicap. C’est vrai qu’ avant cette crise du covid 19 je n’avais pas tellement peur pour mon parcours professionnel parce que les gens savaient que j’étais sourde mais ils reconnaissaient quand meme mes compétences et la c’est vrai que ca bloque beaucoup plus. Donc je ne sais pas si les masques vont rester obligatoires. Mais si ça reste ça va être beaucoup plus compliqué qu’avant.

Mariette: Mais au fur et à mesure de la pandémie tu as remarqué quand même un effort au niveau des masques ou pas ?

Héloïse : C’est à dire que finalement les gens sont compréhensifs, quand je leur dit je suis sourde je lis sur les lèvres est ce que tu peux baisser ton masque, ils le laissent donc il y a pas de problème par rapport a ca ? En fait tout le monde le sait mais il n’y a pas d’actes donc c’est un peu une logique qu’on retrouve tout le temps dans les situations des minorités. 

Ils disent “oui, oui on comprend” mais y’a pas d’actes derrières donc pour nous la compréhension c’est pas suffisant et il faut faire des choses concrètes et typiquement le fait que les masques ne soient pas diffusés de manière massive et tres generale et que la question du handicap ne soit pas parvenu plus rapidement et de manière aussi importante, ça dit beaucoup de chose de comment on considère le handicap dans nos sociétés. Mais attention il faut faire attention, le discours des personnes sourdes et malentendantes qui disent le masque ca exclut toute une partie de la population c’est pas du tout un discours anti masque. On est d’accord que c’est nécessaire de porter le masque, on veux juste qu’il soit inclusive, donc porter un masque mais qu’il soit transparent et globalement c’est un peu dire a toute une partie de la population on sait que vous existez mais on va rien mettre en place pour vous donc débrouillez vous et ca symboliquement c’est assez violent.

Mariette : Et ce qui cause un problème c’est qu’ en face  les associations et les institutions ne sont même pas en mesure de proposer une alternative.

Mila: Mais apres ca ca ne l’ai pas parce que de manière générale on est une minorité en fait.

Mariette: Oui c’est ça c’est que de toute façon vous avez des difficultés pour vous faire entendre donc dans cette situation évidemment c’est pareil.

Et du coup on peut parler de votre insertion professionnelle parce que la on a parlé des stages mais j’imagine qu’ en terme de projection dans l’avenir c’est compliqué.

Mila: Oui, moi j’ai fini mes études en juin, et j’ai fait deux stages un en master 1 et un en master 2 déjà donc ça m’a donné une bonne idée de ce qu’allait être la recherche d’emploi dans le futur. Il faut savoir que la recherche de stage est compliquée de manière générale pour tout étudiant, en tout cas de ce que je connais en psycho c’est compliqué.

Mais pour les étudiants handicapés il y a une couche en plus qui s’ajoute parce que déjà mettons qu’on envoie des candidatures à 200 structures différentes sur les 200 il va y’en avoir un tiers voir la moitié qui vont nous dire qui sont pas accessibles. Donc ça enlève beaucoup de possibilité et il faut se dire que ce sont des structures qui pourraient nous accueillir en tant que professionnels plus tard, ce n’est pas que pour les stages. Je pourrais potentiellement postuler là bas aujourd’hui en tant que psychologue diplômée.

Mariette : Même dans des établissements médicaux…

Mila : Oui Oui, par exemple, j’ai déjà eu un hôpital qui m’a dit que ca n’était pas accessible et j’ai halluciné. Je leur ai dit vous êtes un hôpital c’est-à- dire que le but c’est que vous puissiez accueillir des personnes qui sont diminuées physiquement donc il y a une logique qui n’est pas présente. Après ils peuvent être accessibles et donc ils vont me recevoir en entretien et tout de suite ils vont me dire : « Premièrement nos toilettes ne sont pas adaptées”. Donc forcément ça veut dire, super, je vais passer des journées de sept heures a pas aller aux toilettes. Ou alors des entretiens ou on a pu me dire: “Mais du coup vous par rapport à votre handicap comment allez-vous gérer ça par rapport à votre pratique de la psychologie ?” Ils me disent ça comme si je n’étais pas au courant que j’étais handicapée. Je sais que je suis handicapée et si je suis allé dans ce champ d’activité c’est que je sais que je peux gérer mon handicap par rapport à la pratique de la psychologie donc la question n’a pas de sens pour moi. C’est des questions qui reviennent en permanence et donc ils nous renvoient en permanence à votre handicap dans l’exercice de notre métier ce qui ne devrait pas être le cas parce que l’important c’est comment on exerce notre métier et si on est un bon psychologue et si on est capable de suivre des patients. Après il ne faut pas non plus nier le handicap. C’est -à -dire que le handicap est présent, le handicap est là on ne doit pas l’oublier. Surtout dans le domaine de la psychologie, le handicap va pouvoir impacter le patient possiblement. C’est à dire que le handicap souvent ca fait peur donc les patients possiblement ca va leur renvoyer quelque chose de négatif mais dès qu’on a conscience de ce genre de chose le problème est résolu.

