[Chronique sur le patrimoine UNESCO en France : Bordeaux, port de la Lune]

Saviez-vous qu’après Paris, Bordeaux est la ville française qui compte le plus de bâtiments protégés par l’UNESCO ?

Et pour cause, en juin 2007, l’UNESCO décide de classer sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité les 1800 hectares de la ville de Bordeaux, un ensemble qui comprend la Garonne, la façade historique des quais et 347 bâtiments classés. Le secteur sauvegardé fait 150 hectares, il représente 40% de la superficie totale de la métropole !

Le « port de la Lune » que mentionne l’UNESCO lors de l’inscription de Bordeaux sur la liste du patrimoine mondial, est une nomination datant du Moyen-âge, qui met l’emphase sur le rôle prédominant de la ville dans les échanges commerciaux via la Garonne. Située sur un méandre de ce fleuve, Bordeaux est ouverte sur l’estuaire de la Gironde, qui amène vers l’Océan Atlantique. Ce méandre constitue un port naturel, dont la forme en croissant explique le nom de « port de la Lune ».

Bordeaux aerial panoramic view. Bordeaux is a port city on the Garonne river in Southwestern France

Depuis l’Antiquité sous l’Empire romain, la ville est active dans le commerce. Le port de la Lune est aménagé pour importer et exporter les nombreuses marchandises qui y affluent, parmi lesquelles le fameux vin qui fait la renommée de sa région. Bordeaux se développe au bord de la Garonne : des huttes romaines au Palais de l’Ombrière médiéval où nait Aliénor d’Aquitaine en 1122, la rive gauche est de plus en plus densément urbanisée. L’expansion de la ville commence réellement au XVème siècle, époque durant laquelle les échanges se font sur de plus longues distances grâce aux progrès de la navigation. De nombreux négociants affluent vers le port, ce qui aboutit logiquement à la création d’un quartier permettant de stocker les marchandises et de loger les acteurs de ce commerce : les Chartrons.

Le tournant pour le port de la Lune a lieu au XVIIème siècle, lorsque Bordeaux participe activement au commerce sucrier aux Antilles : il devient le premier port de France, et réalise deux cinquièmes du commerce national avec ces îles. C’est durant ce siècle, en 1685, que la ville envoie son premier navire négrier, lançant le processus d’un intense commerce d’esclaves jusqu’en 1826. Après avoir longtemps été accusée de passer sous silence ce passé négrier, la ville le reconnait aujourd’hui à travers des actions concrètes telles que le changement de noms de rues qui portaient les stigmates de ces crimes, ou encore la mise en place de salles consacrées à ce commerce au Musée d’Aquitaine.

C’est néanmoins durant cette période que Bordeaux se dote de ses plus beaux édifices, que nous pouvons encore contempler aujourd’hui. L’architecture actuelle est d’une homogénéité rare puisque ses monuments classiques et néoclassiques érigés durant la période des Lumières et à l’époque coloniale, sont encore nombreux. Ces bâtiments sont pour beaucoup le fait du marquis de Tourny, qui s’installe dans la ville en 1743 et qui entend exploiter son potentiel en favorisant son développement architectural, la ville étant selon ses dires « admirablement située ». Il fait détruire les remparts médiévaux, et aménage Bordeaux par la construction des places Gambetta, Victoire et de la Bourse, ou encore des portes Dijeaux et d’Aquitaine. C’est aussi le marquis de Tourny qui crée la façade des quais, uniformisant ces derniers dans un style classique. Ces travaux de grande ampleur façonnent une nouvelle ville sur le modèle versaillais, dont l’objectif est la recherche d’ordre et de symétrie.

Tourny contribue donc au rayonnement esthétique de la ville de Bordeaux, cette dernière regroupant également de multiples édifices classés. Pour citer deux des plus célèbres, situés dans le centre historique: le théâtre de Bordeaux, construit en 1780 par le maréchal de Richelieu, ou encore le Palais Rohan, actuelle mairie, construit pour le prince de Rohan en 1770, sont d’impressionnants monuments de style classique.

Si l’urbanisme et l’architecture de Bordeaux sont classés sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, c’est aussi parce-que le projet urbain de 1995 contribue nettement à l’embellissement de la métropole. Du nettoyage des façades à l’aménagement de la promenade sur les quais, en passant par la mise en place d’un tramway et les mises en lumière, Bordeaux est devenue une nouvelle ville, qui attire de plus en plus de touristes. Le fameux miroir d’eau devant la place de la Bourse sur les quais, le plus grand du monde, inauguré en 2006, ne fait que rehausser cette image positive.

