Pour ce nouveau portrait de personnalités inspirantes, nous nous focaliserons aujourd’hui sur Christine Delphy, sociologue et militante féministe qui a énormément contribué à la recherche dans les études de genre, et qui paradoxalement est moins connue par le grand public que Simone de Beauvoir.
Née en 1941, elle est chercheuse au CNRS depuis 1981 principalement dans le domaine des études de genre et du féminisme. Elle fait partie du courant de féminisme matérialiste, qui utilise des outils théoriques issus du marxisme pour conceptualiser le patriarcat. Pour elle, et c’était presque précurseur à cette époque, l’inégalité entre les femmes et les hommes et le patriarcat n’est pas dû à des différences biologiques entre les individus, mais à la construction de la société. Prenons l’exemple “les femmes sont considérées comme plus émotives que les hommes”. A cela, Christine Delphy répond que cette émotivité n’est pas ancrée dans les gènes de la femme, mais bien parce que dès son enfance, on lui a appris qu’une femme se devait d’exprimer ses émotions, à la différence des garçons. La lutte des genres, pour elle, s’associe aux mêmes combats que la lutte des classes, et c’est en cela que cette approche féministe est révolutionnaire.
Issue d’une famille appartenant à la petite bourgeoisie (ses parents étant tous deux pharmaciens), Christine Delphy a toujours été encouragée à faire des études. Et c’est très tôt dans son enfance qu’elle a commencé à se poser des questions sur l’égalité des sexes. Dans un entretien que l’on peut retrouver sur France Culture, elle explique qu’elle ne comprenais pas pourquoi, quand ses parents rentraient pour manger les midi, sa mère s’attelait à la préparation du repas, puis à la vaisselle, pendant que son père s’asseyait dans le canapé. Et pourtant, selon elle, elle n’avait pas ce modèle patriarcal si présent dans certaines familles, car sa mère travaillait autant que son père, et exerçait le même métier.
La recherche
Après avoir étudié à la Sorbonne, puis aux Etats Unis (Chicago et Berkeley), elle obtient sa thèse en 1968 à l’Université du Québec à Montréal. Dans les années 70 pour sa thèse, elle échange avec Pierre Bourdieu pour lui demander de travailler sur l’oppression des femmes, mais ce dernier l’encourage à faire une sociologie du patrimoine. Elle est donc irritée, d’autant plus qu’elle est militante, membre d’un mouvement dans lequel l’un des hommes lui explique que l’oppression des femmes n’est pas aussi importante que l’oppression des ouvriers car les femmes sont certes opprimées, mais pas exploitées comme les prolétaires le sontt. Elle se met donc à travailler sur cette question du patrimoine et elle découvre qu’il y avait toute une partie de la production économique qui ne rentre pas dans le marché économique mais qui était une production qui se fait à la maison (les femmes s’occupent des enfants, font à manger et le ménage, ce qui ne rentre pas dans le système marchand mais pourtant, il y a bien une production).
L’engagement
Christine Delphy est aussi engagée. En effet, tout au long de sa vie, elle publie dans de nombreuses revues, qu’elles soient françaises, américaines ou britanniques ; pour des articles tantôt scientifiques, tantôt militants. En 1968, elle participe à la création du Mouvement pour la libération des femmes et en 1977, elle participe également à la fondation de la revue Questions féministes, qui est la première revue francophone d’études féministes. Dans cette lignée, en 1980, elle cofonde Nouvelles Questions Féministes, qui est toujours publiée en 2021. Ces deux revues introduisent, notamment, le courant intellectuel du féminisme matérialiste et le concept de genre. Les deux revues sont d’ailleurs fondées avec le soutien de Simone de Beauvoir, qui en est directrice de publication jusqu’à son décès, en 1986.
Mais l’engagement de Christine Delphy ne s’arrête pas là. En 2003, lors de la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques, elle se mobilise par exemple contre l’islamophobie et refuse l’instrumentalisme du féminisme pour servir cette cause. Pour elle, il faut mettre sur « le même plan le droit de porter le foulard autant que le droit de ne pas le porter ».
Si le parcours de Christine Delphy vous intéresse, nous ne pouvons que vous conseiller d’écouter sa série de 5 entretiens sur France Culture : https://www.franceculture.fr/emissions/series/christine-delphy.
Mais, vous pouvez également consulter son blog sur lequel elle partage ses réflexions : https://christinedelphy.wordpress.com.
Article de Tifenn Genestier
Cet article n’engage que son auteure.