Héloïse : Petit aparté  la mention ou l’étude du handicap de manière générale et très très peu présente dans les études supérieures sauf si on se dirige vers des métiers d’éducation spécialisé ou qui nécessite de prendre en charge des personnes en situations de handicap. Essayez de vous souvenir d’un cours qui en parle, ça n’existe pas ! Les discriminations ça vient aussi de l’éducation qu’on nous dispense. 

Mariette : oui c’est ça ! Je le vois vraiment en histoire où c’est vraiment les grands absents bon déjà on parle jamais vraiment des femmes mais ça c’est un autre problème..

Mila : Ah ouais c’est intéressant !

Héloïse : c’est ça et puis ça fait que ducoup le fait d’étudier le handicap comme un objet d’étude de sciences sociales parce que ça l’est vraiment aujourd’hui. Et bah en France ça ne l’est pas du tout alors qu’aux Etats Unis ou en Angleterre les disabilities studies sont très développées. Et en France le fait que ca ne soit pas un domaine d’étude à part entière ça a du mal à venir sur le devant de la scène pour être vraiment pris au sérieux. 

Mariette : Justement par rapport à l’étranger est ce que vous avez une expérience différente du handicap ? 

Mila : Oui justement par rapport à ça, Héloise quand tu as parlé de disabilities studies et de l’Angleterre et de l’Amérique moi j’ai vécu un an à Dublin en Erasmus à Trinity Collège. Déjà la vision du handicap est totalement différente là bas. Ils vont beaucoup plus facilement aider sans se poser de question de manière très volontaire. C’est une mentalité un peu globale. En plus de ça à Trinity College il y a un disability officer, qui est chargé de s’occuper de tout ce qui est en lien avec le handicap sur le campus. Il a une équipe pour l’aider et donc moi quand je suis allée à Dublin je suis allée au Trinity College avant pour visiter le campus et parler avec cet homme là pour parler de mon handicap en lien avec les études. et donc ils m’ont tout de suite expliqué que le campus était accessible, quels étaient mes droits. Il m’a expliqué que par exemple ils étaient en lien avec une société qui permettait d’offrir des aides de vie. C’est une société qui embauche souvent des jeunes filles mais aussi des hommes pour aider les  personnes handicapées au quotidien dans différents endroits. Ils nous proposent eux de nous mettre en lien avec leurs aides de vie. C’est beaucoup plus clair, facile qu’en France..

Mariette : Parce qu’ils bénéficient de sorte d’AVS en fait c’est ça ? 

Mila : Alors non, elles ne nous accompagne pas scolairement, mais moi par exemple j’ai besoin d’aide le matin pour m’habiller et me préparer donc elles venaient pour m’éviter de me réveiller à 6 h du matin pour mon cours de 8 h parce que ça me prenait 2 heures de me préparer. Ca me faisait gagner du temps, de l’énergie tout ce que tu veux

Mariette : D’accord

Mila : Trinity College c’est un campus, donc il y a des lieux de vie dans le campus, des appartements et des dortoirs. Et il y a des appartements adaptés donc j’ai pu faire la demande d’un appartement adapté. J’ai pu vivre sur le campus ce qui facilite grandement l’accès aux études parce que si j’avais pas eu ça j’aurais dû chercher un appartement dans Dublin qui était accessible. Enfin j’aurais eu du temps de transport le matin donc ça aurait tout changé. Après l’accès à l’appartement, comment dire j’ai dû faire beaucoup de démarches administratives pour l’avoir c’était long et compliqué ! Mais une fois qu’on l’a c’est fini, tu es dans un appartement adapté à tes besoins. Il n’y a plus à se prendre la tête pour la douche le matin. 