Bordeaux, Eau, Centre-Ville, Urbanisme

Bordeaux, « ensemble urbain et architectural exceptionnel » selon l’UNESCO, peut ainsi bénéficier depuis 2007 d’une attention particulière pour sa préservation de la part des acteurs patrimoniaux.

Article de Manon Etourneau

Cet article n’engage que son auteure.

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[Chronique sur le patrimoine Unesco en France : le Bassin minier du Nord-Pas de Calais]

Le Bassin minier du Nord-Pas de Calais désigne un site de 120 000 hectares, classé en 2012 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Il regroupe 109 biens individuels qui ont trait à l’histoire de l’extraction du charbon : des fosses (la plus vieille date de 1850), des infrastructures de transport de la houille, des gares ferroviaires, des corons… 

Le site donne à voir un paysage façonné, durant trois siècles (XVIIIe au XXe siècle), par l’extraction du charbon et tout ce qui y est associé, comme le note l’UNESCO : 

  • une architecture particulière et un urbanisme spécifique avec les corons ou les cités-jardins,     
  • l’histoire de l’Europe industrielle,
  • des « éléments physiques et géographiques » caractéristiques (terrils, terres agricoles…), 
  • des « vestiges des équipements de transports » (chemins de fer…)
  • du « patrimoine industriel minier » avec par exemple les bâtiments industriels résiduels 
  • ou encore des  « éléments monumentaux et architecturaux témoins de la vie sociale » (églises, châteaux des dirigeants, sièges sociaux des compagnies…). 

Le site illustre les conditions de vie difficiles des mineurs ainsi que la dangerosité du travail de la mine. Il témoigne également de «la diffusion des idéaux du syndicalisme ouvrier et du socialisme». 

Coron des 120 à Anzin et Valenciennes. Bassin minier du Nord-Pas de Calais (France); Auteur : Hubert Bouvet. Copyright : © Hubert Bouvet, Région Nord-Pas de Calais, 2012.

Lien durable: whc.unesco.org/fr/documents/117353

Le bien inscrit rassemble donc un patrimoine à la fois technique et paysager ainsi qu’un héritage social. Selon les termes de la Convention du patrimoine mondial, le site « présente un paysage culturel évolutif vivant exceptionnel par sa continuité et son homogénéité ».

Ce site s’inscrit dans un patrimoine bien particulier : le patrimoine industriel. Il s’agit d’un patrimoine récent (en France), qui a eu du mal à obtenir de la reconnaissance. Beaucoup de sites miniers ou industriels similaires ont été détruits. La fermeture des mines et usines a participé à produire de multiples friches, souvent rasées au profit d’une nouvelle utilisation. Ainsi, dans les années 1980, nombreux sont les témoignages de l’histoire minière à avoir disparu. L’exemple du centre thermal à Amnéville, celui du parc d’attraction Walygator Grand-Est (anciennement Big Bang Schtroumpf) à Hagondange en Lorraine, tous deux construits à la place d’anciens sites miniers ou encore l’aménagement d’une piste de ski synthétique sur un terril à Nœux-les-Mines dans le Nord-Pas-de-Calais, illustrent ce phénomène qui consiste à « gommer le passé » pour donner une autre fonction aux territoires. Il s’agit d’une stratégie du « tabula rasa» consistant à faire table rase du passé pour donner une nouvelle vie au territoire.

Ce n’est que récemment que la question de la patrimonialisation du paysage de friche industrielle s’est posée. Certains sites sont « devenus » patrimoine en tant que porteurs d’histoire. C’est la prise en compte d’un passé « accepté » qui est à l’origine du passage de cet héritage « encombrant » (friches immenses,  patrimoine industriel minier abandonné…)  vers un patrimoine « reconnu ». Le « territoire-mémoire », comme ces friches industrielles, est  au cœur des enjeux de patrimonialisation actuels en tant que témoignage d’une histoire minière et industrielle mais aussi sociale et collective. En effet, l’on était mineur de père en fils et l’ensemble de ces territoires, ainsi que de nombreuses générations étaient et restent marqués par cette ancienne quasi mono-industrie. 

Lewarde (Nord) Fosse Delloye, Centre Historique Minier. Bassin minier du Nord-Pas de Calais (France), Auteur : Hubert Bouvet

Date : 24/05/2011Copyright : © Hubert Bouvet, Région Nord-Pas de Calais; Lien durable: whc.unesco.org/fr/documents/176688

Pour en savoir plus : http://whc.unesco.org/fr/list/1360/ 

Cet article n’engage que son auteure !

Écrit par Agathe Passerat de La Chapelle

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