[Portraits de personnalités inspirantes : Thérèse Clerc]

Thérèse Clerc naît le 9 décembre 1927 dans une famille bourgeoise catholique très conservatrice de Bagnolet. Petite, elle voit ses voisins ouvriers adopter des orphelins de la guerre d’Espagne. Elle les voit aussi, quelques années plus tard, cacher des Juifs. 

Thérèse a grandi en suivant scrupuleusement les valeurs de ses parents, autrement dit : être la parfaite épouse et femme au foyer. Elle a fait des études, pour apprendre le métier de modiste et s’est mariée en 1941 à Claude, petit entrepreneur en nettoyage industriel. Ils aménagèrent ensemble dans un grand appartement, payé par ses parents. A ce moment de sa vie, Thérèse avait quatre enfants, et ne travaillait pas. Elle trouvait encore ça normal et elle ne se posait pas de question. 

Cependant, à l’église, elle fréquentait des prêtres-ouvriers, qui lui racontaient les horreurs de la guerre d’Algérie, le marxisme et la lutte de classes. Dans un discours où l’émancipation de l’homme est prééminente, Thérèse ne se reconnaissait pas : et la femme, dans tout ça ? Lorsque ces questions émergèrent dans son esprit, nous étions en Mai 1968. Alors, en cachette de son mari, elle participa à des réunions et des manifestations, où elle découvrit l’anticapitalisme, le féminisme, les notions de patriarcat, d’émancipation et même de plaisir sexuel. En fait, elle s’est rendue compte que les femmes n’étaient absolument pas libres. D’ailleurs, apprenant que la première cause de mortalité chez les françaises était l’avortement clandestin, elle s’engagea dans le mouvement pour la libération de l’avortement et la contraception. A 40 ans, Thérèse aimait ses enfants, mais son mari, lui, la désespérait. Elle passa alors son permis, trouva un emploi de vendeuse et demanda aussitôt le divorce. 

Dans son nouvel appartement à Montreuil, Thérèse pratiqua des avortements clandestins gratuitement et, plus au courant que n’importe qui sur les dangers de l’avortement, elle s’engagea pour la dépénalisation de ce dernier. En fait, Thérèse n’est jamais allée à l’Université. Mais, cela ne l’a pas empêchée de développer une importante culture civique et militante. A défaut d’apprendre dans les livres, elle a appris sur le terrain.

Quelques années plus tard, grand-mère célibataire ne roulant pas sur l’or, Thérèse a dû s’occuper de sa mère, malade. Cela la mena à une observation fondamentale : les femmes âgées étaient statistiquement plus isolées et plus pauvres que les hommes. Lui vint alors une idée : pourquoi ne pas créer une maison de retraite non médicalisée pour les femmes (et uniquement pour les femmes), où elles pourraient vivre et vieillir ensemble jusqu’au moment tant redouté de l’admission en maison de retraite médicalisée. Ainsi, la Maison de Babayagas naquit. C’était une résidence autogérée pour les femmes âgées, à faibles revenus, où chacune habite chez elle. Il n’y avait pas de personnel, pas de chambre médicalisée, mais une vingtaine d’appartements indépendants à faible loyer et des lieux de vie collectifs. Chacune devait donner dix heures de son temps hebdomadaire, les dépenses étaient mutualisées, et les conditions d’admission étaient uniquement l’âge (+ de 65 ans), le faible revenu et une expérience dans le domaine du militantisme et de l’associatif. Les Babayagas organisaient des déjeuners avec les riverains, des conférences, des débats, des sorties culturelles, l’Université du savoir des Vieux, et partaient même en colonie de vacances ensemble.

En 2003, Thérèse refusa qu’on lui remette la Légion d’Honneur, mais finit par l’accepter en 2008, en présence de Simone Veil. Elle a passé ses dernières années à se battre pour se faire entendre par les pouvoirs publics sur la précarité des femmes, à parler aux jeunes filles dans les lycées en les incitant à faire des études et en leur expliquant que leur corps leur appartient et qu’il n’est pas la propriété ni des hommes, ni de la société. Elle décéda le 16 février 2016, dans son appartement de Montreuil, entourée de ses enfants, pour qui elle a toujours voué un amour sans faille. 

Article de Tifenn Genestier.

Cet article n’engage que son auteure !

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[Portraits de personnalités inspirantes : Olympe de Gouges]

« La femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit avoir également le droit de monter à la Tribune » déclare sur un ton polémiste qui lui est propre Marie Gouze, davantage connue sous le nom d’Olympe de Gouges, dans l’article 10 de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.

Cette femme de lettres françaises, également figure politique importante du XVIIIe siècle, est née le 7 mai 1748 à Montauban et morte guillotinée le 3 novembre 1793 à Paris. Considérée comme une pionnière du féminisme français; la défense des droits de la femme et de l’égalité des sexes fut effectivement l’oeuvre de toute une vie et, pourtant, ce n’est qu’à la fin du XXe siècle, notamment à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française, que sa figure et son travail furent redécouverts grâce aux travaux mis à jour d’historiens.

Si ce personnage marquant de l’Histoire est désormais étudié et apparait dans les manuels scolaires, non seulement son parcours et sa vie sont encore (trop) mal, voire méconnus, mais sa reconnaissance nationale, par les institutions publiques, est toujours remise en cause.

Féministe mais surtout humaniste

Olympe de Gouges interpelle souvent pour son travail de féministe, soit pour sa défense sans relâche des droits des femmes.