Mariette : L’aménagement au quotidien te permet de te projeter dans un cursus à l’étranger. 

Mila : Tout est différent à l’étranger donc le fait d’avoir tout ça mis en place, qui te facilite la vie parce que vraiment la bas la communication avec les différents acteurs en Irlande est formidable. Ça change tout ! Ça change tout d’avoir une bonne communication, ça change tout ! Et une fois ça a mis très longtemps à être mis en place, j’ai du m’y prendre un an à l’avance mais à partir du moment où c’est fait j’ai plus à me poser de questions. 

Mariette : ouais ça roule (rires)

Mila : C’est le cas de le dire haha 

Héloïse : alors qu’en France on remet souvent en cause le handicap c’est-à-dire que même si on a fait des démarches l’année passée. Dans la nouvelle année on va redemander mais est ce que tu es bien sourde, ça vient aussi du fait que mon handicap est invisible. Mais au lycée par exemple j’avais une de mes profs qui à propos des études supérieures m’avait dit : Tu sais Héloïse si tu veux faire des études supérieures Héloïse il va vraiment falloir que tu apprennes à entendre et elle ne voyait absolument pas le problème de dire ça à une personne sourde. Une fois que je suis arrivé dans mon école il y a mon responsable pédagogique, à qui j’ai expliqué que c’était compliqué fatiguant et que je pensais à un aménagement et il me répond : Mais Héloise vous ne pourriez pas vous faire implanter, alors que l’implant oculaire est très lourd, ça nécessite de la rééducation etc. Le fait que ce soit méconnu le handicap ça amène à des remarques, à des réflexions qui sont mais très violentes !

Mariette : Très infantilisantes aussi et pathologisantes ? C’est à dire qu’on vous présente toujours comme personne en situation de handicap. 

Héloïse : oui totalement 

Mila : Non et puis le mot de violence est vraiment bien choisi 

Héloïse : Ce qui est violent c’est le côté répétitif et continu, chaque nouvelle personne que l’on rencontre c’est des questions : qu’est ce que c’est ton handicap ? Mais pourtant tu parles bien ! C’est le résultat de pleins de préjugés, de méconnaissance de tout ça et ouais voilà. 

Mila : C’est vraiment des exemples très criant de validisme ! Le validisme c’est de manière très large c’est la discrimination dirigée vers les personnes handicapés. C’est des micro agressions répétées, constantes et fatiguantes. 

Héloïse : Le problème c’est que quand on est dans un système d’inclusion dit normal et qu’on rencontre un problème lié à notre de handicap dès  fois les interlocuteurs vont dire c’est pas possible vous ne pouvez pas être discriminé parce que vous êtes dans un établissement normal. Et en fait c’est un peu ça le problème en France c’est qu’il y a un espèce de mouvement de normalisation des parcours des jeunes en situation de handicap mais sans prendre en compte les spécificités et ducoup le validisme se reproduit encore même dans les lieux d’inclusion ordinaire. 

Mila : Nous on entend en permanence vous êtes des personnes ordinaires comme les autres, on vous traite comme des personnes normales. En soi c’est le but mais il ne faut pas nier le handicap qui est présent parce que si on le nie ça devient du validisme. 

Héloïse : Il faut réfléchir pour moi en se disant il y a pleins de personnes comment arriver à répondre aux besoins de chacun. Pour moi c’est une illusion de dire que les personnes en situation de handicap il n’y a que celles qui ont des besoins scientifiques, tout le monde à des besoins scientifiques. Alors certes les personnes en situation  de handicap ont des besoins plus précis, plus forts etc. Mais si on s’inscrivait davantage dans un paradigme de : on est dans une structure, dans une société ou je ne sais quoi et on essaye de répondre aux besoins de chaque personne tout ce système là de discriminations serait amoindri. 

Mariette : C’est assez paradoxale parce que le système éducatif et bon nombre d’institutions veulent faire entrer dans la norme et prétende que ça c’est un type d’intégration alors qu’en pratique le fait qu’il n’y ai pas assez d’aménagements à l’intérieur ça te ramène à ton statut de “hors normes”. C’est une grande hypocrisie quand on regarde à l’intérieur…

Mila : C’est ça ! Les gens veulent à tout prix normaliser, inclure mais il faut le faire en prenant en compte le handicap, parce qu’il est là, il existe. 

Héloise : les politiques d’inclusion sociale en france ne prennent pas assez en compte l’entièreté des besoins de la personne  ça répond à moitié. 

