[La femme au tableau et la question de la restitution des biens]

La technique méticuleuse de pose de feuilles d’or et la préparation lente et précise par l’un des peintres symbolistes les plus célèbres de l’histoire de l’art, sur son oeuvre la plus représentative et controversée, sont des images constituant l’ouverture de La Femme au tableau, sorti en 2015 et réalisé par Simon Curtis.

Cette oeuvre cinématographique retrace le parcours juridique entrepris par Maria Altmann, interprétée par Helen Mirren, pour récupérer cinq tableaux de Gustav Klimt -dont le Portrait d’Adele Bloch-Bauer I- que sa famille possédait et qui avaient été volés par les nazis puis confiés au musée du Belvédère à Vienne, en Autriche.
En effet, ce portrait d’Adele Bloch-Bauer, tante de la protagoniste, avait été rebaptisé The Woman in Gold (également le titre original du film), dans le but de dissimuler l’identité juive du sujet. Spolié par le régime nazi en 1938 à Vienne, conséquemment à l’annexion de l’Autriche par celui-ci, de nombreux biens de la famille juive Bloch-Bauer sont saisis illégalement dont le Portrait d’Adele Bloch-Bauer I qui est acquis illégalement par le musée national du Belvédère à Vienne, au sein duquel l’oeuvre sera exposée pendant de nombreuses décennies. Néanmoins, la nièce d’Adele Bloch-Bauer décide en 1999 d’engager des procédures à l’encontre du gouvernement autrichien pour la restitution du tableau, considéré comme un bien familial. Assistée par le jeune avocat de Los Angeles, également d’ascendance juive, Eric Randol Schoenberg, qui est joué par Ryan Reynolds, le duo s’embarque dans une odyssée historique émotionnelle, animé par un désir de justice lié notamment aux souvenirs douloureux de la Seconde Guerre Mondiale et de ses conséquences.

Si le film est assez classique et sans surprise dans son ensemble, empruntant le schéma traditionnel des films historiques entre flashbacks et linéarité dans sa mise en scène, les performances et le sujet même de l’oeuvre -encore peu traité au cinéma- qui concerne la restitution des biens, convainquent le spectateur de son intérêt, d’autant plus que le film se révèle efficace pour expliquer de manière concise le contexte paradoxal dans lequel nous vivions.

En effet, l’oeuvre de Simon Curtis illustre le paradoxe qui s’installe entre la volonté, dans un contexte diplomatique et culturel, pour le gouvernement autrichien -mais cela pourrait aussi concerner les gouvernements britannique et français avec la question coloniale par exemple- de reconnaitre les erreurs passées dont le vol de plusieurs biens appartenant à des familles juives spoliées pendant la Seconde Guerre Mondiale; et d’autre part, d’un point de vue pratique et légal, le déni par les institutions culturelles de l’acquisition illégale de ces biens en question.

Par conséquent, les représentants du gouvernement autrichien s’entêtent à poser des obstacles procéduraux dans cette affaire Maria Altmann vs République d’Autriche, qui devient rapidement retentissante et est même jugée par la Cour suprême des Etats-Unis en 2004, qui considère les tribunaux américains compétents pour juger l’affaire.

Finalement, l’affaire est tranchée par arbitrage en Autriche, dont le jugement donne raison à Maria Altmann exigeant la restitution des cinq tableaux réalisés par Gustave Klimt.

La Femme au tableau n’éblouit pas par son originalité mais a le mérite de s’attaquer à une question trop peu traitée au cinéma, et pourtant bien présente dans la société, à savoir la restitution des biens.

Grâce à une mise en scène efficace et concise, les principaux enjeux de cette affaire, notamment culturels, historiques, politiques et éthiques, ne sont pas simplifiés et dénués de leur complexité, avec la volonté de préserver cette oeuvre -considérée comme un symbole pour de nombreux Autrichiens et nommée la « Mona Lisa » autrichienne- au Musée du Belvédère, qui s’oppose à un désir de justice et la recherche implicite d’une réparation émotionnelle de la part de Maria Altmann.

S’achevant sur une image forte du duo gagnant Altmann-Schoenberg (Helen Mirren et Ryan Reynolds), le film donne la satisfaction au spectateur d’assister à une victoire des outsiders, obtenant une justice qui n’a pas de prix.

Pour aller plus loin :

  • Joséphine Bindé, « Splendeurs et tourments de la « dame en or » de Gustav Klimt », Beaux Arts
    Magazine, 19 juin 2020 (https://www.beauxarts.com/grand-format/les-vicissitudes-de-la-dameen-
    or/?fbclid=IwAR0Ut9nPnY1G6ouP3MmBlgeBaAZ22YtkjccZNt3Jz3SbVddz5L_yXJFIsGA)
  • Patricia Cohen, « The Story Behind ‘Woman in Gold’: Nazi Art Thieves and One Painting’s
    Return », The New York Times, 30 mars 2015 (https://www.nytimes.com/2015/03/31/arts/
    design/the-story-behind-woman-in-gold-nazi-art-thieves-and-one-paintings-return.html)

Article de : Noémie Ngako

Cet article n’engage que son auteure.

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