En effet, sa réflexion concernant l’égalité des femmes commence avec la publication en 1786 de la pièce Le Mariage inattendu de Chérubin, qui répond notamment au Mariage de Figaro de Beaumarchais et dans laquelle elle dénonce le mariage forcé des femmes et plaide pour l’émancipation féminine.  

Toutefois, son oeuvre la plus célèbre reste sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, publiée en 1791 et qui se veut être une parodie de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La femme de lettres prône publiquement avec cette déclaration, la volonté d’une égalité des sexes.

Femme engagée, ses travaux ne se limitent pourtant pas -contrairement à ce que l’on pourrait croire- à la question de l’égalité des sexes.

Elle traite également d’autres sujets sensibles au sein de la société française du XVIIIe siècle, tels que la situation des enfants illégitimes, les ouvriers ou l’esclavage qu’elle dénonce dans Zamore et Mirza ou l’Esclavage des Noirs (1784) et Réflexions sur les hommes nègres (1788), oeuvres qui la rendent célèbre et lui permettent d’intégrer la Société des Amis des Noirs.

En conséquence, par la nature des sujets traités par la femme de lettres, cette dernière se révèle être une véritable humaniste. 

Révolutionnaire intellectuelle

Les questions sociétales sensibles qui apparaissent dans les écrits d’Olympe de Gouges, ainsi que les réflexions et propositions de solutions qu’elle apporte, symbolisent le caractère avant-gardiste de l’écrivain.

Effectivement, militante active elle réclame l’égalité de traitement sans distinction de sexe, couleur ou revenu, et plaide pour l’instauration du divorce -qui le sera en 1792.

Ses idées sont donc révolutionnaires intellectuellement dans la mesure où ses écrits, tracts et affiches dénoncent l’ordre établi et se révèlent profondément modernes, voire avant-gardiste pour son époque.

Par exemple elle obtint que les femmes fussent admises dans une cérémonie à caractère national, d’abord à « la fête de la loi » du 3 juin 1792, puis à la commémoration de la prise de la Bastille le 14 juillet 1792

Contemporaine de la Révolution française, Olympe de Gouges n’hésite pas à diffuser publiquement ses idéaux, partageant (droit de vote sans distinction de sexe, contre la peine de mort) ou non (partisane d’une monarchie constitutionnelle sur le modèle britannique et non de l’instauration d’une République) de la Révolution française.

Néanmoins son hostilité envers la Terreur et la figure de Robespierre engendre son arrestation puis condamnation à la guillotine par ce dernier le 3 novembre 1793, à seulement 45 ans. 

Vers une reconnaissance nationale ?

Selon sa déclaration testamentaire, la femme de lettres, qui toute sa vie durant aura été engagée, déclare « Je lègue mon cœur à La Patrie (…). Mon âme aux femmes, je ne leur fais pas un don d’indifférence ». 

Libre d’esprit, Olympe de Gouges refusa après son veuvage de se remarier afin de préserver une liberté intellectuelle et politique. Figure avant-gardiste défendant auprès des institutions publiques une égalité pour tous et condamnant toute forme d’inégalité sociale concernant les femmes, les ouvriers ou les esclaves, elle eut un impact retentissant dans la société française du XVIIIe siècle.

Comme de nombreuses femmes de l’Histoire, elle fut pourtant oubliée avant d’être redécouverte, d’abord par des études universitaires étrangères après la Seconde Guerre mondiale mais surtout avec la publication en 1981 de la biographie d’Olivier Blanc en France.

Olympe de Gouges fait finalement son entrée à l’Assemblée nationale en 2016, par le biais de son buste de marbre blanc, demeurant la première (et seule -pour l’instant) figure féminine au sein de l’institution française. Le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, avait alors énoncé à cette occasion qu’il aura fallu « plus de deux siècles pour que l’on reconnaisse le talent de cette pionnière de l’égalité des droits ».

Néanmoins, cette reconnaissance nationale fait toujours l’objet de débats car la question de son entrée au Panthéon, demandée depuis 1989, est controversée.

Le Président François Hollande s’était notamment montré favorable à la panthéonisation de cette figure historique en 2014, mais la demande fut rejetée, ce qui laisse la question en suspens.

Ce personnage emblématique que représente Olympe de Gouges est donc certes reconnu comme étant la première « féministe » française; cependant il ne faut pas pour autant omettre ses autres combats et leurs sujets, tout aussi importants, qu’elle a rendu visibles malgré leur caractère sensible, et dont l’approfondissement mériterait une attention plus profonde, tant ils sont inspirants.

Sources

Olivier BLANC, Olympes de Gouges, Paris, Éditions Syros, 1981

Olivier BLANC, Marie-Olympe de Gouges. Une humaniste à la fin du XVIIIe siècle, Paris, René Viénet, 2003

Benoîte GROULT, Ainsi soit Olympe de Gouges : la Déclaration des droits de la femme et autres textes politiques, Paris, Grasset, 2014

« Olympe de Gouges au Panthéon », Libération, 30 septembre 2013 (https://www.liberation.fr/societe/2013/09/30/olympe-de-gouges-au-pantheon_935883)

« Recalée au Panthéon, Olympe de Gouges, statufiée, entre à l’Assemblée », Franceinfo Culture, 19 octobre 2016 (https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/sculpture/recalee-au-pantheon-olympe-de-gouges-statufiee-entre-a-l-assemblee_3366187.html)

Cet article n’engage que son auteure.

Article de : Noémie Ngako

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