Mila : Comme si on niait une partie de ce qu’on est 

Héloïse : C’est ça et du coup ça nous sur handicape contradictoirement !

Mariette  : Parce que ça vous rajoute une charge mentale en plus si j’ai bien compris le plus gros problème c’est que même si on met en place des aménagements ils ne sont jamais vraiment adaptés donc ça vous pèse en plus. C’est toujours à vous de vous présenter comme tel et de devoir mettre en place des choses. 

Héloïse : Il y a aussi le fait de devoir toujours justifier son handicap ! Moi je suis assez à l’aise avec ça aujourd’hui mais il y a des personnes et je le vois avec les personnes avec qui je travaille aujourd’hui qui ne sont pas forcément à l’aise avec le handicap. Il y a une injonction envers la personne en situation de handicap à être capable de parler de son handicap. A être capable de verbaliser, d’exprimer ses besoins et c’est quelque chose que l’on ne nous apprend pas à l’école en France. Donc parmi les personnes en situation de handicap il y a des personnes qui vont avoir un peu plus de chance parce qu’ils ont appris à le faire ou pas et ça joue beaucoup. C’est tout un processus de conscientisation du handicap et de soi présents pour le monde mais peut être plus pour nous. Et il y a un élément qui peut aider dans cette phase de conscientisation, c’est un peu les acteurs extérieurs. Il y avait plein de choses dont je ne m’étais pas rendue compte jusqu’à ce que je rencontre une association de solidarité étudiante vers qui je me suis dirigée parce que voilà il y a avait un cours ou je n’avais pas de preneur de notes, et le professeur n’était pas du tout compréhensif. Bref je n’allais pas valider ce cours et en fait je leur ai fait un récapitulatif dans mon école et ils m’ont dit mais en fait ce n’est pas normal tout ça. Et des fois quand il y a une autre personne en face de vous, valide, qui vous dit mais en fait ce que tu vis là ce n’est pas normal. 

Mariette : pas normal oui 

Héloïse : Et bien ça débloque plein de choses, et moi c’est vraiment à partir de ce moment là, où j’ai rencontré cette association et des personnes valides qui m’ont dit mais en fait ça ce n’est pas normal que ça a débloqué plein de trucs et que …

Mila : Les personnes peuvent être valides ou handicapées d’ailleurs hein 

Mariette : Et par rapport, là on parle pas mal d’enseignement supérieur, mais vous ne pensez pas comme moi vous qui êtes aussi en sciences sociales que, le plus important il devrait se faire dès le plus jeune âge? Ne serait-ce que pour vous. Enfin à l’école, non mais avoir des cours qui vous font prendre conscience de vos droits et même juste d’apprendre à en parler et apprendre aussi aux valides, tout simplement 

Héloïse : Oui voilà ce que je voulais dire c’est qu’il ne faut pas que ce soit des cours juste pour nous 

 Mariette : Non, non, non 

Héloïse : Des cours pour l’ensemble, voilà 

Mariette : Évidemment 

Héloïse : Mais oui très clairement, ça c’est super important et aussi …

Mila : Il faut qu’on le fasse pour tous et dès le début 

Mariette : Parce que ça joue très tôt en fait finalement sur même juste votre rapport aujourd’hui 

Mila : Oui complètement 

Héloïse : C’est ça, et aussi dans le système en primaire, au collège, au lycée, moi je trouve qu’il y a une chose que les profs devraient obligatoirement faire. C’est, ils ont un élève en situation de handicap, ils doivent proposer la possibilité à l’élève de parler de son handicap aux autres ou que le professeur en parle. Après l’élève il dit oui ou non voilà il fait ce qu’il veut mais moi en primaire, collège, lycée, je n’ai pas eu un seul prof qui est venu me voir en me disant voilà Héloïse est-ce que tu as envie qu’on parle de ta surdité ? Et du coup j’avais toute ma classe qui ne comprenait pas : qu’est-ce que c’était le micro autour du cou, qui ne comprenait pas pourquoi moi je levais souvent la mains, pourquoi je regardais le cahier de l’autre voisin et du coup ils croyaient que je copiais du coup après ça créait des tensions interpersonnels etc. Et ça, proposer en fait cette possibilité là aux jeunes je trouve ça pourrait débloquer vraiment beaucoup de choses. 

Mila : Mais si la sensibilisation était faite dès le plus jeune âge comme Mariette le dit il n’y aurait pas ce problème là. 

