[Les grands travaux de l’UNESCO : La campagne de Nubie, 1960-1980]

La campagne dite de Nubie trouve sa source dans le dilemme qui oppose la culture au développement de l’Égypte alors nommée République Arabe Unie. Le gouvernement prend la décision à la fin des années 1950 de bâtir le haut barrage d’Assouan et d’ainsi créer le lac Nasser (lac de Nubie), réservoir d’eau de 162 milliards de mètres cubes devenu nécessaire pour le développement de la région et du pays. Cependant un tel projet mettrait en péril quelque 17 sites archéologiques égyptiens et 5 autres en territoire soudanais, tous sur les bords du Nil et en amont du barrage. 

    C’est pourquoi en 1959 les gouvernements égyptiens et soudanais font appel à l’UNESCO indépendamment l’un de l’autre, demandant assistance pour sauver ces sites archéologiques nubiens voués à la submersion en l’absence d’action. À la fin de cette même année, la 55e session du conseil exécutif de l’UNESCO adopte le principe d’un appel à la coopération internationale dans l’objectif de sauver les sites en danger. Des études et recherches archéologiques débutent alors en urgence. 

    En janvier 1960 les travaux pour le haut barrage d’Assouan commencent, c’est le début du compte à rebours. Le 8 mars de la même année (1960) Vittorino Veronese alors directeur général de l’UNESCO lance un appel à la communauté internationale pour la sauvegarde de ce qui commence à un être perçu comme un patrimoine appartenant à l’humanité. 

    S’ensuivent 20 ans de travaux pharaoniques pour démonter pierre par pierre ces monuments de l’Égypte antique vieux de plus de 4 millénaires pour la plupart. Ces monuments sont ensuite rebâtis en 6 groupes, à l’abri des eaux du Nil et du futur Lac Nasser : 

  • les temples des îles de Philae sur l’île d’Agilkia à proximité du précédent barrage d’Assouan ; 
  • les temples de Beit el Wali et Kalabsha et le Kiosque de Qertassi sont positionnés près du haut barrage ;
  • les temples de Dakka, Maharraqa et Wadi es Sebua près du site antérieur de Wadi es Sebua ;
  • les temples d’Amada et Derr ainsi que la tombe de Pennut à Aniba près du site antérieur d’Amada ;
  • les temples d’Abu Simbel in situ mais 60 m au-dessus du site d’origine ;
  • les temples d’Aksha, Buhen, Semna Est et Semna Ouest au jardin-musée de Khartoum.
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Démontage des statues du temple d’Abu Simbel

    Toutefois 3 monuments ne purent être déplacés et totalement sauvés (le temple de Gerf Husein, les chapelles de Qasr Ibrim et le temple d’Abu Oda), 4 autres temples furent offerts en guise de gratitude à certains pays ayant contribué au succès de la campagne. Ainsi le temple Debod fut offert à l’Espagne, le temple Taffa aux Pays-Bas, le temple Dendur aux États-Unis d’Amérique et celui d’Ellesyia en Italie. 

    Une des opérations les plus spectaculaires fut celle du sauvetage d’Abu Simbel. Ce site archéologique redécouvert au 19e siècle et initialement situé à 280 km d’Assouan abritait 2 temples creusés dans le roc. Un premier était dédié à Ramsès II et un second à la grande épouse Néfertari. C’est en novembre 1963 qu’est signé l’accord pour le sauvetage du site et en avril 1964 que commencent les travaux. Il faut dans un premier temps décaper la montagne pour soulager le poids qui repose sur les temples encastrés dans la roche. La difficulté du site réside dans le fait que celui-ci n’a pas été construit pierre par pierre comme les autres, il ne peut donc pas être démonté, il doit être découpé. C’est le début de mois de travaux où les parois et géants monolithiques de grès sont sciés puis déplacés quelques 60 km plus loin. Là-bas, sur une colline artificielle, une montagne en béton reproduisant celle d’origine attend les décors du temple.

    La campagne de Nubie prend officiellement fin le 10 mars 1980, 20 ans exactement après l’appel de Vittorino Veronese. Il s’agit là du premier grand chantier international de sauvegarde pour des monuments qui font désormais partie du patrimoine mondial de l’humanité. 


Article de Yacine Navenot

Cet article n’engage que son autrice.

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