Héloïse : Oui

Mariette : Ce sont des schémas qui se répercutent forcément sur le supérieur 

Mila : En primaire, au collège et au lycée ce côté tabou du handicap je l’ai effectivement ressenti parce que soit on me posait aucune question soit on me posait des questions de manière ultra maladroite parce que justement il n’y a pas de sensibilisation qui est faite et on ne se rend pas compte de ce qui peut être blessant ou pas. Et par contre dans l’enseignement supérieur en tout cas pour ma part, du fait aussi de la maturité des personnes qui est un peu plus avancée, il y. Une curiosité qui est quand même présente et mais, de manière avec plus de tact tu vois. Genre les questions sont mieux formulées, et moi il y a des personnes qui se sont vraiment intéressées à mon handicap dans le supérieur et qui m’ont vraiment demandé genre : là est-ce que si je te demande ça, ça te gène ou pas ? Est-ce que si je, est-ce que tu veux que je te propose de l’aide ou pas ? Parce que ça c’est quelque chose par ex que, moi il y a des gens qui m’ont apporté leur aide sans que je leur ai demandé et c’est quelque chose qui est très gênant. Je ne dis pas que le fait d’apporter de l’aide est négatif, ce n’est pas du tout ça, moi je trouve qu’il faut toujours nous demander avant de nous apporter de l’aide. 

Mariette : oui je suis d’accord

Mila : Par exemple on m’a déjà aidé à enlever mon manteau sans que je le demande, on me touche en fait quand on m’aide à enlever mon manteau. Et voilà le tôt respect de l’intimité, respect de la sphère personnelle…

Mariette : ce qui relève de l’intégrité en fait, de tes propres choix 

Mila :  C’est ça n’est pas du tout présent et c’est pour ça moi je pense que ça c’est super important par exemple d’apprendre aux enfants dès le plus jeune âge de demander s’il faut porter de l’aide ou pas. 

Mariette : Le consentement en fait !

Mila : le consentement oui de manière générale 

Héloïse : et c’est pour ça que je pense aussi que c’est super intéressant cette discussion parce que, ça montre en fait que tous les comportements que l’on doit avoir envers les personnes en situation de handicap c’est pas, ça ne doit pas juste concerner cette sphère là en fait. C’est des questions de manière d’être en général. Comment on vit en société, voilà comment on communique ensemble et moi ce que je dirais c’est pour les personnes valides qui ne savent pas trop comment se comporter avec les personnes en situation de handicap, en fait il faut demander plutôt qu’agir. Après vous verrez bien en face de vous si la personne n’a pas envie de répondre, vous voyez et là dans ce cas là. Peut être qu’il y a des personnes en situation de handicap qui n’ont pas envie d’en parler et bien voilà. Et il faut respecter. Mais le plus important moi je trouve ce n’est pas d’agir et après demander, en fait est-ce que c’était bien ? Et moi par exemple j’ai pas mal travaillé avec des personnes déficientes visuel, et il y a quelque chose que j’ai appris récemment et qui m’a beaucoup beaucoup choqué c’est que les personnes déficientes visuel quand elles traversent quand elles tombent dans la rue par exemple très très souvent mais vraiment 9 fois sur 10 il y a une personne valide qui va prendre le coude, la mains de la personne qui va aider entre guillemets (Mila : ça n’est pas possible ça…) la personne déficiente visuel à traverser alors que la personne elle était en pleine phase de concertation, en train d’écouter les bruits des voitures etc pour savoir quand elle pouvait traverser et la personne ne demande même pas en fait : est-ce que tu veux aller à cet endroit là ? Donc juste demandez, communiquez, je trouve que c’est la meilleure des choses qu’on puisse faire

Mariette : C’est ça ! Communiquer pour redonner en fait l’humanité, parce que quand quelque part quelqu’un vient t’aider sans te demander c’est que tu considère juste la personne comme …

Mila : on a l’impression d’être des objets 

Mariette : oui c’est ça !

Héloïse : et en fait la notion qui est vraiment sous-jacente à tout ça comme tu l’as dit Mariette, c’est vraiment le consentement. Je dirais que les personnes en situation de handicap très souvent ont, il nous arrive des choses pas du tout, du tout, du tout consenties. Et c’est un vrai problème en fait. Et je pense que si on pose vraiment le mot consentement, franchement ça peut choquer, surprendre certaines personnes, mais en fait des fois au bout d’un moment il faut poser les mots et dire ce que c’est en fait. C’est juste du consentement. 

Mariette : Et ce consentement il passe aussi par, quelque part, une meilleure visibilité même des personnes en situation de handicap dans le sens où, à partir du moment où c’est des personnes valides qui font, sont au sommet des institutions du système éducatif on ne peut pas forcément décréter qu’elles sont inclusives. Dans le sens oui elles ne prennent pas forcément en compte l’expérience propre d’une multitude d’individus qui vivent des choses.. Par exemple ne serait-ce que vos deux situations, un handicap visible ou un handicap invisible on voit bien que …

Mila : Par exemple par rapport à ça, c’est vrai qu’il n’y a pas de représentants de l’État qui sont en situation de handicap, en tout cas pas à ma connaissance, et je sais que par exemple en Amérique, pendant le mandat d’Obama il a engagé une activiste de manière générale dans le milieu du handicap qui s’appelle Judith Heumann qui est une personne handicapée. Et il l’a engagé je crois si je ne me trompe pas, ce qui a permis d’avoir un impact concret sur la vie des personnes handicapées et ça c’est quelque chose je pense qu’il faudrait, que ça arrive on va dire dans pas longtemps en France. Ça serait utile qu’il y ait au moins une personne handicapée qui puisse donner son point de vue sur la situation même si encore une fois voilà, tout handicap est différent et toute personne handicapée vit les choses différemment. 

Mariette :  C’est ça et ton intervention va m’amener à la conclusion parce qu’on a tout de même bien parlé de, ça soulève un point important c’est à dire que l’éducation a tellement d’importance dans la prise de confiance des individus et dans la prise, qui permette de de se projeter dans un avenir presque gouvernemental de pouvoir, d’empouvoirement on pourrait dire presque. Et justement …

Mila :  les représentations aussi 

Mariette :  les représentations c’est-à -dire qu’il faut donner sa chance à tout le monde et puis il faut donner aussi des perspectives c’est-à -dire ambitieuses à tout le monde. Pour pouvoir prétendre à des postes importants de représentants, de travail dans des associations, en politique pour pouvoir faire avancer les choses. C’est un cycle en fait. 

Mila : Comment dire, que quand on ne se voit pas dans les médias et à la télé. Voilà quand on est pas représenté, on a l’impression qu’il y a certaines choses qui ne nous sont pas accessibles en fait. Et c’est pour ça que oui d’avoir des représentants où on se voit en fait on se voit représenté en tant que personne handicapée avec des responsabilités, avec des postes qui vont avoir un impact sociétal important, nous ça nous. Et bien en fait le mot c’est le mot anglais, c’est l’empowerment. Et c’est vraiment cette notion là qui est hyper importante et qui passe effectivement par l’éducation et par notamment l’éducation dans les études supérieures. Il y a tout le problème de ce que l’on appelle « l’inspiration porn » c’est le fait de comment dire de représenter des personnes handicapées comme des personnes inspirantes mais pour des choses qui ne sont pas inspirantes du tout. Et en fait, on nous martèle avec ces représentations-là dans les médias qui sont quand même assez cocasses. Par exemple, et ça ça donne lieu à des situations en tout cas pour moi dans ma vie quotidienne, je suis déjà sortie en boîte et on est venu me voir et on m’a dit : ah lala qu’est-ce-que tu as du courage d’être là. Alors que j’étais en boite. Être pris au sérieux en fait. 

Mariette : Oui c’est ça 

Héloïse : il faut qu’on soit plus ouvert d’esprit tous. C’est ce que je disais mais voilà, vraiment être plus curieux sur les gens qui nous entourent pour essayer de comprendre leur fonctionnement et essayer de se déconstruire un maximum au quotidien pour voir que non tout n’est pas acquis, tout n’est pas inné. Il y a des choses que certaines personnes font qu’il y en a d’autres ça leur prend des années, et de faire pour ceux qui ont besoin de rééducation etc. Essayer de partir, pas d’oublier tout ce que l’on a appris mais voilà de réussir à avoir un regard critique sur la propre éducation qu’on a pu avoir. 

Mariette : de ne pas essentialiser, de communiquer ! 

Mila : voilà ces petites choses comme ça qui participent à des clichés sur le handicap et qui ne nous mènent pas ensuite à être intégré

Héloïse : Et il faut acheter des masques transparents (rires) !

Mariette : (rires) C’est ça !

Mariette : Et bien je vous remercie beaucoup toutes les deux pour votre témoignage et pour la réflexion qu’on a pu mener ensemble au cours de cette heure. Quant aux auditeurs merci pour votre écoute, vous pouvez retrouver ce podcast sur toutes les plateformes audio et sur notre blog où il sera également retranscrit en script N’hésitez pas à prolonger cette discussion en commentaire et à partager ce podcast. À très vite ! 

Podcast de Mariette Boudgourd, qui n’engage que son auteur-e.

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[Actualité de l’UNESCO: la Journée internationale de lutte contre le SIDA]

Ce mardi 1er décembre marquera la journée internationale de lutte contre le SIDA. Cette journée, mise en place par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1988 et approuvée par l’Assemblée Générale des Nations Unies est destinée à sensibiliser quant à la pandémie du sida qui, contrairement à ce que l’on peut penser, continue à sévir dans le monde entier. 

En termes de chiffres, la pandémie du sida, consécutive à une contamination par le virus du VIH a fait près de 690 000 victimes en 2019 dans le monde, ce qui est non négligeable par rapport aux 38 millions de personnes qui vivaient avec le VIH en 2019, soit l’équivalent de la population d’un pays comme le Canada. La pandémie est bien un sujet actuel, avec un virus qui touchait en France, près de 170 000 personnes en 2016. 

Si l’ONU a créé un programme commun dédié à la lutte et à la sensibilisation pour le sida, se nommant ONUSIDA et qui participe en premier plan à la médiatisation de cette journée internationale, ce thème n’en demeure pas moins cher aux valeurs de l’UNESCO. En effet, l’UNESCO se distingue notamment par rapport à son programme d’éducation complète à la sexualité qui contribue à permettre aux jeunes de se protéger contre le VIH. 

Comme le rappelle l’UNESCO, son action est essentielle auprès des jeunes puisque la tranche de population entre 15 et 24 ans qui représente 16% de la population mondiale représente 34% des 15-49 ans qui contractent le VIH tous les ans. Il s’agit donc pour l’UNESCO de viser spécifiquement les jeunes dans son programme d’éducation complète à la sexualité qui consiste surtout à mettre en oeuvre, main dans la main avec d’autres organismes ou associations, des programmes pour éduquer les jeunes quant à leur sexualité. L’UNESCO a ainsi publié des Principes directeurs internationaux sur l’éducation complète à la sexualité qui, dans les grandes lignes, donnent des concepts clés à enseigner sur la notion de genre, la sexualité, la santé ou encore le bien-être.  

On déduit alors assez facilement que la lutte contre cette pandémie se réalise de concours avec l’accès à l’éducation et il faut rester vigilant car, là où la pandémie progresse ou stagne, l’accès à l’éducation des populations touchées par le sida se réduit. En effet, les enfants orphelins à cause du sida sont déscolarisés et de l’autre côté, les enseignants peuvent être touchés par la maladie, réduisant de surcroit l’offre éducative. Pour exemple, au Malawi, plus de 30% des enseignants sont infectés par le VIH et le sida y tue près de 4 enseignants par jour. À l’inverse, une étude menée en Afrique du Sud avait conclu que le taux d’infection au VIH était fortement inférieur dans l’enseignement supérieur que dans le reste de la population, ce qui montre l’influence positive que peut avoir l’éducation contre la pandémie. Il s’agit aussi de rappeler que cette pandémie est due en grande partie à la pauvreté. 

Enfin, chaque année, la journée internationale de la lutte contre le sida revêt un thème particulier et cette année, il s’agit de la solidarité mondiale et de la responsabilité partagée. Le thème de cette journée fait ainsi référence à la pandémie de la Covid-19 qui sévit actuellement et a exacerbé les inégalités déjà existantes quant à la l’accès à la santé et donc quant à la lutte contre le sida. Ce thème vise à faire appel à une solidarité nationale pour lutter le plus efficacement contre cette maladie. Cette journée vise donc à informer le public mais aussi à lever des fonds pour lutter plus efficacement contre le virus et apporter les meilleurs soins aux malades. À côté de cette mobilisation internationale qui demeure, reste encore l’espoir d’un vaccin qui pourrait permettre de mettre fin, enfin, à cette pandémie. 

Article écrit par Emma Laurent (Cet article n’engage que son auteur)  

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